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Giuseppe Acconcia, professeur de sciences politiques et journaliste italien, à L’Expression

«L’Italie vit entre le désarroi et l’espoir»

Dans cet entretien, Giuseppe Acconcia revient sur la situation en Italie, son avenir, non seulement en tant que nation, mais aussi en tant que membre fondateur de l’UE. Professeur de sciences politiques et journaliste italien, il a à son actif plusieurs livres notamment « Liberi tutti », « Egitto democrazia militare » et plus récemment « Il grande Iran »

L’Expression : Pouvez-vous nous décrire la situation actuelle en Italie?

Giuseppe Acconcia : La situation est très triste en ce moment, nous enregistrons un triste record, celui du plus grand nombre de victimes du coronavirus dans le monde, on arrive même devant la Chine. Cela dit, aujourd’hui un relent d’espoir a gagné le peuple, puisque pour une fois depuis des semaines le nombre de personnes décédées à cause du Covid -19 a baissé. Cet élément est très important, puisque depuis la mise en place des mesures de restriction le 8 mars dernier, nous voyons enfin des résultats, même minimes. Nous avons espoir que les deux prochaines semaines le nombre de morts diminue considérablement. Même si le moral des Italiens est vraiment miné par la douleur, nous avons perdu beaucoup de concitoyens, d’ailleurs la joie de vivre qui a fait le tour de la Toile les premiers jours du confinement a été ébranlée par la mort fulgurante de plus de 6000 Italiens. Mais je reste optimiste, je fais confiance au moral des Italiens et leur capacité à se surpasser. Cela dit, ce qui m’inquiète en ce moment ce sont les déplacements de la population du Nord gravement touché par le Covid-19, vers le sud du pays plus ou moins épargné , à noter que les régions les plus touchées sont là Lombardie, Emilia-Romagna, Marche, Liguria et Veneto, juste après l’annonce des mesures de confinement, mais les critiques se font rare depuis que des gens se sont rendus compte de la gravité de la situation. Cela dit, un autre point inquiète beaucoup les Italiens, le «verrouillage des libertés». Toute infraction des mesures est lourdement punie. Allant de 3 mois de prison à 12 ans de prison avec pour chef d’inculpation : « Sortie sans raison, délit d’épidémie » pour toute personne qui se trouve dehors et pressentant des symptômes. Ajouter à cela la militarisation de la rue, comme vous le savez sans doute l’armée italienne a été appelé a la rescousse, mais j’espère que cela ne va pas trop durer. Nous sommes dans un pays qui a connu le fascisme, la dictature, et ce qui se passe aujourd’hui, c’est-à-dire, armée et police qui comblent les lacunes de la gestion politique est un pari risqué pour la démocratie.

Quelles sont les raisons d’un aussi lourd tribut de l’épidémie dans votre pays?
Si on pose cette question au ministre de la Santé, il dira que la population est très vieillissante, surtout dans le Nord, comme en Lombardie. On peut aussi nous dire que c’est le manque de kits de dépistage qui a causé cette catastrophe sanitaire, c’est-à-dire le fait que le dépistage ne s’est pas généralisé comme en Chine, ou encore en Corée du Sud. Mais pour moi c’est simplement les politiques sanitaires menées par les gouvernements de gauche et de droite qui se sont succédé à la tête du pays depuis des années. C’est-à-dire la réduction de dépenses publiques. Le nombre de lits pour la thérapie intensive, de médecins, de respirateurs… En temps normal le personnel et le matériel médical sont largement suffisants, mais pas pour une crise aussi minime soit elle. Celle que nous vivons en ce moment est sans précédent, et malheureusement de grande ampleur. Le système sanitaire ne tient plus le coup, beaucoup de gens meurent chez eux….. Pour faire simple on peut dire «on se croirait sans Etat». Et cela est la conséquence directe des politiques de Silvio Berlusconi, Matteo Renzi, Giuseppe Conte ou d’autres gouvernements. Et même de la coalition qui est au pouvoir actuellement « gauche et mouvement populiste cinq étoiles ».

