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La dernière enquête du gendarme-Casanova

L’histoire se déroule à Garnine que nul n’aura l’occasion hélas de visiter. Même à la loupe on ne trouvera pas sa trace. Garnine ce village écrasé par le soleil est niché dans l’imagination de son auteur, Daho Tabti, qui nous offre son premier livre à l’âge de 68 ans. On va dire : c’est un peu tard. Mais non. Quand on sait qu’il perdit la vue à 35 ans à cause d’une maladie, on mesure mieux le courage, la ténacité et la volonté dont il a dû faire preuve pour nous raconter cette histoire « La dernière enquête ». Espérons que ce ne sera pas son dernier roman tant l’auteur nous offre, dans un style d’une grande justesse, un agréable moment de lecture qui tient plus du conte que du polar. C’est-à-dire une histoire très manichéenne. Les bons, trop bons parfois, d’un côté et les mauvais de l’autre.

Zoulikha, la femme de marbre

Tout commence par la visite d’une certaine Djerras Zoulikha à la brigade de gendarmerie de Garnine. Elle vient signaler la disparition de son mari à l’adjudant-chef Hassan qui a le look d’un acteur hollywoodien. Aucune femme ne lui résiste, séduisant en diable, affable, poli, gentleman…Un personnage de roman quoi, bien loin de la réalité. D’ailleurs, tous ses collègues gendarmes sont comme lui : serviables, sympas, gentils. Ils se couperaient en quatre pour venir en aide à la veuve, à l’orphelin et à toute personne qui aurait besoin d’eux. Si on n’avait pas lu dans la quatrième de couverture que l’auteur est un homme qui active dans la culture, on aurait pu croire qu’il était…gendarme. Peut-être est-ce un rêve qu’il n’a pu concrétiser.
L’adjudant-chef Hassen est étonné par le comportement de Zoulikha. Aucune émotion ne filtre. Rien. Regard impassible. Pas un cheveu ne bouge. Déjà le lecteur commence à douter de cette femme qui ne fait même pas semblant d’être inquiète. D’emblée on la classe parmi les suspects. A moins que l’auteur ne nous mène sur une fausse piste ? Mais voilà que Zoulikha confie au gendarme qu’elle avait rencontré celui qui est sensé accompagner son mari à Biskra pour affaire. Elle lui révèle que son époux avait beaucoup d’argent sur lui. Alors le lecteur qui se prend au jeu ne manquera pas de classer cet homme qui répond au nom de Borhani Zoubir, surnommé « Moustache », comme deuxième suspect. Peut-être même le premier d’autant plus qu’il est connu pour être violent et querelleur. Quand il boit il casse tout sur son passage y compris le bras du gérant du café. Le suspect idéal pour l’adjudant-chef Hassan. Mais voilà, « moustache » a un alibi en béton. Le patron du bar-restaurant « La méduse » certifie que Borhani a bien séjourné chez lui quelques jours. Que faire ? Comme Djerras est amoureux fou d’une pensionnaire d’une maison de tolérance, Hassan décide d’y jeter un coup d’œil. Peut-être que ce gredin de Djerras que tout le monde cherche, se paye le repos du guerrier auprès de sa dulcinée. Allez savoir avec les maris qui battent comme plâtre leurs épouses. Cette expression on la retrouve au moins deux fois dans le roman. A croire que l’auteur s’y connait en matière de plâtre ou de femme, ou les deux, pourquoi pas. Qu’il ne s’offusque point. On fait notre Hassan : on émet plein d’hypothèses.

