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LES EXPERTS DÉCORTIQUENT LA SITUATION

Pourquoi les touristes boudent l'Algérie

Le manque d'infrastructures touristiques est souvent évoqué comme frein au développement du tourisme en Algérie. Mais est-ce la seule raison?

Comme nous l'a si bien souligné le secrétaire d'Etat chargé du Tourisme, Amine Hadj Saïd, lors d'une interview qu'il nous a accordée: «Avec de l'argent ce n'est pas difficile de construire de très beaux hôtels.». Mais alors quelles sont les raisons qui font que l'Algérie n'est plus une destination touristique? Pour en savoir plus, nous avons demandé l'avis d'experts, mais également de touristes et citoyens. Nous choisissons comme première halte, l'Aéroport international d'Alger. «Le vol d'Air Algérie provenant de Paris vient d'atterrir», annonce-t-on. On se met dans le hall à la recherche des rares touristes, qui pourraient débarquer. Après quelques minutes d'attente, on déniche enfin l'oiseau rare, un touriste qui, en fait, n'en est pas un puisqu'il est à Alger pour affaire. Mais qu'a-t-il à fulminer ainsi? Nous l'interpellons. «Je suis en colère à cause des retards. Non seulement notre vol a eu presque une heure de retard, mais on a dû faire une chaîne interminable au niveau de la PAF», peste-t-il. «Je ne comprends pas pourquoi, ce n'est qu'à Alger qu'on met des heures pour les formalités douanières. Les guichets ne sont pas suffisants. Et il arrive que même ces guichets ne soient pas tous ouverts. C'est l'enfer! Pourquoi vous ne faites pas comme vos voisins tunisiens?», ajoute, excédé, cet habitué des vols Paris- Alger. Mais sa mésaventure ne s'arrête pas là, puisque, après les retards, la queue à la PAF, il se retrouve à attendre ses bagages qui n'arrivent pas. «Le tourniquet a fait des milliers de tours, mais les bagages ne sont pas arrivés alors que le temps qu'on a mis à la PAF suffit largement pour qu'on les retrouve sur place», dénonce-t-il avec autant de colère avant de s'excuser pour partir.

Un enfer nommé aéroport...
Nous tentons notre chance avec un autre touriste qui, lui aussi, est à Alger pour affaire. En plus des retards, il dénonce le fait que les boutiques ferment la nuit au terminal Houari-Boumediene d'Alger. «Il m'est arrivé de prendre des vols de nuit. Et quand j'arrive à l'aéroport, je ne trouve même pas où acheter quelque chose à manger», atteste-t-il, non sans dénoncer la difficulté de faire des transits pour prendre des vols intérieurs. «C'est un vrai parcours du combattant et on ne trouve personne pour nous informer», assure-t-il. «Mais passons, car pour moi, touriste étranger ce qui me gêne le plus en Algérie est de ne pas pouvoir utiliser mes cartes bancaires pour faire des achats. Seuls quelques grands établissements hôteliers et quelques boutiques acceptent les cartes. En tant que touriste je ne vais pas m'amuser à me balader avec du liquide», lance-t-il. «En plus, on ne trouve pas de bureaux de change sur Alger. Si on est loin de l'hôtel, on est foutus», soutient-il avant d'ajouter: «Je ne peux même pas réserver ma chambre d'hôtel. Il faut que cela se fasse sur place. Alors que lorsqu'on fait du tourisme d'affaires ou non, on aime bien que tout soit réservé à l'avance», rapporte-t-il.
Nicolas, lui, parle des problèmes des visas. Il ironise en disant que c'est plus facile d'obtenir un visa pour le paradis que pour l'Algérie. «C'est un gros problème, à chaque fois que je veux venir à Alger. Même mes compatriotes me font part de ce problème», atteste-t-il.

Une capitale qui dort tôt
Agnès est une ressortissante française. Il lui arrive souvent de faire des déplacements sur Alger. La chose qui la choque le plus quand elle est à Alger, est le regard des gens. «Les touristes sont tellement en voie de disparition en Algérie que lorsqu'on passe... tout le monde nous regarde comme si on était des extraterrestres!!!», témoigne, t-elle. Elle qui connaît tout juste la capitale, pense que Alger est une ville ennuyeuse. «On ne trouve même pas une terrasse où une femme peut siroter un café tranquillement sans être agressée par les regards», dit-elle en connaissance de cause. Elle parle aussi du manque de vie nocturne à Alger. «Vous avez une capitale qui vous oblige à dormir tôt», se désole t-elle. «Et pourtant, vous avez un beau pays, à elle seule la baie d'Alger est une merveille qui repose l'esprit et le corps. Mais vous ne savez pas l'exploiter», poursuit-elle.

