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La chronique judiciaire

Deux bagarreuses en hidjab

La placette était bondée de monde ce lundi, jour de marché, quand tout à coup des cris de filles désespérées, percèrent l’air !

La foule, en majorité des hommes rassemblés sur la place « des Trois Martyrs » rapidement intéressés à la vue de deux corps féminins se rouler sur la dalle de sol fraîchement posée au centre – ville, se dispersèrent pour vider les lieux sans demander le reste. Oui ! Quand des êtres se bagarrent, c’est généralement un spectacle. Mais ici, il s’agit de jeunes femmes habillées de hidjabs- djellabas qui se roulent par terre sans que personne n’intervienne, jusqu’à l’arrivée en trombe de la voiture – radio de la sûreté urbaine du coin, qui passait par là, probablement en ronde de routine.
Les flics descendent de leur voiture et procèdent de suite au nettoyage des lieux. Ils embarquent les bagarreuses et démarrent en direction, du poste où la première audition aura lieu.
La visite médicale des deux blessées se fait à l’hôpital, chacune se plaignant, histoire de montrer au procureur et au juge du siège, la gravité des coups, selon les normes voulues. Puis, c’est la présentation devant le procureur de la République qui les met sous contrôle judiciaire, le temps de comparaître en correctionnelle sous l’inculpation de coups et blessures réciproques.
Les deux témoins sont entendus. Deux témoignages contradictoires. La juge du siège appréciera.
Le comble, ils seront entendus tous les deux, sous serment. Une catastrophe ! Et les violences volontaires sont fortement punies par la loi.
L’article 264 (loi n° 06-23 du 20 décembre 2006) « Quiconque, volontairement, fait des blessures ou porte des coups à autrui ou commet toute autre violence ou voie de fait, et s’il résulte de ces sortes de violence une maladie ou une incapacité totale de travail pendant plus de 15 jours, est puni d’un emprisonnement d’un (1) an à cinq (5) ans et d’une amende de cent mille (100 000) DA à cinq cent mille (500 000) DA.
Le coupable peut, en outre, être privé des droits mentionnés à l’article 14 de la présente loi pendant un an au moins et cinq ans au plus.
Quand les violences ci-dessus exprimées ont été suivies de mutilation ou de privation de l’usage d’un membre, cécité, perte d’un œil ou autres infirmités permanentes, le coupable est puni de la réclusion à temps, de cinq à dix ans. Si les coups portés ou les blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort l’ont pourtant occasionnée, le coupable est puni de la peine de la réclusion à temps, de dix à vingt ans. »
Une fois tout le décor placé, c’est la barre. La présidente de la section correctionnelle du tribunal est en superforme. Elle exige le silence le plus total. Après avoir renvoyé une vingtaine d’affaires tous délits confondus, et sur la demande des inculpés eux-mêmes ou de leurs conseils, la juge appelle les deux femmes inculpées et victimes. Cela fera rire les non-initiés, mais c’est comme cela que cela fonctionne. Henia J. 39 ans, couturière de son état et Chahra K. 41 ans, que l’on présente comme une cuisinière d’occasion, ne se regardent pas. Visiblement, elles s’évitent pour le moment.
La présidente parcourt rapidement l’ordonnance de renvoi et passe aux choses plus sérieuses : « Je vous préviens. J’ai un rôle pas possible et comme je tiens à ce que les détenus rentrent très tôt, vous avez intérêt à vous mettre à table sans fioriture. Effectivement, les deux femmes inculpées- victimes, raconteront les mêmes versions : elles sont rivales dans le quotidien ! Les deux fameux témoins, isolés dans la salle de délibérations sont appelés un à un.
Le premier, un gus de 29 ans a vu Henia sauter au cou de Chahra en lui portant de violents coups à la tête, mais n’a pas vu Chahra frapper Henia. Le statut de témoin le protège dans ses contradictions.
Le tribunal en tiendra compte certainement lors de la mise en examen du dossier. Il est vivement remercié par la juge qui appelle le second témoin, plus âgé que le premier et à l’ouïe lourde. C’est pourquoi il ne parlera que de ce qu’il a vu ! Il a vu les deux femmes se prendre au collet et échanger des coups dont la plupart vont dans les airs.
La présidente veut en savoir plus. Il est incapable d’inventer. Il le dit à la juge :
« A part cela, je n’en sais rien ! A moins que vous me parliez de la rixe qui a eu lieu il y a 15 jours, au quartier ! Oui ?
- C’est bien de cela qu’il s’agit ! Alors, que savez-vous exactement ? », dit, exaspérée la magistrate qui allait vaciller devant tant de gaucheries et surtout de maladresses. On a la nette impression qu’il a une récitation à débiter et qu’il est impatient de passer au tableau noir. Il se met carrément au garde-à-vous.
La présidente va le préparer, car depuis le temps, les témoignages demeurent les moutons noirs de la justice.
En effet, il est bon de le rappeler que depuis le temps où nous assistons aux fameux témoignages de nombreux et gauches témoins qui n’ont pas vu, entendu quoi que ce soit au cours des accrochages ayant entraîné les auteurs à la barre, nous pouvons vous assurer que ce genre de témoignages, genre « le témoin n’a rien vu, rien entendu, rien... », est à proscrire car ils font perdre leur précieux temps aux magistrats qu’autre chose. Mais cela dépend du législateur, de l’APN.
En attendant, les braves juges du siège font avec ce qu’ils ont sous la main.

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