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La Vie en Livre : Les petits de décembre de Kaouther Adimi

La lutte du pot de terre contre le pot de fer

Conte ou roman Les petits de décembre de Kaouather Adimi? Plutôt conte qu’on raconte au coin du feu avec dans le rôle de l’ogre deux généraux sans cœur et sans scrupules. En face d’eux de Petits Poucets qui leur tiennent tête avec un courage inversement proportionnel à leur âge et leur taille. De petits gamins qui donnent une belle leçon à leurs parents militaires, eux aussi, usés et résignés par les épreuves et les renoncements. Le pitch. Dély Brahim, février 2016. La cité du 11-Décembre 1960, construite en 1987, est occupée essentiellement par des militaires. Au milieu de cet espace, un terrain vague d’un hectare et demi sert de terrain de foot aux gamins de la cité qui l’ont aménagé. Par quel miracle ce terrain est resté inoccupé ? On ne sait. Ce 2 février 2016, pluvieux comme pas possible, Ines, Jamyl et Mahdi s’adonnent dans la boue à leur sport préféré : le foot. Déjà, le lecteur fait la moue : une petite fille qui joue le foot avec des garçons sur un immense terrain. A ce lecteur on dira que dans un conte il faut mettre sous le coude la logique. Seuls les symboles comptent. Adimi aurait pu, tout aussi bien mettre des Martiens descendus à la cité du 11-Décembre pour jouer au foot, qu’on ne serait pas étonné. Dans un conte tout est permis. Sauf l’absence de morale ou de style. Nous y reviendrons. Ce conte de fées se transforme en cauchemar avec l’arrivée sous la pluie de deux généraux, Saïd et Athmane et leur chauffeur qui avait deux parapluies dans les mains. Le détail est apparemment important. Pourquoi pas deux chauffeurs avec deux parapluies ? Quelle symbolique ? Mystère et boule de gomme. Quoi qu’il en soit, ces deux généraux sont venus, plans en main, pour accaparer ce terrain. En principe, rien ne peut s’opposer à eux. C’était sans compter sur les bambins et Adila la moudjahida, torturée durant la guerre de libération. Une héroïne qui se range du côté de l’innocence et de la jeunesse. Qui vaincra dans ce combat entre le pot de fer et le pot de terre ? On ne vous le dira pas pour laisser le lecteur se remuer les méninges. Mais on devine facilement qui en sortira vainqueur.

Des gamins malmènent des généraux

Les militaires, l’auteur les connaît. Elle est même en terrain familial. Son père étant un colonel retraité, au demeurant intègre et militant actif dans un parti, celui de Benflis pour ne pas le nommer. Est-ce lui Mohamed dans le conte ? « Depuis leur retour à la vie civile, Mohamed et Cherif profitent d’une liberté de ton qui leur a manqué pendant toutes ces années dans l’armée. Ils ont serré les dents, gravi les échelons, atteint des grades importants, persuadés qu’ils gardaient tout de même au fond d’eux leur révolte d’adolescents et que s’ils protégeaient le système, ils n’en faisaient pas vraiment partie. » Aurions-nous un doute qu’elle le lève définitivement : « Une fois à leur retraite, installés dans leurs maisons de la cité du 11-Décembre à Dély Brahim, ils s’engagèrent peu à peu dans des partis d’opposition où ils prenaient la parole haut et fort pour dire partout qu’il fallait une alternance politique. » Une alternance pour enterrer la légitimité révolutionnaire et donner le pouvoir à la génération née avant l’indépendance. Tel était le rêve de ces colonels qui assistent stupéfaits à la bagarre entre les gosses aidés par Adila et les généraux.
Adila canne à la main se défoule sur les généraux. Bien entendu ces généraux sont incultes, pas de niveau sinon celui de leurs grades. Dans les yeux de l’auteur, il n’y a pas de nuance. Tout est noir de ce noir de dépressif qui ne pense qu’au suicide pour voir un peu de lumière. L’un, le pauvre Saïd est un nabot frustré, cancéreux avec ça. Elle n’y va pas avec le dos de la cuillère la Adimi. Si elle pouvait elle donnerait le cancer à toute personne en uniforme. On la sent partie prenante, remontée comme si c’était une affaire personnelle. Quant à Athmane (rien à voir avec Tartag) un beau gosse à tête d’épingle ou presque. Presque un bon à rien qui a passé ses années d’études en Angleterre à courir la gueuse et à se saouler la gueule. Portrait d’un soixante-huitard éminemment sympathique s’il n’avait pas mal viré. Viré dans la grande muette, s’entend. N’est-ce pas mademoiselle Adimi ? Mettant tous les militaires dans le même sac à quelques nuances près, l’auteure n’épargne pas le colonel en retraite Mohamed qui n’a pourtant rien d’un ripou. Seulement, c’est un homme de raison qui croit au combat démocratique par des voies pacifiques. C’est un partisan de la Silmiya.

