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VIES DES SAINTS MUSULMANS PAR ÉMILE DERMENGHEM (I)

L'auréole de sainteté

EN ISLÂM, aussi bien qu'en d'autres religions, la dévotion, l'ingérence sans scrupule et l'excès de politesse ne suffisent pas toujours pour faire un Saint. La Sainteté est un attribut de Dieu et de Dieu seul.

En ce début du neuvième mois sacré de Ramadhâne 2016, de l'année 1437 du calendrier hégirien, je présente aux Musulmans mes voeux de bonne santé et de jeûne agréé par Dieu Tout-Puissant.
De même qu'au Ramadhâne 1436, et puisque mes lecteurs en avaient exprimé leur satisfaction de connaître quelques aspects importants de La Vie de Mahomet (V Ma chronique Le Temps de lire en quatre parties parues dans L'Expression des mercredis 24 juin, 1er juillet, 8 juillet et 15 juillet 2015), je propose toujours du même auteur Émile Dermenghem (1892-1971), un ouvrage intitulé Vies des Saints Musulmans (*). Écrit par un archiviste français arabisant talentueux et édité en 1942 dans la collection «La Chamelle» des Éditions Baconnier à Alger, cet essai est très éclairant pour les non-initiés sur ce que l'on appelle «El Awliyâ'», en islâm. Au singulier, «El Walî» est un terme différent de celui de «prophète» ou d'«Élu», et encore plus différent de celui qui donne l'idée de «Sainteté» dans le Christianisme... Quoi qu'il en soit, il est sûr que l'islâm «rejette la tendance à diviniser les médiateurs», et seul les prophètes, en islâm, avec la permission et l'aide de Dieu, peuvent faire des miracles, - les saints, eux, non; aussi imagine-t-on des «imposteurs» parmi eux se livrant à leurs prouesses effrénées pour convaincre les naïfs à croire à leurs pratiques douteuses mêlant magie, divination, sorcellerie, forgerie.

Une Générosité Divine
En somme, il est bien compris que tous les Prophètes sont des Saints, mais tous les saints, convenus dans l'esprit populaire, ne sont pas des prophètes. Soit donc, les prophètes sont toujours supérieurs aux saints. Néanmoins, ceux-ci sont «Awliyâ Allah, Les Amis de Dieu» et ont - affirment leurs fidèles - leurs secrets et, de plus, dans le Coran (Sourate X, versets 62-63), il est dit: «Non! en vérité nulle peur ne pèsera sur les proches (Awliya') d'Allah et ils ne seront pas attristés. / Ceux qui auront cru et auront été pieux.» Par ailleurs, les Oulamâ', docteurs en théologie, et les spécialistes dans l'étude de l'islâm, précisent: «Donc celui qui concrétise l'attribut de la croyance ainsi que l'attribut de la crainte d'Allah entre implicitement dans les bien-aimés d'Allah.» Mais j'ajoute la formule traditionnelle: «Dieu seul sait.».
Rappelons qu'Émile Dermenghem fut un archiviste paléographe, journaliste, archiviste-bibliothécaire. Du 16 mars 1942 au 13 janvier 1962, il a occupé le poste d'archiviste-bibliothécaire du Gouvernement général de l'Algérie, succédant à Gabriel Esquer (1876-1961), nommé administrateur de la bibliothèque nationale d'Alger. «C'était, pour lui [Dermenghem], rapporte un de ses biographes Pierre Boyer, l'occasion inespérée de renouer avec l'islâm [...] Il avait surtout vu, dans sa nomination à Alger, le moyen de reprendre contact avec l'islâm. L'année de son arrivée, il publiait La Vie des saints musulmans (Baconnier, Alger, 1942) qui dut être réédité en 1956; en 1945, il donnait Les Contes kabyles (éd. Charlot, Alger) [...]. Allaient suivre selon un rythme régulier Les plus beaux textes arabes (La Colombe, 1951); Le Culte des saints maghrébins (Gallimard, 1954); Mahomet et la tradition islamique (éd. du Seuil, 1955). [...] À ces ouvrages, il convient d'ajouter de nombreux articles parus dans Documents algériens et dans des revues littéraires ou de vulgarisation.».
En ce mois de méditation, il m'a semblé utile d'exprimer ici, le point de vue d'un chercheur de haute qualité sur la signification de la sainteté en islâm. Comme on parle ailleurs du «Vivre ensemble», et de dialogues des Cultures, il y a à faire oeuvre pie en proposant à la lecture Vies des Saints Musulmans d'Émile Dermenghem. Là, se trouvent des idées franches, politiques au sens originel de polis, prônant l'islâm authentique, fraternel et paisible, innocent de tous les actes de violences produits en son nom à travers le monde. Le présent ouvrage Vies des Saints Musulmans d'Émile Dermenghem aide à comprendre qu'il n'est ni judicieux, ni pédagogique, ni scientifique, ni religieux de qualifier l'islâm de «généreux»: il est l'essence même de la Générosité Divine.