Un gendarme au cœur d’artichaut

Dans la maison de tolérance, une belle surprise l’attend : la matrone, une très belle poupée, est, qu’on se tienne bien, son grand amour qui l’a plaqué et qu’il
n’a jamais pu oublier. Zohra, Zouzou, pour les intimes n’est pas moins surprise que lui. Ici le roman policier vire au roman rose : « Oh mon Dieu ! Ce n’est pas possible. Je dois rêver ou quoi ? Mais c’est mon cher Hassan…Quelle prestance ! Tu as l’air de te porter comme un charme. Viens, approche-toi mon grand. » Après l’eau de rose, la collection pour adultes. Echange :-Toujours aussi beau garçon-Et toi, tu es plus belle que jamais.-Sans doute, mais j’ai tout de même pris quelques kilos ; -Ce n’est pas grave, fit-il, en souriant, puisqu’ils sont placés là où on les apprécie. »
Elle l’invite alors dans sa chambre pour qu’il puisse mieux apprécier ses rondeurs. Il refusera sous prétexte que l’uniforme qu’il porte lui interdit tout écart. Ce sous-off qui cite Casanova que 99% de la population algérienne ignore est vraiment spécial. Passons. En tout cas, Zouzou, lui, certifie que Djerras n’a pas montré le bout de son nez depuis pas mal de temps. Zouzou, lui, propose quelques jolies pensionnaires que Hassan refuse encore. Ce n’est pas un gendarme cet homme, c’est un saint. Elle souhaite qu’il vienne vivre avec elle. Gardien de harem ? Pas son style. Il lui fait une proposition décente dans le temple de la luxure. C’est elle qu’il veut. Comme épouse pour une vie paisible. Elle pleure de joie ? Elle pleure de fureur. « (…) Tu m’offres d’aller m’enterrer dans un patelin quelconque à faire la cuisine et laver la vaisselle… » Et alors elle passe sans transition de l’amour fou à l’indifférence-est-ce possible ?- En lui disant qu’elle ne l’aime plus. Comme ça, en une seconde, elle ne l’aime plus. Il faudrait que Tabti nous donne la recette pour qu’on l’offre aux amoureux accrocs.

Il tombe sous le charme de la belle Alia

Si on s’est attardé sur cette séquence c’est pour montrer le côté fleur bleue de cet adjudant-chef qui fait fi des conventions sociales en cherchant à épouser une péripatéticienne contente de son sort. Djerras n’est plus introuvable. Son corps sans vie vient d’être découvert dans un ravin. On annonce la nouvelle à sa femme. Elle reste de marbre. Comme toujours. On annonce la nouvelle à Borhani. Il fend en larmes. A ne rien comprendre. Hassan décide de creuser la piste Borhani. Il part au bar-restaurant « La méduse » pour voir le patron, ami de « Moustache ». Il tombe sous le charme de la très belle Alia, la femme du patron. Dès le premier regard, la couleur est annoncée.
- « Alia ? Un joli prénom pour
désigner une superbe fleur poussant si haut qu’elle est difficile à atteindre. Elle lui répond du tac au tac :
-Rien n’est impossible quand on sait s’y prendre… » Dialogue surréaliste. Le lecteur le plus romantique sera choqué par cette entrée en matière osée du sous-off et plus encore de la réponse de la femme. On voit l’influence de Casanova qui, dans ses Mémoires, ose tout avec les femmes. Dans le même style fleuri et coquin que Tabti. Avec comme maître Casanova, n’est pas rien. Bref, la femme conquise, le mari avouera qu’il a menti sur son pote Borhani. Exit l’alibi de « Moustache » S’il n’était pas à « La méduse », s’il a présenté un faux alibi c’est que c’est lui l’assassin. Minute. Hassan apprend que Borhani avait veillé pendant ces journées de doute son cousin à l’hôpital. Il était garde-malade le pauvre. Et pourquoi n’a-t-il pas, dès le départ, brandi cet alibi au lieu de mentir et d’emmener Hassan et le lecteur sur une fausse piste ? Par pudeur simplement. Quand il fait du bien, il le cache. Le suspect numéro un, innocenté, retour à la case départ.
On n’en dira pas plus pour que le mystère reste entier sur l’assassinat de Djerras. On ajoutera cependant que le coup de foudre entre Alia et Hassan se terminera comme dans les films hollywoodiens : par un happy end. Le mari ayant eu la bonne idée de succomber à son cancer en confiant sa femme à…Hassan. On aura tout vu. Au-delà de quelques invraisemblances qui font d’un sous-off un homme de grande culture à la gentillesse introuvable par ces temps, au-delà de quelques dialogues savoureux, mais pas réaliste pour un sou, au-delà d’une énigme qu’on devine sans trop d’efforts, au-delà de tout ça, « La dernière enquête » est un très bon moment de lecture servi par un style simple et sans fioritures qui nous change des postures compliquées de certains auteurs.

Meriem Sakhri

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