Protéger le système sans en faire partie

Aucun doute. Même s’il a le verbe haut, il a le maintien policé d’un gentilhomme. Extrait d’un dialogue entre lui et son fils Youcef qui a participé à la bagarre avec les généraux : « Tous les combats ne méritent pas d’être menés Youcef. Et ce n’est pas ainsi qu’il faut lutter, avec des pierres sur un terrain vague…Allons !
-Alors, comment on lutte d’après toi papa ?
-On écrit dans la presse, on s’organise en partie, on crée des associations, on oblige le pouvoir en place à nous écouter…On ne se bat pas avec des méthodes de sauvages et surtout on n’entraîne pas des enfants avec soi. Vous êtes tous trop jeunes pour faire ça.
Youcef ne répondit pas. Il aurait pu dire à son père que sans doute lui était trop vieux, mais il ne voulut pas le blesser. » Conflit de générations. Entre une jeunesse qui veut en découdre et qui ose tout, y compris frapper des généraux, symboles de l’autorité et de l’oppression pour eux et leurs parents résignés, démocrates mous qui se cachent derrière l’action militante pour éviter l’affrontement qui pourrait porter atteinte à leur confort de petits bourgeois. Les petits de décembre est écrit par une plume distanciée, presque neutre, sans pathos ni amour. Ecriture désensibilisée diraient certains. Si on ne connaissait pas l’origine de l’auteure, on parierait qu’elle est étrangère à ce pays qui est le sien. C’est un livre qui pousse à la révolte, un chant noir d’espérance qui dit aux Algériens : Il est temps de vous secouer. Un mot encore sur le style aussi minimaliste que celui de Raymond Carver, la référence dans ce registre. Rien à dire, Melle Adimi a un style si simple qu’il parait facile. Erreur, il suffit juste de se rappeler la prière du grand Tolstoï : « Mon Dieu donnez-moi la simplicité du style. » Dieu a donné à la jeune romancière algérienne le plus difficile : le style. Tout le reste importe si peu. Les clichés « Le chahut de gamin », les scories, le manichéisme des personnages. Produit de consommation plus pour l’Hexagone que pour l’Algérie. Ce n’est pas un tort. Juste du marketing de vente édicté par la maison d’édition. Personne ne lui en voudra. Il faut bien que l’éditeur et le lecteur européens trouvent leur compte.

Impromptu
Les écrivains et le style

Cauchemar : il y a des écrivains algériens aussi difficiles d’accès qu’une falaise lisse. Il faut des trésors de patience pour saisir une phrase. Le plus compliqué étant à nos yeux Boualem Sansal dont le premier roman Le serment des barbares a même émerveillé François Revel, grand styliste lui-même. Il faudrait lire ses Mémoires Le voleur dans la maison vide, livre profond au style ciselé, même si les phrases sont longues comme une nuit d’hiver, pour comprendre ce qu’on entend par le style. En dépit des acclamations de la critique française, la lecture du roman de Sansal nous a paru si ardue qu’on n’a pu le terminer. L’écriture était trop complexe, le style si alambiqué, les phrases si longues qu’on s’est perdu en chemin. Pour nous retrouver, il fallait arrêter la lecture. La sentence de Françoise Giroud « Inutile d’avoir du talent à la cinquième ligne si le lecteur vous a lâché à la quatrième » est valable aussi pour le roman. Reconnaissons, cependant, que la grande journaliste n’a jamais été à son aise dans la fiction. Son seul roman qui a encore droit de cité aujourd’hui est Le bon plaisir qui raconte sous le manteau de la fiction les amours adultères de F. Mitterrand dont la grande Françoise fut sans aucun doute la maîtresse.
Il faut dire que le style de Giroud tout en muscles et en nerfs, tout comme son corps de félin, n’est pas fait pour le roman qui nécessite des qualités de coureur de fond. De Giroud aux journalistes-écrivains algériens il n’y a qu’un pas. Certains critiques citent Kamel Daoud pour Meursault contre-enquête, ainsi que les écrivains ex-ministres et les écrivains journalistes qui ont écrit des œuvres reconnues pour leur style sans fioritures et sans effets de plume. Ce qui n’est pas le cas de Mustapha Benfodil, plume limpide dans ses écrits journalistiques, plume qui pèse des tonnes dès qu’il s’agit de ses écrits romanesques. Pour s’en convaincre il suffit d’essayer de lire Le bavardage du seul et Body writing. Ce genre d’écriture a ses partisans sans aucun doute.
Le principe est simple. Moins ils comprennent l’œuvre, plus ils l’encensent. C’est une posture très sectaire. On n’est pas preneur. On reste fidèle au principe posé par un maître de l’écriture, Flaubert qui préconisait que l’écriture la plus difficile est la plus simple. Il cite comme exemple : « ‘‘Il ferma la porte’’, ‘‘il sortit’’ exige des ruses d’art incroyable. »

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