El Awliyâ', les Saints Musulmans
Il nous suffit, dans cette première partie de donner à lire des extraits de l'introduction d'Émile Dermenghem à son livre Vies des Saints Musulmans:
«L'idée de sainteté, une des plus universelle qui soit, se nuance de teintes fort différentes selon les temps et les lieux. Il n'est guère de peuple qui ne place le héros sacré à l'origine de la cité, au principe de sa conservation, au sommet de son idéal. Mais ce saint prend des aspects et revêt des costumes fort divers. À peine différent du sorcier chez les primitifs, il ne se distingue guère du héros ou du sage chez les classiques Grecs et Latins. Il tend à devenir le mystique dans les cultures brahmaniques ou bouddhiques d'Extrême -Orient comme dans les trois grandes religions monothéistes occidentales. Après avoir servi de truchement aux forces obscures du cosmos pour vitaliser et diriger le groupe, après avoir incarné un idéal d'harmonie et de perfection dans la générosité, il devient la fine pointe de l'esprit humain tendue vers la réalité suprême. Toujours il est l'être ´´élu´´, ´´dévoué´´, ´´consacré´´ qui est sorti de la caverne aux fantômes platonicienne, chez qui se concentrent et s'amplifient les forces qui sont à l'extrême pointe de la condition humaine, et qui fait passer le courant divin dans la société et dans le monde. Au terme d'études consacrées à l'hagiographie musulmane, nous verrons peut-être les caractères essentiels de la sainteté en Islam. Contentons-nous, au seuil de ce volume consacré à quelques-uns des grands awliyâ' (plur. De walî, saint) des IIe, IIIe et IVe siècles de l'Hégire (VIIIe-Xe siècles ap. J.-C.) d'indiquer brièvement dans quelles conditions ces hommes apportèrent à un monde qui a toujours besoin de saints - si mal qu'il les traite parfois - un message spirituel - et accessoirement poétique - toujours vivant et peut-être même plus actuel aujourd'hui que jamais.
Le fondateur de l'islam, Sidnâ Mohammed (sur lui la prière et la paix!) n'était pas essentiellement un saint, mais un prophète, nabi et un envoyé, rasoûl. Son, rôle était, non pas de cultiver sa propre spiritualité, de réaliser un type de perfection mystique ou d'assumer les souffrances des êtres, mais de faire entendre un message objectif, de promulguer une voix formelle et d'organiser une communauté.
Ses compagnons sont naturellement de grands saints vénérés par les musulmans [...] Leur place est plutôt dans une histoire des origines de l'islam ou dans une histoire générale que dans une hagiographie. Les saints des siècles suivants n'ont d'ailleurs pas cessé de se réclamer d'eux. Ils ont trouvé chez certains (Houdzaifa, Aboû Dzarr, Khozâ'î, etc.) des traits spécifiques d'ascèse, de renoncement, d'oraison. Plus, les confréries se sont efforcées de rattacher au Prophète, par Sidnâ Alî (que Dieu embellisse son visage!), Anas ben Mâlik ou Aboû Bakr (que Dieu soit content d'eux!) la chaîne (silsîla) de leur institution.» Après cent cinquante années de l'Hégire, il y eut de nombreux «saints» issus de différentes sortes de confréries et des groupes de guerriers pour la sauvegarde de l'islâm et la protection des populations converties à l'islâm. Des spirituels ouvrirent des «Écoles» dans les capitales arabes islamisées.
«Les awliya étudiés dans ce livre, poursuit Émile Dermenghem, sont donc les contemporains et les auteurs de cette élaboration, et antérieurs à l'organisation des ordres religieux et des confréries qui joueront, à partir du VIIe/XIIIe siècle, un rôle si important, et même quelque peu accablant, dans la vie spirituelle de l'islâm. [...] S'il est un temps où les ressources les plus précieuses sont la patience, la résignation et le renoncement, c'est bien le nôtre.
Pour moi, qui ai rédigé les pages qui suivent aux heures sombres où les sept coupes de la colère étaient déversées sur le monde, je ne saurais avoir trop de reconnaissance envers les awliya pour le secours qu'ils m'ont apporté dans l'épreuve.? Au bout de dix siècles, j'étais aidé par l'abnégation d'un Ibrâhîm, la subtilité d'un Dzoû'l Noûn, l'élan vers l'essentiel d'un Bayazîd, la rude loyauté d'un Bichr, l'ivresse poétique d'un Soummoûm et d'un Noûrî, la limpidité d'un Sarî et d'un Yahya, la fantaisie libérée d'un Chiblî.
Que profitent de leur exemple et bénéficient de leur baraka les hommes d'un monde qui souffre d'avoir méconnu que sa racine était dans le monde supérieur des Idées, de l'Amour et de la Gloire! Que Dieu soit content d'eux et sanctifie leur secret!»
À suivre dans les prochains Temps de lire, la présentation de quelques «Vies» des Awliyâ' étudiés avec science et conscience par Émile Dermenghem dans son livre Vies des saints musulmans.
Bonne journée de jeûne du Ramadhâne.

(*) vies des saints musulmans par Émile Dermenghem Éditions Baconnier, Alger, 1942, 319 pages.

De Quoi j'me Mêle

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