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EMOUVANT FILM DE ABDERAHIM LALOUI

Mémoires de scène...

Un film d'1 heure 50 dont les spectateurs qui ont eu la chance de le visionner, sont pour la majorité d'entre eux ressortis des salles de projection les yeux en larmes tant l'émotion qui les étreint, leur fut difficile à réprimer.

Il s'agit en fait, de «devoir de mémoire»! Mais que reflète encore cette expression par les temps qui courent? Encore du sens, du bon sens? Serait-elle passée de mode ou encore tombée en désuétude? Son sens originel se serait-il émoussé? Est-il vrai qu'il suffit de tendre l'oreille au charivari de la coulée d'incongruités que déversent quotidiennement les réseaux sociaux pour s'en rendre compte? Naguère, au temps «homérique» du parti unique, les gens ne se plaignaient pas systématiquement de leur sort. Le discours qu'on leur livrait était conforté à la base, tout était ou presque subventionné par l'Etat! Le parti lui-même était en perpétuelle mutation. Source inépuisable de fierté, la guerre de libération pourvoyait sans cesse à l'idéologie ambiante. Ceux qui ont conservé des souvenirs précis de cette époque, doivent sûrement se rappeler que les passages les mieux élaborés du discours politique enflammaient souvent les citoyens qui l'écoutent. En revanche, si parfois, à cause des fortes notes de sensiblerie qu'il contient, l'opinion publique se sent noyée dans l'optimisme, tout le monde s'accorde pour dire que c'était dans l'ordre des choses... Les Algériens que nous sommes ne rechignaient pas à être caressés dans le sens du poil par les dirigeants les mieux entraînés à cet exercice. Au fil du temps il est même arrivé que l'optimisme exagéré des orateurs produise des effets contraires aux attentes de l'opinion du plus grand nombre. Le constat qui en résulte est évidemment frustrant aux yeux d'une opinion publique qui ne cherche qu'à être rassurée sur son avenir. Conséquence, le discours devint progressivement confus et souvent inaudible au fil du temps et les gens qui, bon an mal an, lui étaient restés fidèles, commencèrent à se rendre compte que sa trame souffrait d'une certaine usure, admettant en outre qu'une sorte de routine s'était emparée de son contenu. Désemparés, les citoyens ne savaient plus à quelle cause attribuer son érosion... L'emprise du mal-être sur le corps social devint alors si évidente qu'un matin de l'automne 1988, les Algériens se réveillèrent au bord d'une nouvelle problématique après une série de douloureuses échauffourées: le multipartisme! Un système dont les gens (nos parents en en savent quelque chose) avaient goûté à ce principe en se frottant notamment au mode opératoire du plus expérimenté du bourrage des urnes français: le socialiste et néanmoins gouverneur général de l'Algérie Naegelen. Comme une hirondelle ne fait pas le printemps même si elle l'annonce, autant dire que les Algériens n'étaient pas préparés à ce système dès lors qu'ils n'étaient pas des citoyens à part entière, mais des sujets. Plus de 2000 ans de «nuit coloniale» nous ont légué un vide sidéral du point de vue du savoir. Un vide difficile à combler. D'où l'inaptitude d'une majorité d'entre nous à nous adapter à l'époque moderne. Mais pas seulement car, travaillés au corps par les courants obscurantistes les plus arriérés de la planète (GIA et autres forces de destruction massive, ils n'ont pas su parer aux premières attaques d'une subversion préparée de longue main.Infine pourtant, de la même manière qu'elle avait opéré pour bouter le colonialisme de son territoire, l'Algérie fit preuve du plus «généreux, du plus remarquable don de soi» pour neutraliser les hordes qui voulaient la ramener à l'âge de pierre. Résultat: ses ennemis n'ont pas réussi à la détourner de son destin en dépit d'une facture de 200 mille morts, payée cash au moment des faits.
Durant toute cette période, l'Algérie fit montre d'une abnégation peu commune et, bien sûr, seule au timon de la contre-offensive, elle réussit vaillamment à stopper au bon moment sa descente aux enfers. Des jours, des semaines, des mois et des années passèrent ainsi avant de la voir ressurgir des ruines où ses ennemis avaient voulu la précipiter. Une épreuve de dix ans et plus à qui les chroniqueurs du moment donnèrent le nom de «décennie noire»! Une question. Cette page méphistophélique de notre histoire est-elle aujourd'hui définitivement tournée? On peut en effet le dire mais il reste de tout de même une bataille à remporter c'est celle de l'école, de la science et de la technologie. Dans l'intervalle, il faudra bien continuer de douter pour pouvoir éradiquer les séquelles de l'apocalypse dans laquelle les «fous de Dieu» avaient voulu plonger l'Algérie.Or, on a toujours su que l'Algérien n'a pas cessé d'aspirer à un avenir paisible. A ce titre, il a donc toute légitimité de craindre que les plaies du passé, ne ravivent les velléités revanchardes qui sommeillent dans les milieux où le fanatisme règne en maître...
