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Un mari monstrueux à la barre

D’anciennes audiences nous reviennent à l’esprit, car indélébiles...

Rachid Aouissi était le débonnaire et juste président de la section correctionnelle du tribunal d’El Harrach et ses audiences étaient suivies par de nombreux partisans de la bonne justice.
Tout en rendant justice en son âme et conscience, il veillait à ce que chaque inculpé, chaque victime ou même chaque témoin, ait son dû.
Un lundi, de bonne heure, il décida d’entamer le monstrueux rôle par une affaire de coups et blessures volontaires ayant entraîné une incapacité de travail de
21 jours !
Rien que cela ! Obtenir un arrêt de travail de cet acabit relève normalement de la crim’ et le verdict ne ferait réagir personne, et pour cause.
L’agresseur était en réalité un homme fort, assez costaud qui s’est arrangé pour... «arranger la cravate » à son épouse, très malade, lasse car mère de cinq enfants en bas âge. Elle était fatiguée de se voir ainsi seule avec une douleur dont elle seule mesurait l’étendue. Et une douleur née d’une injustice flagrante que seule la victime peut expliquer, mais à la barre en audience publique une audience qu’il voudrait voir se tenir dans l’enceinte du stade mythique du 5-Juillet d’El Biar (Alger) en ouverture d’un clasico de foot. Mais la réalité est là, immobile, la voyant balayer du regard la salle, à la recherche d’une aide salvatrice de ce monstre de mari-bourreau qui ne s’exprime qu’avec les mains calleuses, d’un casseur de pierres, entraîné à toujours casser quelque chose à portée de la main !
Le juge sursauta lorsqu’il vit la bonne dame de 42 ans, mais qui paraissait en avoir 59. Il prit le dossier, l’ouvrit et se mit à parcourir un feuillet, probablement l’extrait de naissance, avant de blêmir carrément et de s’exclamer en direction de l’épouse:
«Vous êtes sûre de ne pas être présumée et d’avoir l’âge transcrit ici ? lança Aouissi, le juge, vraiment étonné par la différence du couple.
Entre l’âge et l’allure de madame, on ne vous dit pas ; mieux vaut taire cette énormité .
—- Oui, monsieur le président, je vais faire 42 ans le 12 du mois prochainn !» répondit en toute franchise la victime qui avait du mal à s’exprimer et qui se tenait la poitrine, en raison certainement des douleurs nées des coups de l’homme.
Rachid se tint les tempes un instant, puis, regardant bien dans les yeux l’inculpé, il marmonne, malheureux comme tout, mais le port toujours droit :
«Si Mehdi, depuis combien d’années vivez-vous avec cette créature ? Je veux dire combien d’années de mariage, évidemment.
—- 15 ans, monsieur le juge» répond Mehdi. G. qui pose à son tour une questionn : «Pourrais-je savoir le pourquoi de votre question et je...
Le magistrat relève une énième fois la tête avant de taper fort sur le pupitre, pour imposer le silence de cet inculpé qui a tendance à être bavard. En guise de mise au point, il articule sans s’énerver :
—- Ici, c’est moi seul qui pose les questions auxquelles vous êtes appelé d’y répondre ou non.
D’ailleurs, commencez par bien vous tenir, car vous êtes dans une institution, pas dans un café de votre quartier !
Pour ce qui est de la durée de votre union, laissez-moi vous faire comprendre que vous conduisez votre foyer à votre guise, comme vous l’entendez, mais, attention, je vous informe qu’Allah voit et note tout pour le jour où vous aurez à répondre de vos actes !»
La réponse fit que le gus perdit de sa superbe et nous avions la nette impression d’avoir vu quelques poils poivre et sel quitter sa longue barbe.
Le juge sortit alors un lot de photos et le montra à toute l‘assistance d’où jaillirent des «oh ! » de stupéfaction et d’horreur.
Rachid Aouissi cracha, déboussolé : «Mais pourquoi donc l’avoir mise dans cet état ? ».
Alors, l’inculpé qui était venu au tribunal, libre, allait apprendre à ses dépens que le bras de la justice était long : « Le tribunal attend une réponse ! Pourquoi l’avoir massacrée ? rugit le magistrat qui allait être définitivement fixé sur ce qu’il allait entreprendre, après la réponse-suicide de Mehdi, l’inculpé qui articula assez bien fort : «Vous voulez savoir pourquoi je l’ai punie ainsi ? Simple : parce que c’est une femme !». Un brouhaha assourdissant enveloppa la salle d’audience qui venait de vivre un moment de témoignage en direct – live. Et pan !
L’inculpé venait ainsi de provoquer un véritable séisme par cette tuante déclaration que la greffière s’empresse de transcrire pour la postérité des hommes qui battent leurs épouses pour la simple raison qu’elles ne sont que... femmes ! « Alors, puisque c’est ainsi, lâche, désabusé le président qui n’a même pas eu à demander le traditionnel dernier mot de l’inculpé-libre, «vous êtes bon pour une solide condamnation, sur le siège, de un an ferme assortie d’une amende de 100 000DA, avec un mandat de dépôt à l’audience ! » Et cette fois il n’y a rien à commenter, concernant la sentence.

De Quoi j'me Mêle

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