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La route, ce lieu de tristesse

La route fait du bruit, un bruit assourdissant par le nombre effarant de morts et de blessés, souvent qui embrassent une très longue carrière à vie avec le handicap...

La salle d’audience du tribunal était pleine à craquer ce matin du mercredi de début d’été 2019, un début toujours humide, mais chaud. Alger est plutôt humide et agaçante pour les malades qui font un effort pour ne pas être gênés dans leurs désirs de bien faire, surtout en matière de justice. Quoiqu’étouffé par l’air ambiant, le président, un asthmatique chronique notoire, garde toute sa vigueur pour la journée qui s’annonce rude et pleine.
Le juge se voulait être en forme pour bien mener son audience à son terme. Avec plus d’une centaine de dossiers dont plusieurs seront reportés pour une raison ou pour une autre, à une date ultérieure. Le magistrat fera tout pour réussir sa journée, l’unique de la semaine qu’il doit achever, quel qu’en soit le prix.
Cette audience a attiré beaucoup de monde car il y a un inculpé hors du commun : c’est un automobiliste qui a été interpellé sans permis de conduire. Il soutient l’avoir égaré la veille de l’accident qui a failli endeuiller une famille entière. L’inculpé et les six blessés étant connus dans le quartier où se trouve le tribunal, il est évident qu’il y ait tant de curieux qui se serrent dans la salle d’audience, pour assister à ce procès spectaculaire et retentissant.
Le président de la section correctionnelle entre juste après que la sonnerie eut retenti, poussant toute l’assistance à se lever, par respect au drapeau bien en vue dans la salle d’audience, un geste coutumier dans les juridictions.
Le juge s’installe et commence alors par appeler d’abord à la barre les parties venues renvoyer leurs joutes pour des raisons qui leur sont propres.
Les avocats aussi s’avancent, certains heureux de l’aubaine, car un autre procès les attend quelque part, souvent dans une juridiction à atteindre en jouant du coude. Les détenus aussi, vont connaître un sort différent cette journée du moment que leurs procès seront reportés.
Ils seront réunis dans les geôles, bavardant avec les uns, s’amusant avec les autres, de quoi tuer le temps, un temps qui ne finit jamais de s’étirer pour des détenus, surtout ceux qui se savent condamnables pour un bon bout de temps.
Or, cette journée va voir un inculpé de blessures involontaires en état de fuite, et, le comble, pris avec un taux d’alcoolémie de deux grammes quarante-quatre, soit une fois et demie que ne le prévoit la loi. Il est détenu car au moment où il a été neutralisé ivre mort, il a tenté de résister aux flics qui ne se laissent jamais avoir dans ces cas-là.
Le juge appelle Foued. H. qui quitte le box sur la pointe des pieds et le regard rivé au sol, car, depuis qu’il était entré dans la salle d’audience, il a aperçu des voisins venus aux « nouvelles » de leur bon voisin Foued en taule depuis une bonne semaine.
Et puis, vous savez, des voisins, ce n’est pas toujours ce que vous croyez. Le président vérifie l’identité du mec, demande s’il a un conseil, dans le cas contraire il bénéficiera d’un délai pour en constituer un. La réponse est négative et le magistrat griffonne quelques lignes confirmant le refus du détenu.
Puis le juge sifflota. C’est un geste rare, mais cette fois, le sifflement du président signifiait quelque chose que les présents vont apprendre immédiatement. Il marmonna et lança dans un silence de mosquée, un vendredi, treize heures : « Inculpé, vous êtes libre de répondre à la question suivante : avec le taux que j’ai sous les yeux, et que je reprends devant tout le monde, deux grammes quarante-quatre, j’ai une nette idée de ce que vous avez consommé.
A propos, combien de bouteilles avez-vous bu ? Et à titre d’information pour l’honorable tribunal, quelle est la nature du liquide ingurgité ? Allez, soyez honnête avec vous-même et le tribunal, dites-nous la vérité ! Un lourd silence pesait sur l’atmosphère de la salle d’audience. Le détenu ne répondit pas. Il était libre de ne pas répondre, pardi ! N’est-ce pas que c’est le président en personne, qui le lui a appris ? Le magistrat rappelle les faits en deux minutes, car heureusement qu’il n’y ait pas eu de décès ce jour-là.
Un sinistre sans décès est de nos jours une excellente nouvelle. C’était l’unique bonne nouvelle de ce procès. Mais le juge était dans son jour et était résolu à faire partager avec l’assistance la nature de la boisson consommée et surtout le nombre de bouteilles ingurgitées.
Il s’épongea le front qui dégoulinait à cause du taux d’humidité persistant dans la ville et dans la salle d’audience. Il lança sans ton et surtout sans ire :
« Voilà ! Vous avez bu au moins une bouteille de whisky, une dizaine de bières et d’autres breuvages nocifs pour les chauffeurs qui deviennent, du coup, des chauffards ! Ce n’est pas beaucoup ça ? »

De Quoi j'me Mêle

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