Au-delà de l'émotion qu'il suscite, c'est justement le thème développé avec beaucoup de talent et de clairvoyance, Rahim Laloui dans sa dernière livraison cinématographique sous le titre: «Mémoires de scène.» Un film d'1 heure 50 dont les spectateurs qui ont eu la chance de le visionner, sont pour la majorité d'entre eux ressortis des salles de projection les yeux en larmes tant l'émotion qui les étreint, leur fut difficile à réprimer. Rahim Laloui n'a pourtant usé d'aucun artifice pour la provoquer. Son talent seul est à encenser ainsi que le don qu'il a d'émouvoir «facilement» la doxa populaire, Avant de voir le film, on avait cru à une reconstitution formelle, voire à une séquence particulièrement douloureuse de l'histoire des Algériens, d'une reconstitution sans âme. On a au contraire découvert un océan de sensibilité chez Rahim Laloui qui dans la vie de tous les jours, apparait comme un être insoumis aux émotions superficielles qu'on remarque chez les autres... Qui se souvient encore du déchirement collectif durant lequel l'Algérie avait été livrée, pieds et poings liés, au fanatisme le plus meurtrier de l'histoire humaine? Les plus touchés par le terrorisme intégriste certainement. C'est à eux que Rahim Laloui semble s'être adressé en premier. A eux qu'il a fait appel. Mais il y a les autres, tous les autres, c'est-à-dire la population algérienne, sans exclusive à laquelle il voue une dévotion sans faille. C'est la raison qui l'a poussé à perpétuer le souvenir de cette barbarie dans la perspective d'une stricte contribution au devoir de mémoire. Indispensable retour aux sources pour suggérer à sa génération de dire: «Plus jamais ça! Laloui a donc fait le bon choix en empruntant cette voie pour libérer sa conscience des séquelles d'une guerre fratricide dont un des buts inavoués était le voeu formulé par les fanatiques impliqués dans le massacre, d'égaler, sinon de surpasser les exploits de nos maquisards pendant la lutte de Libération nationale. Comme si l'assassinat en masse pouvait identifier ses auteurs, ne fut-ce qu'un instant, à la noblesse d'une guerre de Libération nationale.
Au départ, le viatique de Rahim Laloui se résumait à un manuscrit destiné au montage d'une pièce de théâtre (2007). Et alors que tout est fin prêt pour faire vibrer les planches et y développer son thème, d'autres considérations entrèrent en lice, la pièce en fut reportée sine die. Cependant, l'idée, de faire quand-même quelque chose, apparut plus nettement en 2013. L'objet visé: produire un film puisé dans les mêmes faits. Au final, l'idée de réaliser un film pour le montrer à toute l'Algérie, l'emporta, mais le théâtre n'en sera pas sacrifié pour autant. Il ne sera pas sacrifié dans la mesure où Rahim Laloui en tiendra compte du début jusqu'à la dernière scène de son oeuvre. J'avoue que j'ai été tenté de dire «son chef-d'oeuvre» dans la mesure où c'en est vraiment un, mais sur ce point, j'ai tenu à ce que les seuls juges habilités à se prononcer sur la question soient les spectateurs eux-mêmes qui, je l'espère, ne tarderont pas à aller nombreux voir le film. Encore un mot sur le casting. Sachant dès le départ que le budget du film ne lui permettrait pas de dépenser des «mille et des cents» pour intégrer parmi ses interprètes, un maximum d'acteurs professionnels, M. Aloui, qui m'a semblé très familier avec la sociologie algérienne dans son ensemble, a opté dès le principe pour l'emploi de non-professionnels allant jusqu'à prendre le risque d'utiliser, pour les rôles principaux, des gens appartenant à des professions éloignées du 7ème art. Par exemple, dans le rôle principal de la pièce de théâtre qui sert de base à l'articulation du film, un chirurgien, un vrai qu'il nomme Azzedine en mémoire d'Azzedine Médjoubi, mort assassiné par les intégristes sur le parvis du TNA (Théâtre national algérien).Car c'est au théâtre que tout commence. En prélude, le metteur scène réunit parmi les 20 interprètes du film, quatre ou cinq protagonistes.. A la quatrième reprise des séquences consacrées aux répétitions, des échos parviennent à l'équipe de l'extérieur en lui apprenant que la situation en ville régressait à vue d'oeil. Le terrorisme intégriste ciblait l'élite et comme s'il s'agissait d'une fatalité impossible à endiguer, leur tour risquait d'arriver plus vite qu'on ne le croit. En dépit de l'engagement pris auprès de ses camarades, Azzedine décide de ne jamais plier le genou devant la menace. Mais à chaque heure qui passe, l'atmosphère s'alourdit. Dehors, les assassinats se multiplient. Deux jours avant la générale, deux intégristes, des gras-doubles, conçus sans doute pour effrayer les honnêtes gens, se pointent à l'entrée du théâtre et y pénètrent avec l'intention manifeste d'interdire la pièce. L'escarmouche qui s'ensuivit avait failli tourner au drame. Finalement, les gras-doubles lancent leurs menaces et repartent: la Yadjouz!!! Les évènements se précipitent. Azzedine et sa femme seront abattus trois jours plus tard. A partir d'ici je m'arrête pour ne pas détruire le suspense qui attend le spectateur. En revanche, mon souhait le plus ardent serait que le film de Rahim Laloui soit diffusé à la Télévision nationale car à mon avis l'émotion qu'il suscite devrait pour le bien de tous, être partagée par les millions d'Algériens qui attendent sa sortie...

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