Trop sale pour le tourisme!
Après ce réquisitoire international, nous allons vers le national.
Mohamed est journaliste spécialisé dans le tourisme. Pour lui, on ne peut pas faire du tourisme dans un pays où la saleté a droit de cité. «Comment accueillir des invités dans la saleté?», nous demande-t-il. «L'Algérie reste parmi les destinations les plus sales du monde...» rétorque-t-il. «C'est du pain bénit pour certains médias qui ne se gênent pas pour détruire l'image touristique de l'Algérie», regrette Mohamed. Il y a également un point sensible sur lequel notre confrère veut insister: le manque de professionnalisme. Pour lui, les vrais professionnels sont rares à la tête des hôtels et des agences de voyage... Mohamed dénonce également les offices du tourisme qui ne jouent pas leur rôle. «Ça se dit office du tourisme... Ils n'ont ni bureau, ni cartes, ni circuits à proposer et si on trouve des guides chez eux, ils datent de l'âge de pierre», fait-il remarquer. D'après Mohamed, l'innovation qui est l'une des bases du tourisme fait aussi défaut. «Plus d'un millier d'agences de voyages, mais pas de produits touristiques algériens dans les vitrines... mis à part Ghardaïa et Timimoun qui sont prisées pour le Réveillon», souligne t-il.

Les sept péchés capitaux
Kamel Benelkadi, un autre journaliste spécialisé dans le tourisme, ne va pas de main morte sur la situation du tourisme dans le pays. Il parle des sept péchés capitaux qui bloquent notre tourisme. Appréciez plutôt: «Il y a absence d'une culture touristique et de conviction chez certains cadres du ministère. La bureaucratie pour l'investissement est également légion. La chaîne touristique est loin de la cohérence. La communication est d'une grande carence, une promotion de la destination Algérie sans stratégie. L'ONT qui se confine dans un organisme qui participe aux salons sans réelles retombées.»
Voilà ce qu'en pensent les spécialistes. Mais quel est l'avis des citoyens sur la question, eux qui représentent le tourisme interne? Qu'est-ce qui les pousse à aller à l'étranger plutôt que de faire du tourisme dans leur pays? Pour la majorité d'entre eux, c'est la qualité de service et surtout les prix qui sont proposés en Algérie qui les font fuir. ««Yarham babek», je vais payer des millions pour une qualité médiocre en Algérie. Alors que si je vais à l'étranger, cela va me revenir près de la moitié du prix. Y a pas photo», résume admirablement bien la situation, Madjid un père de famille qui a l'habitude d'emmener toute sa petite famille vers la Tunisie. «Je n'ai pas les moyens de leur payer des vacances en Algérie. Une journée de détente au pays avec toute ma famille me revient presque au même prix que le séjour», affirme-t-il.

C'est moins cher d'aller à l'étranger!
En plus des prix et de la qualité, c'est le choix qui est la deuxième chose qui «répugne» les nationaux à faire du tourisme dans le pays. «Où allons-nous faire du tourisme? Il n' y a aucun endroit digne de ce nom. Et les rares endroits existants sont bondés de monde», nous a répondu la majorité de nos concitoyens interrogés. Les Algériens mettent aussi en relief le manque de moyen de transport et leur cherté. «On ne connaît pas notre pays. Mais comment voulez-vous qu'on le connaisse avec le manque de moyens de transport et leur cherté. Un billet d'avion pour le Sud est plus cher qu'un billet d'avion pour l'Europe», regrette Nabil, un jeune étudiant qui rêve de visiter le sud de son pays. Autre argument mis en exergue par les Algériens, le manque de culture touristique. «On n'a pas un esprit touristique. Le client n'est absolument pas roi en Algérie. Chacun fait ce qu'il veut dans ce pays sans se soucier du bien-être de sa clientèle», rapporte Soumia, cadre commercial qui tient à nous raconter une anecdote qu'elle a elle même vécue. «Je voulais prendre le métro à la station Haï el Badr. Mais je n'avais pas de monnaie, juste un billet de 1000 dinars. Le guichetier refuse de me vendre mon billet sous prétexte qu'il n'a pas de monnaie. Imaginez qu'on fasse cela à un touriste...», s'indigne-t-elle. Voilà donc, à la veille des assises du tourisme, un petit aperçu de la destination Algérie. Une destination que ces assises auront du mal à mettre debout...

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