En ces temps de crise les relations entre l’Italie et l’Europe semblent être tendues, à votre avis comment va se conjuguer l’avenir entre ces deux acolytes?
Dans la précipitation je dirais «je ne sais pas», puisque entre l’Italie et l’UE, l’histoire d’amour est longue et un peu compliquée. Elle est passée par plusieurs étapes. La première «l’enthousiasme», la seconde le « désenchantement ». Depuis près de dix ans, les Italiens ont le sentiment d’avoir été lâché par l’Union européenne, a titre d’exemple la crise migratoire, notre pays doit faire face tout seul aux flux des migrations, sans la moindre aide sans la moindre politique générale, ce n’est pas un problème Italien c’est un problème européen. Par ailleurs, même du côté économique, les Italiens pensent que l’UE est un frein pour leur développement. D’ailleurs une des raisons de la réduction de la dépense publique est due aux restrictions imposées par l’UE. Cela dit, nous sommes loin du débat sur le Brexit, puisque la plupart des Italiens estiment que la libre circulation est un acquis conservé. Je dirais plus que les événements de ces derniers jours ont fait que notre «Euro-scepticisme» ait été exacerbé. D’ailleurs, la crise actuelle démontre les failles de l’UE, même au niveau politique, puisque les prises de décision et de gestion de crise se sont faites individuellement. Pays par pays. C’est-à-dire que l’UE n’est pas un bloc qui agit ensemble. Ce qui est une grande erreur à mon sens, ce n’est pas que sur les questions économiques qu’on doit agir ensemble, même concernant les crises communes. Dès que la pandémie a été virulente la première décision politique a été de fermer les frontières, d’autres, comme le Premier ministre britannique, Boris Johson, a tardé à prendre des mesures après il a voulu «préparer» le peuple anglais à la mort. Chacun s’est confiné finalement bien avant le confinement des populations, alors que prendre des mesures commune sur l’ensemble du territoire européen aurait été plus simple et plus efficace. D’ailleurs, la crise actuelle démontre les failles de l’UE, même au niveau politique, puisque les prises de décision et de gestion de crise se sont faite individuellement. Mais l’attitude de l’Allemagne de recevoir sur son territoire des malades italiens nous permet de garder la foi. Sans oublier le reste du monde nous savons que nous sommes soutenus. Les aides arrivent du reste du monde, de Chine par exemple avec de la «technologie respiratoire», Cuba et la Russie également avec des virologues et de la technologie sanitaire. Nous sommes en manque de tout, de gants, de bavettes, mais l’aide et la solidarité internationale compense vraiment cette faille de nôtres système de santé.

Sur le plan économique quelles seront les conséquences?
C’est très triste, mais même la quarantaine est un privilège en Italie : les plus fragiles, les clochards, les réfugiés par exemple, ne peuvent se confiner. Et encore, pendent des jours, il y a eu des manifestations dans les prisons pour la peur de la diffusion du Covid-19 et le blocage des visites. Il y’a eu un dernier décret gouvernemental qui a ordonne la fermeture des activités économiques, mais le syndicat des entrepreneurs «Confindustria», essaie de fuir cette mesure, il a envoyé une lettre ouverte dans laquelle il explique que la mise à l’arrêt de ces secteurs stratégiques ferait perdre beaucoup d’argent à l’Italie. Mais le syndicat des travailleurs du secteur métallurgique «Cgil-Fiom», qui est le plus grand syndicat en Italie, veut que l’activité cesse en urgence, en vu du risque sanitaire, d’ailleurs, des appels à la grève ont été lancée par ce dernier. En effet, les séquelles de cette crise sanitaire seront profondes. Elles sont déjà commencées, puisque beaucoup de personnes se sont retrouvées au chômage. Le gouvernement a sorti une enveloppe de 25 milliards d’euro (Cura Italia). Pour l’aide aux loyers, aux prêts bancaires, etc... L’opposition affirme déjà que cela ne sera pas suffisant, le Premier ministre déclare que «c’est la pire crise depuis la fin de la seconde Guerre mondiale ». Pour l’instant, on ne peut pas mesurer avec exactitude l’ampleur des dégâts à venir. Par exemple, des le début de la crise les plus hautes autorités européenne, avaient annoncé que face à cette crise l’Italie ne sera pas seule à l’instar de la présidente de la commission de l’UE, Ursula von derLeyen, qui a directement été suivie par une déclaration de Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne qui avait affirmé quelle ne réduirai pas l’écart bancaire». Cette annonce a fait chuter l’économie. On est passé - 12% de la bourse italienne. Maintenant, le Pacte de stabilité a été suspendu, ce qui pourra aider l’économie à se maintenir.

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