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La flèche brisée

On dit communément que tel individu a plus d'une flèche à son arc. Notre héroïne, l'avocate d'aujourd'hui a des flèches, mais l'une d'elles est bel et bien brisée!

Fathi D. est un monsieur qui se comporte bien dehors. Il est sympa, constamment souriant, bienveillant, disponible à tout moment. «Mais une fois at home, c'est un autre homme qui apparaît sous un visage méconnaissable, hideux», selon un de ses fils de 12 ans. À l'audience où il comparaît devant un juge sévère, mais droit.
Le détenu est inculpé de violences volontaires à l'encontre de son épouse et de quatre enfants mineurs.
Le monsieur que tout le monde respectait pour sa bienveillance et son éternel sourire, est devenu, le temps de l'interrogatoire, un être non seulement abject, minable, mais tout simplement repoussant, car dégoûtant. Ce constat a été fait après avoir entendu son fils raconter à la barre les actes de «bravoure»! C'est pourquoi, si le papa a refusé toute assistance judiciaire, craignant pour l'honneur des familles en présence, Sonia L. l'épouse et les enfants avaient pour conseil, l'intenable et bruyante, Me Nassima Aïd, l'avocate de Chéraga qui, lorsqu'elle plaide, soulève des montagnes, et provoque des boucans. Cette fois encore, l'avocate a décelé «des lacunes pendant la marche des procédures, qui ont montré l'extrême faiblesse des adjoints du procureur de la République en titre, lequel aurait mieux fait de prendre en main, lui-même ce sensible dossier qui valait le coup d'être suivi plus assidûment et surtout avec une meilleure vigilance, toujours plus serrée car il s'agit de coups et blessures volontaires sur des mineurs qui ne sont que les propres enfants de l'inculpé», s'est écriée l'avocate qui a tout de même évité d'ajouter de l'huile sur les flammes, en passant outre sur les éventuelles demandes en dommages et intérêts que doit, en principe, casquer tout inculpé. C'est ce qu'on appelle une «flèche brisée».
L'inculpation allait dans le sens des termes des trois premiers alinéas de l'article 267 du Code pénal, (loi 75-47 du 17 juin 1975) que va parcourir durant deux bonnes minutes, le représentant du ministère public: «Quiconque, volontairement, fait des blessures ou porte des coups à ses père ou mère légitimes, est puni ainsi qu'il suit: -de l'emprisonnement à temps de cinq à 10 ans, si les blessures et les coups n'ont occasionné aucune maladie où l'incapacité totale de travail de l'espèce» mentionnée à l'article 264; -du maximum de l'emprisonnement de cinq à 10 ans, s'il y a eu incapacité totale de travail pendant plus de 15 jours; -quand les violences ci-dessus exprimées ont été suivies de mutilation ou privation de l'usage d'un membre, cécité, perte d'un oeil ou autres infirmités permanentes, le coupable est puni de la réclusion à temps perpétuelle, si les coups portés ou les blessures faits volontairement, mais sans intention de donner la mort l'ont pourtant occasionnée...»
La loi est faite pour être respectée et appliquée sans plus. Mais, concernant les coups et blessures volontaires, par exemple, l'article 269 (loi n°75-47 du 17 juin 1975) évoque: «la peine d'emprisonnement ferme de trois ans à 10 et d'une amende de 500 à 5 000 DA, pour toute personne qui porte des coups volontairement sur un mineur de 16 ans, est arrêtée.» Est-ce que le juge, au cours de la mise en examen du dossier, prendra en considération le «désistement» sur le plan civil, de la famille victime? Il faut reconnaître au législateur, d'avoir offert au juge un large éventail de sanctions, et de ne pas l'avoir enfermé dans un étroit couloir le mettant mal à l'aise lors de la mise en examen d'une affaire donnée! Mais, ce que nous n'avons pas retenu dans cette mélasse, c'est le dérangement croissant de l'avocate qui n'a pas avalé les couleuvres des ratés du tribunal, heureusement corrigés à temps par l'admirable juge qui a su mettre le holà d'une manière subtile, poussant ainsi le conseil, encore une fois, à bien faire son boulot jusqu'au bout, sans manquer l'occasion de rendre hommage à la juge.
Me Aïd n'avait pas pris de doux gants, mais des gants en acier, trempé à l'acide, pour tenter de venir à bout des arguments de l'adversaire qui croyait la partie facile, tout en ignorant les ruses et les capacités de la blonde consoeur. Elle se contenta de déplorer le fait que le père de famille ait tout entrepris pour être traîné ainsi devant le tribunal, frisant l'humiliation devant pratiquement toutes les personnes qu'il côtoyait, jusqu'à ce jour. Entre-temps, la femme en djellaba noire rayée de rouge, donnait l'impression de sortir d'un enterrement d'un proche: des yeux gonflés par le torrent de larmes déversées depuis son entrée dans la salle d'audience et le dos courbé, signe d'une lassitude qui ne dit pas son nom, font que la victime semble tendre la main à la justice, pour «dira-t-elle, que plus jamais ce violent mari ne lève la main sur elle et les enfants!
L'inculpé, lui, est préoccupé par la recherche d'une figure familière comme pour s'excuser de tout ce cinéma qui n'aurait jamais dû arriver! Et puis, la voix de la présidente tire le gus de sa somnolence!
L'épouse se reprend et demande à dire deux mots aux magistrats, attentifs, plus que jamais. Elle est prostrée, sans lever la tête, et articule avec beaucoup de difficultés quelle ne cherche pas «à envoyer sa moitié en taule, mais simplement qu'il nous laisse en paix. Je lui demande aussi de s'occuper des enfants plus qu'il ne le faisait auparavant, car les garçons sont difficiles à élever, en ces moments pénibles où, par exemple, sortir dans la rue relève de l'exploit! C'est autour du procureur de requérir et de bien jouer son rôle: «Nous réclamons le maximum de la peine prévue par la loi!». L'inculpé prononce le traditionnel dernier mot: «Je regrette ce que j'ai fait subir à ma famille!». Le juge prend note du dispositif et annonce le verdict: il est condamné à une peine d'emprisonnement ferme de six mois. 

De Quoi j'me Mêle

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