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El Hadi Rahmouni, interprète de la chanson chaâbie

Une main de fer dans un gant de velours

Ceux qui connaissent El Hadi Rahmouni regrettent le fait qu'il n'ait pas bénéficié d'une médiatisation à la hauteur de son talent.

Originaire de Mostaganem, issu d'une famille d'artistes et de mélomanes, natif de l'ancien quartier mythique de Belouizdad (ex-Belcourt), à Alger, et ayant vécu et grandi à La Glacière (Bachedjerrah), El Hadi Rahmouni avait tous les atouts en sa faveur pour tenir déjà le bon bout et embrasser une carrière ô combien riche en couleurs, de chanter le genre chaâbi! De par les avis unanimes, l'homme réussit bien, même si, hélas, il ne bénéficie pas d'une médiatisation à la hauteur de son talent, et ce, depuis le début des années 1970 et le lancement de sa carrière.
A cette époque-là, qui oserait s'aventurer dans un domaine dominé par les ténors, tel le maître à bord et père spirituel du genre, El Hadj M'hamed El Anka, et l'avènement d'une génération dorée, qui commençait déjà à marquer de son empreinte, avec, entre autres, Boudjemaâ El Ankis, Amar Ezzahi, Cheikh El Yamine et Abdellah Guettaf, la chanson chaâbie? Ces deux derniers sont issus, d'ailleurs, de La Glacière, ce qui était un autre avantage en faveur d'El Hadi pour aller de l'avant. Il n'était pas soupe au lait. Il gardait les pieds sur terre et la tête sur les épaules, comme il le fait d'ailleurs jusqu'à nos jours, et estime que pour réussir, trois qualités sont primordiales: l'humilité, l'attention et la curiosité.
«Je suis né dans un environnement de chaâbi. C'est, donc, une suite logique que de me voir suivre ce chemin dans ce domaine, aussi riche soit-il, et y tenter une expérience, mais cela ne pouvait se faire avec les doigts dans le nez. On m'a appris que pour réussir, il faut cravacher dur et ne jamais crier victoire avant l'heure», se rappelle El Hadi Rahmouni. Il s'inspirait de chacun de ses ancêtres pour construire son propre nid.

Premiers pas dans le scoutisme
«La première source d'inspiration dans le chaâbi a été l'illustre El Hadj M'hamed El Anka. Je ne pouvais, alors, déroger à la règle. Après, il y a eu cheikh El Yamine et surtout Abdellah Guettaf, que Dieu ait leurs âmes, qui m'ont montré, directement et indirectement, mon chemin», se remémore-t-il. «Dans les Scouts, on chantait en chorale.
Abdellah Choukri m'avait repéré et demandé de me placer au premier rang. C'est lui qui m'encourageait en m'indiquant que j'avais une voix cristalline que je devais améliorer pour trouver les cordes qui y collent», poursuit-il encore son témoignage. La tendance dans le chaâbi à cette époque-là était de se lancer très jeune, avec comme premier examen, celui d'animer une soirée (mariage, circoncision...). «Je l'avais fait à l'âge de 16 ans. Malgré le trac ce jour-là, je l'avoue, mais j'estime, en toute modestie, avoir réussi mon premier et grand examen, de par l'avis de tous les présents, entre mélomanes et ceux m'ayant précédé dans ce domaine», se rappelle encore El Hadi Rahmouni, tout ému.

