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Spectaculaire procès de Ouyahia et Sellal, hier, sans la présence de leurs avocats

Les premières révélations

Ils sont passés à la barre. Les ex-gouvernants de l’Algérie durant les 20 dernières années ont été questionnés sur leur gestion, les privilèges indus qu’ils ont octroyés, leurs biens, mais aussi sur la disparition de l’énorme pactole de 75 milliards, ramassé pour le 5ème mandat.

Coup de théâtre, hier, au tribunal de Sidi M’hamed. Alors que tout le monde s’attendait à un report, le procès des ex-hauts cadres de l’Etat, s’est finalement déroulé. Les avocats, eux, ont tenu parole en boycottant la séance. Cependant, cela n’a pas été suffisant pour annuler la tenue du procès. En fait, la défense avait demandé à ses clients de ne pas répondre aux questions du juge, exigeant la présence de leurs avocats. Le magistrat aurait, quand même, pu prononcer son verdict en se contentant des procès-verbaux étant donné qu’il s’agit d’un tribunal correctionnel où l’accusé peut être jugé sans avocat. Ce qui aurait tourné à une parodie de procès ! Mais c’est Ahmed Ouyahia qui a changé la donne. L’ex-Premier ministre tenait à s’expliquer publiquement sur les charges qui sont retenues contre lui. Et c’est cette décision de se présenter pour l’audition à la barre qui a entraîné celles d’autres accusés, permettant au show d’avoir lieu.

1130 milliards s’évaporent

Au box des accusés, Ahmed Ouyahia était au premier rang, à côté de Mazouz, le patron du groupe éponyme, et de l’ex-ministre de l’Industrie, Youcef Yousfi. Enveloppé dans un blouson sombre, cheveux blancs et moustaches, quelques kilos en moins, Ouyahia semble avoir pris un coup de vieux, mais il est toujours identique à lui-même. Premier à être appelé à la barre, l’ex-Premier ministre s’approche, pose ses mains sur le pupitre se trouvant devant l’estrade où siège le juge. Il avait l’air d’être dans son élément. Comme si il venait de retrouver sa place au Parlement ou face à un parterre de journalistes pour répondre aux questions. A l’entendre, l’homme n’a rien perdu de sa suffisance ni de la confiance à outrance en soi. Fidèle donc à son profil, Ouyahia va faire un exposé très technique étayant toutes ses réponses avec des chiffres, citant des décrets et des lois. Accusé d’ «octroi d’indus avantages dans l’intérêt d’autrui», «abus de fonction», «trafic d’influence» et «violation de la réglementation des marchés publics», l’homme qui a été quatre fois à la tête du gouvernement, rejette en bloc toutes les charges retenues contre lui. «Je n’ai donné des avantages à aucun opérateur», a déclaré l’ex-Premier ministre expliquant que même s’il existait des failles concernant le respect des cahiers des charges des concessionnaires automobiles cela s’explique par le fait qu’«on était obligé d’avancer. Notre seul souci était de créer une industrie automobile». D’ailleurs, a ajouté l’accusé, «la politique que nous avons appliquée est celle qui est menée actuellement par le gouvernement Bedoui et c’est tant mieux». Le procureur ne manque pas d’interpeller alors l’ex-Premier ministre : «Vous avez accordé, pendant des années, une exonération des droits et taxes douanières et de la TVA aux concessionnaires automobiles. Cela représente un manque à gagner pour le Trésor public d’au moins 1 130 milliards de centimes pour finalement une industrie qui n’existe pas ! Ne pensez-vous pas que c’est un préjudice ?». «Vous dites que c’est un préjudice, mais pour moi, c’est un avantage accordé par la loi», a répliqué Ouyahia. Le juge va revenir sur les biens de l’accusé et de sa famille laissant entendre que les trois membres de la famille détiennent des comptes bancaires bien remplis (en milliards de centimes) et que la femme et le fils ont des sociétés. Or, l’ex-Premier ministre contredit cette version affirmant que sa femme «n’a pas de société. Mon fils en a créé une dans le cadre de l’Ansej ». En ce qui concerne ses trois comptes bancaires : un est clôturé, le second contient 15 000 DA alors que le solde du dernier serait de 30 milliards de centimes. A ce propos, Ahmed Ouyahia précise que le dernier compte est ouvert depuis qu’il était étudiant à l’ENA et la somme qu’il contient se justifie par l’accumulation de ses salaires depuis des années. Il ne s’empêchera, cependant, pas de lancer une pique à l’adresse du procureur qui lui a posé la question sur ses biens «c’est mon argent personnel. Je ne suis, tout de même pas stupide au point de mettre l’argent de la corruption dans une banque publique».
Abdelmalek Sellal s’avance à la barre. Costume bleu-noir, sans cravate, l’ex-directeur de campagne du président déchu Abdelaziz Bouteflika, n’a pas beaucoup changé. Son côté délassant ne semble pas l’avoir quitté. D’ailleurs, il n’a pas manqué de faire rire la salle en lançant, dans une de ses réponses au juge «j’ai pensé que j’allais être remercié pour le travail que j’ai réalisé». Questionné sur la gestion chaotique du secteur de l’industrie sous sa gouvernance, Sellal va insister sur le fait qu’un Premier ministre ne gère pas, mais coordonne le travail. Il ne va pas se gêner pour mettre tout sur le dos de l’ex-ministre
de l’industrie, Abdessalem Bouchouareb, en fuite à l’étranger. Sellal va lâcher : «Je me suis souvent plaint de ses comportements (…) Je n’ai rien pu faire» et le juge de demander «vous parlez de l’ex-ministre de l’Industrie, c’est bien ça». A propos de ses relations avec les concessionnaires automobiles, Baïri, Larbaoui et Mazouz, des co-accusés, Sellal lâche «je suis un homme du peuple, je parle avec tout le monde. Je suis connu pour être quelqu’un d’accessible». Il niera avoir accordé un quelconque privilège à Larbaoui, Baïri, Tahkout et Oulmi alors que pour l’accusation c’était sous sa gouvernance que les accords avec les deux derniers concessionnaires ont été signés. «Je n’ai rien à voir, je présidais certes, le Conseil national de l’investissement, mais les privilèges, c’est l’Andi qui les accordait.»

