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La «démocratie» à la mode de l’Est

Le glacis mis en place par Moscou au lendemain de l´effondrement de l´Union soviétique en 1989 semble aujourd´hui se fissurer de plus en plus sous la poussée conjuguée d´une opposition, souvent inspirée de l´extérieur, et le soutien - en sous-main - de Washington à toutes les manoeuvres de déstabilisation des régimes issus de l´ex-bloc communiste. De fait, l´un après l´autre, les pays de la Communauté des Etats indépendants, CEI, regroupant des Etats issus de l´ex-Union soviétique autour de la Russie, essaient de plus en plus de se libérer des liens pesants les liant à Moscou. Ainsi, après la Géorgie et l´Ukraine, en Europe de l´Est, c´est le Kirghizistan, en Asie centrale, qui fait sa mue, par une «révolution populaire», opportune, dont le mode de fonctionnement semble aujourd´hui bien au point, ce qui ne manque pas d´inquiéter les dictateurs des ex-Républiques soviétiques qui règnent sans partage sur leur pays depuis la disparition de l´Urss en 1990 et dont nombre d´entre eux ont fait leur classe dans la nomenklatura soviétique. Aussi, le changement de pouvoir à Bichkek sonne-t-il comme un dernier avertissement pour des potentats dont le pouvoir ne finit pas de s´éroder au fil des ans, nonobstant les scores fleuves qui ponctuent des élections plurielles qui n´avaient de démocratique que l´intitulé. De fait, l´effondrement de l´Etat au Kirghizistan - après la révolte populaire, suite aux élections législatives d´il y a une quinzaine de jours, où la fraude a été massive selon les observateurs de l´Osce - en dit long sur la fragilité et l´inconsistance de pouvoirs qui n´ont pu se maintenir qu´au prix de répressions sanglantes comme celle d´Asky, dans la région de Jalalabad, en 2002, qui donna au Premier ministre Kourmanbek Bakiev, de démissionner en signe de protestation, se découvrant ainsi, sur le tard, une passion de démocrate qui l´intronise en tant que héros et leader de l´opposition. Or, Bakiev fit l´essentiel de ses classes dans la nomenklatura locale, mais sut saisir au vol l´opportunité de changer de veste à l´aune des événements qui secouaient les pays voisins. Cependant, contrairement à ce qui s´est passé en Géorgie et en Ukraine, où tout s´est passé en douceur, où effectivement la population a puissamment aidé au changement de régime et à l´ouverture démocratique, au Kirghizistan, c´est essentiellement un mouvement «spontané» qui se présente plus comme un coup d´Etat, que comme un changement induit par une véritable révolution populaire, avec l´installation manu militari au pouvoir de l´«homme fort» du moment, Kourmanbek Bakiev, qui se présente comme tel, à la tête de l´Etat. D´ailleurs, le nouveau pouvoir à Bichkek, tente de trouver une ouverture pour légaliser un pouvoir de fait. Il y a aussi le fait que le contrôle de ces «révolutions», opportunes, sinon faites sur mesure a, cette fois, échappé à Washington qui n´a pu que constater les dégâts suite aux pillages et aux destructions des biens publics qui ont précédé et suivi la chute du régime d´Askar Akaïev. De fait, la déclaration, faite sous couvert de l´anonymat, d´un haut responsable du département d´Etat américain, sonne comme un aveu d´ingérence lorsque celui-ci estime que la fuite du président Akaïev, «n´est certainement pas un événement que nous aurions encouragé ou que nous aurions prévu». Ce même responsable, comme si Washington s´attendait à cette «révolution», sur le mode des celles ayant eu lieu en Géorgie et en Ukraine, indique: «Nous nous étions basés sur des institutions qui fonctionnent, mais cela n´a pas été le cas. Ces institutions se sont effondrées à tel point qu´Akaïev n´avait pas d´autre choix que de partir», «maintenant il faut faire avec cette réalité», conclut cette même source. De fait, si les «révolutions démocratiques» en Europe de l´Est ont pu être circonscrites à la Géorgie, renversement du régime d´Edouard Chevardnadze en 2003 et celui de Koutchma en Ukraine, en 2004, la chute d´Akaïev en Kirghizie laisse croire, en revanche, que cette dernière peut ouvrir la voie à la chute des régimes autoritaires des Républiques d´Asie centrale. De fait, selon le politologue Fedor Loukianov, «les Occidentaux considèrent en ce sens les événements du Kirghizstan comme la mèche susceptible d´allumer la flamme de la révolution démocratique». D´ailleurs, ce qu´il convient de relever est que tous les potentats, dans les Républiques de l´ère soviétique, à l´exception du président tadjik Emomali Rakhmonov, (à la tête de l´Etat depuis 1992), et azerbaïdjanais Ilham Aliev, (qui succéda à son père Islam Aliev en octobre 2003), étaient déjà en place depuis la constitution de la CEI et partie-prenante au pouvoir à l´époque soviétique. Aussi, les présidents du Kazakhstan (Noursoultan Nazarbaïev, depuis 1991), de l´Ouzbékistan (Islam Karimov, depuis 1990), de Turkménistan (Saparmourat Niazov, depuis 1990, dont la mandat a été prolongé «à vie» en 1999, règne en fait sur le pays depuis 1985) se sentent tous aujourd´hui assis sur un siège éjectable, surtout si la «démocratie» à la mode de l´Est contamine leur régime, comme elle vient de le faire avec la chute du président kirghize, Askar Akaïev. Ainsi, les temps sont devenus durs pour des potentats de l´Est, qui n´ont pas su se remettre en question, en maintenant des pouvoirs à façade démocratique qui, s´ils arrangent bien les affaires de la Russie, étouffent en revanche les aspirations aux libertés des peuples musulmans de ces ex-Républiques soviétiques, qui ont hérité de pouvoirs totalitaires exerçant des poignes de fer sur les populations locales. Le hic est que ces changements au forceps interviennent dans des conditions où la démocratie est toujours absente lorsque des apparatchiks se découvrent soudain des âmes démocrates alors que cette démocratie est devenue le moyen le mieux-disant de se recycler pour des hommes politiques en perte de vitesse. L´arrivée au pouvoir de Kourmanbek Bakiev, largement battu aux législatives, en témoigne.

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