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Janitou (2020), documentaire de Amine Hattou

Algérie de l’amour déchu!

Ce poignant film vient d’être sélectionné au festival italien Asolo Art Film Festival.

Le titre du filme est «Aa gale lag Jaa» qui veut dire «Viens embrasse-moi», mais pour les Algériens c'est irrémédiablement «Janitou»... Ils ont décidé de l'appeler ainsi et pas autrement eu égard au début du refrain de cette chanson célèbre qui marque une des scènes des plus touchantes de ce film culte en Algérie. Qui ne connaît pas ce film qui a réuni des familles entières, grands et petits d'abord, au cinéma, puis à la télévision dans les années 1980? Une histoire dramatique, celle d'un garçon atteint de la polio qui fera rapprocher ses parents sans le savoir. Une histoire d'amour étouffée, oubliée, mais qui finira par rejaillir quelques années plus tard. De l'amour, de la guerre des classes, de la misère sociale sur fond de chants et d'émotion made in Bollywood, bien entendu. Un film qui fera pleurer plus d'un... Dans son documentaire, intitulé aussi «Janitou», Amine Hattou, le réalisateur, part à la rencontre de personnes qui ont été marquées par ce film et dont la trajectoire de vie aura été aussi guidée un peu par ce coup du destin cinématographique. À noter que ce doc d'emblée n'est pas une plongée dans un quelconque making of du film indou. Il s'agit plutôt d'un prétexte pour cerner la mémoire des Algériens et partant, comprendre pourquoi ce film ait autant touché les Algériens et pourquoi ces derniers ont une telle nostalgie de l'époque de sa sortie. Le film s'ouvre avec Amine Hattou fouinant dans ses photos de famille.
Passé et présent de l'Algérie
Des archives qui remontent à son enfance et puis avec sa mère de remonter le temps et de distinguer le salon où il verra le film «Janitou» avec ses parents pour la première fois. Il re-trouvera aussi dans ce fatras de photos, celle de son amour d'enfance... Les photos, on en verra beaucoup dans ce documentaire qui tend à resituer le puzzle des souvenirs comme une sorte de cartographie du sentiment amoureux, mais pas que...De l'amour oui, mais de l'amour comme tabou dans une société qui connaîtra une tragédie nationale avec l'avènement de la décennie noire et ce que le réalisateur tâchera de raconter en associant ces deux parties du film l'une à l'autre. Comment le film de Manmohan Desai, sorti en 1973 servira de catalyseur pour faire parler les gens et les amener petit à petit à retrouver le chainon de l'image manquante. Celle de cette histoire tue, l histoire personnelle, jusqu'à celle avec un grand H. Amine Hattou nous emmène du rêve vers le chaos sans prévenir et nous voila en train d' assister sans broncher, impuissants devant la souffrance d'une mère dont le fils a été tué par les terroristes, ce garçon qui respirait la joie de vivre à une époque où son autre, frère Mehdi Boucharef fredonnait Janitou sur sa guitare. Et puis silence radio...
Mélancolie et décennie noire
De la mélancolie, de l'amour impossible il en sera question aussi avec cet homme de 40 ans, appelé Lyès, qui espère toujours trouver l'amour pour se marier alors que ses potes du quartier lui affirment que l'amour est un jeu pour adolescents car lorsqu'on grandit c'est place à la responsabilité d'un père envers son foyer. Mais Lyès n'en démord pas... Lui dont les souvenirs amers de sa jeunesse lui rappellent l'assassinat de son frère qui venait d'être enrôlé dans l'armée dans la lutte contre le terrorisme. Mais sa mort sera maquillée autrement. Lyès éclate en sanglots alors que la caméra le filme de dos la nuit devant le grand silence d'une ville qui dort... Alger dont Lyès souhaiterait qu'elle brûle! De l'émotion à fleur de peau qui fait arrêter le temps et insuffler un plain-pied de poésie à ce documentaire. Ce dernier donne aussi la parole à feu Mabrouk Aït Amara, le projectionniste de la Cinémathèque algérienne qui retrouve l'affiche du film Janitou, telle que demandée par Amine Hattou. Tous deux, ils vont partir à la recherche de la bobine du fameux film...Ainsi, nous retrouvons ces protagonistes dans une salle de cinéma, notamment Lyès qui retournera en quelque sorte sur les lieux du crime car là où il avait appris la première fois, la mauvaise nouvelle de son frère...Boucler la boucle en faisant sens et catharsis alors que Amine Hattou semble nager au milieu du spectre de ce passé/présent en se confondant avec le reflet de l'image de ce grand écran. Un flou artistique, joyeux et bucolique qui tranche avec l'absurdité de la providence. Ou quand la fiction fait corps avec la réalité ou semble la narguer. Effet stylistique hautement esthétique qui clôt ce documentaire comme un happy end laissant le spectateur rêveur, dans le noir, tout en méditant sur son existence pour aller vers l'avant. À noter que Janitou vient d'être sélectionné au festival Italien Asolo Art Film Festival.

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