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Projection de « Le livre d’image » Aux Ateliers sauvages

Entre la langue et le langage, le vertige !

Un film ovni, le dernier de Jean-Luc Godard, a été projeté samedi à Alger grâce à la collaboration des Editions Barzakh qui possèdent les droits de diffusion…

Les Ateliers sauvages ont abrité, lundi dernier, la projection exceptionnelle du dernier long métrage de Jean-Luc Godard, « Le livre d’image » et ce, grâce aux Éditions Barzakh qui possèdent les droits de diffusion pour le Maghreb. Une collaboration entre Sofiane Hadjadj et Godard, qui remonte à des années. D’ailleurs, nous confiera l’éditeur, un livre avec Jean-Luc Godard sortira bientôt chez lui. Aussi, une chance que ce film soit projeté pour la première fois en Algérie, probablement une seconde fois, même lieu, et peut-être à la rencontre au ciné-club Cinuvers…D’emblée, il faut noter que le film « Le livre d’image » n’est pas un film comme les autres. Il est compartimenté en six parties dont les cinq premières sont présentées par le réalisateur même comme « une longue introduction ». Qu’entendons- nous vers la fin ? Que La langue n’est pas ou ne sera jamais le langage… le dernier ovni cinématographique de Jean-Luc Godard, qui succède ainsi à « Adieu Langage » qui lui a valu, ex aequo, avec Mommy, de Xavier Dolan, en 2014 le prix spécial du jury au festival de Cannes remet une couche supplémentaire en effets esthétiques tous azimuts... On dit souvent qu’un bon cinéaste refait toujours le même film. C’est pourtant le contraire que ce dernier a tenté durant toute sa riche carrière à nous prouver. Se renouveler ! Dur exercice ! En effet, avec les années, le cinéma de Godard se permet beaucoup de liberté dans la forme, même si nous craignons qu’il finisse encore au bout de ses 88 printemps par s’essouffler après ce road-trip filmique extatique.

Un cinéma extatique
Entre « Adieu au langage » et celui-là, formellement , pas beaucoup de choses ont changé. La recette est à l’identique ou presque. Les couleurs des images sont intensifiées jusqu’à l’overdose. L’artiste qui travaille sur la plastique de l’image tel un compositeur psychédélique ses mélodies, résolument contemporaines, dépeint un patchwork de tableaux, éclaté, fait de bouts d’extraits d’archives filmiques, occidentaux et orientaux , d’images de télé non sans évoquer en substance l’actualité politique qui frappe le monde. Car ne perdons pas le fil de l’histoire si l’on ose dire, même si le réalisateur s’exerce à nous torturer visuellement. Le côté expérimental est criard, quasi chirurgical, dense, comme le son parfois qui se veut cacophonie, réduit ou carrément silencieux. Le film est parcouru de plusieurs chapitres. Les images saturées de lumières défilent comme un délire psychotique. Des scènes de films nous sont offertes en fulgurance, hachés, comme courant après un temps qu’on ne pourra plus rattraper. Malgré ce tohu-bohu de montage bien nerveux, le sens si l’on en cherche un, demeure bien sous-jacent, philosophique et on se surprend à noter quelques mots dans leur envol avant qu’ils ne disparaissent de notre tête, notre imaginaire étant déjà passé à la prochaine représentation organique de ce que dit le réalisateur avec tout ce flux d’informations. Ou pas.

Que dit le film ?
D’ailleurs l’on n’est jamais sûr d’avoir bien saisi le film même si l’on arrive à s’habituer au concept qui se perd dans les méandres réflexives d’un cinéaste qui veut parler, parler, beaucoup parler, mais surtout en images ! Mais pas que, car les mots ont aussi leur importance capitale. Leur impact, leur sonorité. Le tout constitue une floraison d’images en syncope qui peut dérouter plus d’un. Le réalisateur est omniprésent dans ce flou artistique. Au propre et au figuré. Et puis l’on retient aussi cette phrase illustrant le chapitre « Heureuse Arabie » : « Les Arabes peuvent-ils parler ? » Disons-le tout de suite, l’état désastreux qui mine le Monde arabe est bien souligné sous le regard de l’Occident parfois impuissant complice et même coupable. La guerre partout, que ce soit en Europe, ou en Afrique, est souvent mise en exergue par ces images de feu et de bombardement quand la nature humaine s’efface tout doucement, mais sûrement pour céder la place à la bête immonde qui sommeille en nous. La violence est là, bombardée par cette masse d’images. Un corps de matière, en négative chargés.

Le monde et ses travers
Quel langage après ça, choisir pour dire l’énormité et la catastrophe qui font perdre notre humanité et désorienter notre amour envers l’Autre ? Cet Autre auquel on s’adresse en pensant plaire à soi, d’abord. Jean-Luc Godard qui cherche à nous émouvoir autrement que par la tartine des violons et autres pleurnicheries, nous sert un plat froid qui change de température sans discontinuer. Brut est le langage qui trouble, éclate en un tourbillon d’idées amoncelées comme un joli poème de Rimbaud. Mais l’ensemble forme un récit qui en dit long, bien plus long qu’il est aussi, paradoxalement intensification des sentiments et des clins d’œil. Chacun y lira au final ce qu’il veut, ou croit entrevoir. La révolution, la liberté, le pouvoir, les pauvres et l’engagement, des thèmes chers à Jean-Luc Godard qui se répètent ici font écho parfois à ce que traverse de plein fouet l’Algérie aujourd’hui. Mais gare aux mots et leur force de frappe poétique, qui, eux, font naître des images qui creusent des sillons dans le fantasme ou le passé, des choses que l’on honnit…Des images ainsi fantasmagoriques, poétiques, déchaînées comme des vagues qui connaissent un temps d’accalmie, par la magie de quelques regards solitaires qui se touchent, une main tendre qui se tend ou un doigt qui se lève, ironique, provocateur, altier, ou même accusateur, inquisiteur ! La triste impuissance de l’homme… Dans quel monde vivons-nous ? Que dire encore de ce réalisateur qui semble avoir encore plein de choses à dire flanqué d’une mission non achevée sur cette terre…la preuve que ces images n’ont jamais été aussi puissamment vigoureuses à même de survivre pour l’éternel…Un hymne à la vie, mais aussi au cinéma entremêlé est sans doute ce que ce réalisateur aspire finalement. Continuellement…

 

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