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Mohamed Sari, président du Cnal, à L’Expression

«Il est anormal que les artistes n’aient pas de statut»

Quelles sont les nouvelles missions attribuées au CNal (Conseil national des arts et des lettres) et les mesures qui seront enfin mises en place quant à l’instauration de la loi sur le statut de l’artiste ? Qu’est-ce qui cloche justement au niveau des lois et explique tout ce retard ? Enfin, quelles sont les prérogatives de l’Onda ? Toutes ces informations vous sont détaillées ici dans cette interview… À lire absolument!

L'Expression: Dans le dernier Journal officiel daté du mois d'octobre dernier, plusieurs articles sont venus accentuer le rôle du Cnal dans sa mission de protection de droits des artistes. Pourriez-vous nous en parler?
Mohamed Sari: Le nouveau décret exécutif publié le 10 octobre 2020, modifiant et complétant le décret de création du Cnal vient à juste titre pour combler une lacune juridique concernant la carte d'artiste. Le décret de 2011 ne mentionne pas expressément l'octroi de cette carte par le Cnal. Il y fait mention uniquement, parmi les attributions du conseil, de la «constitution du fichier national des artistes». Mais pour accélérer l'application d'un autre décret de 2014 et qui permet aux artistes de s'inscrire à la sécurité sociale et d'avoir une couverture sociale et bénéficier d'un régime de retraite, le conseil a commencé à délivrer les cartes d'artiste qui ont servi à un grand nombre d'artistes d'avoir enfin une couverture sociale comme toutes les autres catégories de travailleurs. Mais la lacune juridique est restée la même et il a fallu entamer une procédure de modification du décret initial pour donner à la carte d'artiste toute sa teneur juridique. Effectivement, le nouveau décret d'octobre 2020 stipule dans son article 9 bis que «la carte d'artiste est délivrée par le président national des arts et lettres, suivant les conditions et les modalités fixées par le règlement intérieur du conseil». Et une 3° commission a été créée à cet effet dénommée «la commission de la carte d'artiste et de la déontologie artistique» dont la mission est d'élaborer la nomenclature des filières artistiques et littéraires, d'étudier les dossiers d'attribution de la carte d'artiste. Donc, les artistes ont un grand acquis dans la légalité juridique de la carte d'artiste octroyée par le Cnal, et qui facilitera énormément leur travail de création.

Une des plus grandes réalisations du Cnal, qui remonte à fin 2019, est le numéro d'identifiant fiscal, qui répond ainsi à l'une des principales revendications des artistes. Aujourd'hui il est enfin reconnu législativement par décret. Est-ce exact? Pourriez-vous justement nous en dire un peu plus sur les bénéfices que pourra apporter ce dernier aux artistes?
Justement, le grand bénéfice de cette carte d'artiste avec son nouveau statut c'est de permettre aux artistes d'avoir leur propre numéro d'identification fiscal auprès du ministère des Finances et acquérir une autonomie de travail. Avec ce numéro, ils auront à gérer eux-mêmes la création et la circulation de leurs oeuvres, passer des contrats de travail avec les employeurs et les distributeurs des oeuvres d'art, sans passer par un tiers avec tout ce que cette opération charrie de désagréments et de perte de temps.
Un artiste est un professionnel qui produit des oeuvres qui sont écoulées sur le marché pour une large consommation, donc vendues et qui génèrent de la richesse. Comment gérer ce circuit économique, le financier en l'absence du premier concerné, c'est-à-dire l'artiste. Justement, cette loi pallie un manque flagrant que tous les artistes ont demandé depuis des années à ce qu'il soit comblé par des lois claires qui leur donnent la possibilité juridique d'encadrer eux-mêmes ce circuit par des contrats qu'ils contractent eux-mêmes librement avec les employeurs, les diffuseurs, les producteurs des oeuvres d ‘art.

