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Si belle en ce miroir? Légale ou non, ruée sur la chirurgie esthétique en Albanie

Ana Kela, une étudiante albanaise de 20 ans, s'est fait refaire les lèvres durant la pandémie du coronavirus car elle ne supportait pas le visage que lui renvoyait son écran d'ordinateur pendant ses cours en ligne.

Depuis quelques mois, la demande de chirurgie esthétique explose en Albanie, un petit pays des Balkans, portée par le télétravail et les plateformes virtuelles, le désir de soulager l'angoisse en sublimant son image, le masque qui permet de cacher les traces post-opératoires.

Mais le boom favorise aussi les interventions sauvages dans des salons non agréés qui prolifèrent hors de tout contrôle, suscitant la colère et le désarroi des médecins.

 

"A chaque fois que je regardais mon visage à l'écran, je n'arrivais même pas à prononcer un mot, j'étais prise par l'angoisse", raconte Ana Kela, qui étudie l'économie à l'université de Tirana.

"Je me trouvais moche, les cernes sous les yeux, le nez trop grand, les lèvres très minces, un vrai désastre", se remémore cette jolie brune aux yeux bleus.

Après une opération pour augmenter le volume de ses lèvres en décembre, elle se sent mieux aujourd'hui.

Dans un pays où l'économie informelle pèse lourd, il n'existe pas de chiffres officiels sur le secteur de la beauté mais les médecins spécialisés constatent que la demande monte en flèche avec la pandémie, surtout chez les jeunes.

Les patients sont majoritairement des femmes mais des hommes aussi se font refaire le nez.

- Obsession de l'apparence -

"L'apparence est devenue une obsession pour mieux s'exposer aux regards des autres et se sentir mieux avec soi-même", explique Jorida Zegali, psychologue clinicienne à l'Université de Tirana.

Parmi les best-sellers, les injections de botox, les liftings et les remodelages du visage mais la chirurgie des seins et des fesses n'est pas en reste.

L'obésité étant considérée comme un facteur aggravant du Covid-19, les liposuccions augmentent aussi, selon les médecins.

"La tendance est claire", raconte à l'AFP le docteur Kostandin Balloma, directeur du Luis Medical Centre en montrant son agenda bien rempli. Depuis la fin du confinement en juillet, dans sa clinique, les opérations du nez "ont presque doublé".

"La chirurgie esthétique est un réconfort, un moyen d'éloigner l’insécurité du quotidien pour se réfugier dans un monde qui lisse le visage".

Nertila Rrahmani, 31 ans, est manucure à Milan mais elle est rentrée à Tirana pour se faire opérer du nez qui lui causait des problèmes respiratoires.

Mais elle en a aussi profité pour le rendre plus joli et se faire recoller les oreilles. "La pandémie ne peut empêcher les gens de s'aimer, d'essayer d'améliorer leur apparence, pour se donner de la valeur", dit-elle à l'AFP le visage recouvert de bandages et de bleus.

- Prix cassés -

Mais les abus sont nombreux. Chaque jour, apparaissent des salons qui offrent des interventions esthétiques sans agrément ni encadrement médical, à grand renforts de publicité sur les réseaux sociaux et de prix cassés, selon la docteure Monika Fida, professeur à l'Université de médecine à Tirana.

Ces établissements "appliquent des procédures de la médecine esthétique et utilisent des équipements qui ne devraient être maniés que par des spécialistes agréés", souligne la docteure Brunilda Bardhi, présidente de l’Association albanaise de dermatologie, cosmétique et esthétique (Ascad).

Sur les réseaux, les offres semblent alléchantes dans un pays où le salaire moyen est de 420 euros.

"Venez à quatre profiter d'une réduction de plus de 50%" sur les repulpage des lèvres et autres liftings fessiers, proclame une annonce.

"La vie n’est pas parfaite mais vos sourcils oui", dit une autre.

Selon les enquêtes réalisées sur le terrain par l'Ascad, dans environ 70 salons de Tirana, les équipements laser sont maniés par un personnel non diplômé et non qualifié.

Les médecins albanais s'inquiètent aussi de la chirurgie esthétique du weekend pratiquée par certains confrères italiens, grecs ou turcs, non accrédités auprès du Conseil de l'ordre et de ce fait non responsables d'après eux du suivi des patients.

Eva Kola, étudiante en sciences politiques de 21 ans, a fait confiance à une échoppe dont elle suivait assidument le compte Instagram. Pour 20 euros, elle a fait effacer les initiales de son ex qu'elle avait tatouées au doigt.

- "Ma vie, cet enfer" -

Mais tout a mal tourné. "Depuis une semaine, ma vie est un enfer", raconte-t-elle, la voix étouffée par les larmes, dans la salle d'attente du service dermatologique de l'hôpital universitaire de Tirana.

Le laser mal calibré a causé une brûlure au troisième degré et une forte réaction allergique. Elle a de la fièvre et des douleurs insupportables le long du bras.

"Dans ma seule clinique, j'ai cinq à sept cas, surtout des jeunes filles, présentant de graves problèmes, brûlures, infections, cicatrices indélébiles suite aux procédures subies" dans des centres non agrées, explique la Dr Fida, montrant sur son écran des images de jeunes filles dont les rêves de beauté ont viré au cauchemar.

Le docteur Balloma estime lui que 30% de ses clients sont des victimes "d'erreurs commises par des établissements non spécialisés".

Le secteur est censé être encadré par une loi de 2017 mais les médecins lui reprochent d'être floue et veulent que soit précisé qui est habilité à faire quoi, avec quels produits et quels équipements.

Il faut "un cadre réglementaire strict où toutes les procédures professionnelles et tous les maillons de cette chaîne soient clairement détaillés", déclare à l'AFP le président de l’Ordre des Médecins, le Dr Fatmir Brahimaj.

En attendant, comme la Dr Entela Shkodrani, de l'université de Tirana, la profession exige des "contrôles sévères contre ceux qui mettent la vie des gens en danger".

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