{{ temperature }}° C / {{ description }}

Cité introuvable.

Hommage à Michel Piccoli

L’homme de la terrestre beauté…

Il y a quelques années, à l’occasion d’une rencontre au sommet, en région parisienne ; sur les planches de la MC93, entre deux monstres sacrés, Bob Wilson et Michel Piccoli, autour du texte de Marguerite Duras, «La Maladie de la Mort». Ce fut l’occasion d’initier une conversation qui aura donné naissance à ce texte esquissé tel un portrait au fusain et que Piccoli glissera délicatement dans une poche de sa veste en tweed, avec dans les yeux un hâle d’émotion…

Dès ses premières apparitions sur les planches (Le Jugement dernier), Piccoli monte au ciel! Depuis, c'est lui qui, se mouvant dans un costume que M. Caméléon n'aurait pas dédaigné, s'offre au jugement (plus... terre à terre) de ses congénères terriens. Avec délectation, sans doute, il se soumet ainsi, à un avis se voulant, souvent, autorisé, de ceux qui défilent dans les lieux obscurs, où Michel Piccoli, dans sa peau du moment, leur tend un miroir qui ne renvoie, à vrai dire, par trop souvent, que leur propre image.
Ce qui n'est pas sans rappeler les mots du poète Attar (´´Le langage des oiseaux´´), ce mystique persan du XIIe siècle: «Ayant bu des mers entières, nous restons tous étonnés que nos lèvres soient aussi sèches que des plages, et toujours cherchons la mer pour les y tremper sans voir que nos lèvres sont les plages et que nous sommes la mer!». Habile Piccoli! On se presse pour aller le voir, l'apprécier, voire l'attendre au tournant et voilà que dans un formidable numéro d'acrobate, l'interprète s'éclipse au profit de son personnage: ´´Pour être acteur, il faut être souple ´´ rappelle-t-il.
Buñuel, Bagdadi, Clément, Chahine, Daquin, Demy, Ferreri, Godard, Hitchcock, Malle, Boisset, Melville, Lelouch, Oliveira, Resnais, Sautet, Papatakis, Vadim...etc. autant de Pénélope qui ont su tisser cette toile «piccolienne» empreinte de tendresse et de fraternité que tant d'yeux ont observé, avec cette lueur qui emplit le regard chargé de reconnaissance et d'amitié.
Il est sans doute devenu un lieu commun que d'usiter d'un qualificatif récurrent dès lors qu'il s'agit d'évoquer Michel Piccoli, qu'importe! Les mots les plus simples sont parfois les plus vrais, il n'est donc pas nécessaire de chercher dans des dictionnaires, un synonyme dès lors que le mot «incontournable» existe.
Sauf qu'il est utile aussi de rappeler qu'à partir du moment où il est utilisé à son endroit, ce mot renvoie bien sûr à l'indispensable qu'a l'inévitable. Au moment où l'humanité cinéphilique boucle son siècle de Lumière, il suffit de se pencher sur la carrière de Michel Piccoli, pour constater la place prépondérante qu'occupe cet acteur.
De la lignée de ces interprètes qui se distinguent plus par leur pouvoir de faire, pour qui, selon le bon mot de Jankélévitch, tout perfectionnement laborieux est rendu alors inutile...
Et pour rester dans ce même univers philosophique, disons que la présence de cet acteur nous aide à traverser l'épaisseur des intermédiaires temporels et tout ceci au gré du seul charme absolument persuasif «celui qu'on saisit au vol et qui s'exhale, comme la grâce»!
Il y a dans la carrière de l'artiste des titres qui sont autant de repères topographiques pour celui que la géologie de l'humain interpelle et intéresse...
À l'image de ces ossements, introuvables, de cette armée morte, qu'un héros kadarien s'entêtera à exhumer, inlassablement. Piccoli, en véritable chercheur d'os, patiemment, nous aide et à sa manière de passer au tamis de la vie la poussière de la terre, qui, selon la terminologie biblique, renvoie inévitablement à l'homme, à l'Adam qui vient de cette terre que les hébraïques appellent Adama.
Cet exercice de tri séculaire est souvent porteur de grandes promesses, car de temps à autre une lueur aurifère perce de son éclat la grisaille ambiante. Pour le grand bonheur de tous ceux qui ont jubilé autour de la table de «La grande bouffe», quand la bourgeoisie bien-pensante était, elle, horrifiée à l'idée que ces ors soient à la portée d'un vomi vengeur d'une gent «platonicienne» que Marco Ferreri a eu un jour la bonne idée d'inviter à sa table!
C'est à ce moment que l'os déniché devient précieux, comme doré. Comme à chaque fois que Michel Piccoli prend le spectateur par la main, ou par l'épaule, comme pour lui tenir compagnie dans cette traversée des apparences vers des rivages insoupçonnés, des contrées lointaines que seul le visa dont dispose l'inconscient en autorise l'exploration...
Quelle bouffée d'oxygène en ces temps de frilosité généralisée où les portes des églises sont «ouvertes» à la hache! Il est vrai que Clovis est à la mode... Qu'importe, Piccoli, Dieu merci, n'est pas une mode, lui...
Alors, aujourd'hui, comme dans 50 ans, celui qui aura la chance de visionner ses films que sa silhouette familière habite, n'aura de cesse de penser que, décidément, le cinéma français, voire européen, a bien eu de la chance que Jean-Daniel Piccoli n'ait pas trop écouté les muses champêtres qui lui suggéraient de se consacrer à la vie paysanne au hasard (malheureux) d'un exode parental parisien, en 1940, vers la Corrèze.
La terre a certainement raté un paysan, mais le cinéma a gagné un laboureur qui ne cesse de creuser les nombreux sillons de notre mémoire insatiable et reconnaissante.
Et le soleil se divise en passant par les ouvertures de la maison: Lumière!


De Quoi j'me Mêle

Placeholder

Découvrez toutes les anciennes éditions de votre journal préféré

Les + Populaires

(*) Période 7 derniers jours