Trop tôt dans le bain
Tout de go, le jeune El Hadi, qui avait les dents longues, donne le coup d'envoi à sa carrière. Il côtoyait ceux l'ayant précédé pour apprendre, au moment où sa curiosité le menait vers un grand travail de recherche concernant le texte et à intégrer, aussi, l'association «El Fen Ouel Adeb» du Ruisseau. «C'est surtout en côtoyant feu Abdellah Guettaf que j'ai commencé à me forger. Je lui dois une fière chandelle. Il était l'exemple pour tout jeune de l'époque, lui qui avait réussi à voler de ses propres ailes. J'ai peur de parler de lui et ne pas lui rendre l‘hommage qu'il mérite. Que Dieu l'accueille en Son Vaste Paradis», reconnaît El Hadi. D'ailleurs, à cette époque, il imitait Guettaf au point où en écoutant un de ses enregistrements, il était des plus difficiles de savoir si c'était celui d'El Hadi ou de Abdellah, tellement les deux voix se ressemblaient à la virgule près. Une vidéo sur la Toile d'un vieil enregistrement du qacid «Enneqab» (une espèce de pic-vert) a, sans vouloir le faire, roulé plusieurs mélomanes dans la farine. Ceux-ci croyaient qu'il s'agissait de Guettaf alors qu'en réalité, c'est El Hadi Rahmouni qui était derrière le micro. Par la suite, El Hadi choisit de se frayer le chemin ankaoui avec sa «touche personnelle», qui fait, désormais, de lui ce qu'il est de nos jours. «El Hadi a une manie incroyable de changer de tempo sur scène. Sa maîtrise de ce qu'il fait ne laisse pas indifférent», témoigne Omar Benarab (Omar El Fekhar), qui l'a accompagné pendant plus de 10 ans à la percussion.

L'âme des textes
Avant de chanter un texte, il faut bien le comprendre et surtout le vivre. Pour cela, la maîtrise de la langue arabe, notamment est primordiale.
«Faute de quoi, l'on ressemblera à des perroquets qui répètent ce qu'ils ne comprennent pas. Il ne s'agira, là, plus de chaâbi», nous précise notre interlocuteur.
«Quand on comprend et chante, cela ne doit pas s'arrêter là. On ne peut chanter quelque chose et faire son contraire dans la vie quotidienne. On ne peut interpréter des textes de louanges et d'invocations divines et, par la suite, n'appliquer que ce qui nous arrange. C'est, là, l'âme de ces textes, qui sont intimement liés avec ce que nous vivons depuis le temps», affirme-t-il. C'est cette «âme du texte» qui fait que l'interprétation d'El Hadi est appréciée de ses fans. Ceux qui le découvrent une fois, restent impressionnés par ses qualités et sa maîtrise, et reviennent souvent assister à ses soirées.

Un maître éclipsé
Cette riche carrière, qui égale cinq décennies, est restée enterrée, affirme-t-on avec désolation. La faute est due à cette timidité d'El Hadi qui ne lui a pas permis de creuser et être sous le feu des projecteurs comme le veut et vaut son talent. «Plusieurs personnes me reprochent cela. Mais que voulez-vous que je vous dise? Je crois que c'est ma timidité qui est la principale cause. Peut-être que j'aurai pu faire mieux en étant médiatisé, mais malgré cela, je reste satisfait de ce que le destin m'a réservé jusque-là», reconnaît notre interprète. Cette remarque lui est faite même par d'autres maîtres de la chanson chaâbie, qui ont assisté de visu à ses oeuvres. Ils estiment qu'il est inconcevable que certains médias ou plateformes sur la Toile fassent la promotion de «médiocres» alors que des talentueux et expérimentés, tels que El Hadi Rahmouni, sont éclipsés. «C'est sa timidité qui en est la cause. Sans elle, cela serait difficile pour plusieurs chanteurs actuels de rivaliser avec lui», affirme encore Omar EL Fekhar. «Les jeunes chanteurs - heureusement pas tous - ont débuté par la fin, et dénaturent le chaâbi de ses valeurs ancestrales. Ce n'est pas en tenant une mandole et en répétant les textes classiques qu'on peut se targuer d'être un cheikh. Certaines pratiques, actuellement, me font mal au coeur. Elles me chagrinent. Heureusement, par contre, il y a certains jeunes qui tiennent le flambeau du bon côté, ce qui laisse ce brin d'espoir», conclut «Aâmi El Hadi».

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