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Contribution : «PUPILLE», ROMAN DE RIADH HADIR

Une vision lucide et truculente du futur

Parmi les genres sous-représentés dans la littérature algérienne se trouve la science-fiction. Nos auteurs ne seraient-ils pas capables de se projeter vers le futur eux aussi ? Que nenni.

Riadh Hadir apporte la démonstration éclatante qu'on peut être Algérien, penser l'avenir tout en restant ancré dans son univers. C'est là la force de «Pupille»: parvenir à conjuguer l'universalité des thèmes traités avec un style typiquement algérien. On suit, au fil des pages, le parcours de Mehdi, un enfant du métissage rejeté par un continent européen où le matérialisme et la superficialité sont plus que jamais maîtres incontestés des vies publiques comme privées. Bouté hors de sa terre natale, il doit apprendre à vivre dans un Nouveau Maghreb hypothétique où la bigoterie est, elle, à son paroxysme. Ce futur dépeint par Riadh Hadir n'est, certes, guère enthousiasmant, mais il n'est que rarement oppressant. Et, même lorsqu'il lui arrive de l'être, il sait ne pas se prendre au sérieux, laisser la porte ouverte à l'humour et aux histoires d'amour. Le résultat est un mélange détonant dans lequel on reconnaît la griffe d'un auteur, observateur avisé de son temps et passé maître dans l'art de transformer des tendances du présent en visions plus ou moins désabusées de l'avenir.
Un monde uniforme
«Pupille» n'épargne rien ni personne: des agences de communication toutes-puissantes jusqu'au contrôle des moeurs, chacun en prend pour son grade! Il y a cependant une constante dans l'oeuvre de Riadh Hadir, qui est de montrer à quel point nous partageons, plus que jamais, le même monde. En effet, même lorsque les dogmes changent, que les discours de façade se métamorphosent d'un continent à l'autre, on retrouve souvent les mêmes marchandises, les mêmes publicités, les mêmes mécanismes de pensée, qui se donnent simplement la peine de revêtir des habits traditionnels, de s'adapter à leurs milieux divers pour convaincre plus facilement leurs cibles. Ces tendances, décrites adroitement par Hadir, font écho à l'homogénéisation croissante de notre époque mondialisée. En viendrons-nous jamais aux extrémités décrites par l'auteur? Peut-être parviendrons-nous à y échapper, mais certains événements, des plus anodins aux plus inquiétants, survenus depuis la parution du roman, confirment le flair de l'auteur.
Que ses prédictions s'avèrent ou non exactes, «Pupille» porte également un regard acéré sur des problématiques plus que jamais d'actualité. Ainsi, la question du rapport à la foi parlera-t-elle avec une vigueur particulière aux oreilles attentives: comment concilier une foi, peu importe sa nature, avec la perception des autres? Comment cultiver un enthousiasme souvent inhérent à ce genre de foi, tout en maintenant le recul nécessaire à la remise en question de cette même foi (et donc, quelque part, de soi) et en évitant de voir ces croyances religieuses, politiques, culturelles, dégénérer en un radicalisme intolérant? S'il n'existe pas de réponse facile à ces interrogations, «Pupille» a le mérite de les poser, plus ou moins explicitement.
Questions existentielles
Riadh Hadir parvient, une nouvelle fois, à ne pas som-brer dans le confinement, dans une approche qui se bornerait à analyser et donc soumettre à la critique un type de foi plutôt qu'un autre. Il s'évertue plutôt à montrer en quoi même les plus profanes des passions peuvent être enracinées dans un type de foi, une perspective que nous ne pouvons que partager.
Toujours dans cet état d'esprit quelque peu facétieux, que n'effraient ni les scénarios de guerres nucléaires ni les (plus terribles!) questions existentielles, «Pupille» s'interroge sur la question des identités multiples, des métissages difficiles à accepter sereinement et du rapport à la nature qui, comble des paradoxes, peut lui aussi devenir un prétexte à l'artificialité la plus pernicieuse.
Ces sujets sont servis par une plume vive et adroite, au style limpide, parfaitement capable d'installer une complicité avec le lecteur et de le guider à travers les différents mondes décrits par «Pupille». Des mondes qui semblent parfois s'ignorer, mais qui ont toujours plus en commun qu'ils ne veulent bien se l'avouer. Si l'on devait retenir un message optimiste de ce roman, ce serait d'ailleurs celui-là: puisque nos problèmes comme nos espoirs déçus ont tant de ressemblances, il est impératif de joindre nos efforts afin de bâtir le futur. Évident, penseront certains? Pas tant que ça, au regard des divisions qui règnent entre les sociétés et au sein de ces dernières. La piqûre de rappel offerte par cet écrit est donc plus que bienvenue. Encore une fois, on en revient à la capacité de mêler l'universalité de ces thèses à une connaissance profonde de son pays, d'un héritage chéri, mais parfois taquiné. Voilà le défi brillamment relevé par Riadh Hadir! 

De Quoi j'me Mêle

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