Quelle est la différence entre la carte de l'artiste qui était octroyée par l'Onda et celle du Cnal?
Ce sont deux cartes différentes. L'Onda est un organisme qui gère la production artistique du côté financier et protège les droits matrimoniaux des artistes. Chez l'Onda les artistes inscrivent et déposent une copie de leurs oeuvres artistiques afin qu'elle soit préservée de l'utilisation illégale d'un tiers, et l'Onda perçoit des axes sur la diffusion des oeuvres artistiques qu'elle doit reverser aux artistes eux-mêmes. Les deux organismes n'ont pas le même statut. Le Cnal est un conseil consultatif qui participe par ses avis, recommandations et propositions à la définition des éléments de la politique des arts et à la protection des droits des artistes, en proposant des projets de loi qui vont dans ce sens. Ils délivrent des cartes d'artistes pour permettre aux artistes de mener leurs travaux artistiques dans de bonnes conditions.

Quelles sont les prochaines étapes de votre travail au sein du Cnal et, notamment dans la concrétisation de la loi sur le statut de l'artiste?
Le statut d'artiste! Voilà un sujet pertinent, un projet que tous les artistes attendent depuis longtemps. Il est anormal que les artistes n'aient pas de statut propre à eux, un statut qui reconnaît leur travail artistique, qui les reconnaît eux comme entité professionnelle, culturelle et économique, un statut qui les reconnait d'abord comme artistes, car le métier d'artiste n'est pas reconnu comme tel surtout ce qui a trait aux métiers artistiques, valorisent intellectuellement et financièrement le travail artistique. Et c‘est justement, l'une des missions urgentes du Cnal. Je me suis attelé, avec l'aide des membres du conseil, depuis mon installation en Juin dernier à préparer un projet de loi sur le statut d'artiste. Nous l'avons fait et discuté lors de notre plénière du 23/24 septembre, et nous l'avons présenté à la tutelle, en l'occurrence le ministère de la Culture, en la personne de madame la ministre. Mais le service juridique a émis des réserves sur la nomination «loi sur le statut d'artiste» qui manque d'ancrage juridique et demande beaucoup de temps, car une loi de ce genre doit obligatoirement passer par l'APN. Alors qu'il existe une 2° solution plus facile et plus rapide, c'est de faire passer l'essentiel de ce projet dans la forme d'un décret exécutif ancré juridiquement dans le Code du travail de 1990 modifié et complété, et surtout l'article 4 qui permet aux différentes catégories professionnelles d'établir leur propre décret qui régit les relations de travail. Et je découvre stupéfait que toutes les catégories professionnelles ont réglé leurs problèmes de lois qui organisent les relations de travail, exception faîte pour les artistes. Car un artiste, comme tout travailleur, a besoin de lois qui organisent et protègent son travail. Et les artistes, surtout ceux qui travaillent pour leur propre compte, qui ne sont pas affiliés professionnellement à des institutions avec des contrats à durée indéterminé, vivent la galère pour percevoir leurs droits et de ce fait sont livrés à des exploitations abusives des employeurs.
Donc nous avons réadapté le projet de loi sur le statut d'artiste en projet de décret exécutif fixant le régime spécifique des relations de travail concernant les artistes. Bien sûr, nous avons gardé l'essentiel; c'est-à-dire la définition de l'artiste, le travail artistique, les droits st devoirs des artistes et surtout insisté sur le contrat artistique qui relie la relation de travail de l'artiste avec l'employeur, et devient, dans ce projet, obligatoire et écrit avec une copie donnée à l'artiste, avec bien sûr tous les détails que contenir un contrat de travail qui tend à protéger le maillon faible des deux parties c'est-à-dire l'artiste, sans omettre les droits et devoirs des employeurs. Voilà à peu près le contenu de ce projet qui a été préparé et envoyé au secrétariat du gouvernement pour validation signature et publication au Journal officiel. Nous pensons sincèrement que cette nouvelle loi, avec celle promulguée en octobre sur la carte d'artiste, permettra aux artistes d'avoir enfin un statut qui leur donnera l'autonomie de travail, une reconnaissance juridique et un plus de bien-être.

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