Sellal charge Bouchouareb

Concernant le financement de la campagne électorale, Abdelmalek Sellal va expliquer que c’est l’ex-candidat Abdelaziz Bouteflika, par le biais de son frère Saïd, qui a désigné le financier «moi je n’ai fait qu’ouvrir le compte étant le directeur de campagne».
Le juge va demander à l’ex-Premier ministre s’il était au courant du versement dans ce compte de 39 milliards de centimes par Mazouz et sur la raison du transfert de la totalité du montant du financement de la campagne du siège principal vers une autre destination. Abdelmalek Sellal va répliquer par la négative expliquant qu’il n’était pas le financier. Répondant à une question relative à son fils, Farès, associé dans l’entreprise créée par Baïri et Mazouz, Sellal va expliquer que son fils qui vivait à l’étranger, a géré cette société en raison de son expérience. «En 2016 et lorsque la décision d’arrêter les importations de véhicules a été prise en raison de la chute du prix de pétrole, mon fils s’est retiré de la société bien avant le projet Iveco. Cela prouve que je n’ai accordé aucun privilège à Mazouz.»
Vont suivre ensuite à la barre les ex-ministres de l’Industrie, Youcef Yousfi et Mahdjoub Bedda. Les deux accusés vont réfuter les accusations. Yousfi va insister sur le fait que sa «priorité a été la préservation de l’investissement et la diversification de l’économie». Il reconnaîtra que les opérateurs choisis pour la concession automobile ne satisfaisaient pas à tous les critères du cahier des charges raison pour laquelle, ces derniers bénéficiaient à chaque fois d’une prorogation de délais. D’ailleurs, le juge lui rappellera une visite qu’il a effectuée à l’usine du groupe Mazouz, sise à Sétif. «Vous auriez dû fermer l’usine après le constat fait sur place. Au lieu de cela vous avez accordé un délai de 50 jours au concessionnaire».

75 milliards pour le 5ème mandat

Il lui citera également les autorisations de montage accordées à ce dernier en violation de la loi. Yousfi ne répond pas et dit ne pas être au courant de la liste de véhicules accordée pour le montage au groupe Mazouz. Mahdjoub Bedda, en prenant place face au juge, va rappeler de go : «J’étais mécontent de la gestion du dossier automobile, d’ailleurs mes déclarations, à cette époque, en sont la preuve.» Et d’insister «je n’étais pas en poste lorsque le cahier des charges a été réalisé et je ne l’ai pas modifié». Le juge va lui rappeler que les six décisions d’octroi des avantages à Larbaoui, le concessionnaire de KIA Motors, représentent un montant de pas moins de 800 milliards de centimes. Il lui citera également ses deux sociétés, dissoutes en mars 2018 et sa signature, sans aucune étude, des décisions provisoires d’importation à peine 48 heures après les avoir reçues. Appelée à la barre, Nouria Zerhouni ne va pas s’y attarder, refusant de répondre aux questions du juge. Abdelghani Zalène va ensuite se présenter.
Et avec ce dernier, beaucoup de révélations vont être faites, notamment en ce qui concerne le financement de la campagne électorale de l’ex-président Bouteflika.
Zalène va insister sur le fait qu’il ne soit resté que 9 jours à la tête de la direction de la campagne. « Je n’ai jamais reçu un centime pour la campagne, je n’ai reçu ni chèque ni argent liquide», dit Zalène reconnaissant, cependant, avoir reçu la liste des donateurs : «On m’a donné la liste en m’annonçant que les gens ont arrêté les dons en raison de la protestation qui s’était déclenchée, mais il y avait déjà au moins six noms : Larbaoui, Benhamadi, Bellat, Mazouz et un citoyen qui a donné 100 000 DA.» Le procureur va lui rappeler les 10 milliards de centimes donnés par la Sarl Mitidji. Zalène, lui, préfère ne pas donner le détail, mais confirmera lorsque le juge va dire : «Il y avait 75 milliards de centimes dans les comptes, de l’argent privé et même du Trésor public alors que la loi est claire, les dons ne doivent pas dépasser 300x12xSmig.» Les auditions à la barre se sont poursuivies avec les patrons d’usines de montage automobile ainsi qu’une vingtaine de cadres poursuivis dans cette affaire. Le procès reprendra aujourd’hui avec de nouvelles révélations.

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