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Les caricatures du prophète soulèvent une vague d’indignation dans le monde musulman

La bête immonde applaudit

Les déclarations impromptues sur l'islamisme et la légitimation des caricatures offensantes du prophète de l'Islam sous prétexte de liberté d'expression n'ont pas fini de faire des vagues, au Moyen-Orient et au Maghreb, notamment. Une crise diplomatique est née, avec rappel d'ambassadeur entre la France et la Turquie. A priori, on serait tenté de sourire tant le contexte prête à confusion. Mais les circonstances, elles, sont bel et bien, dramatiques. Si dramatiques, d'ailleurs, que ni François Cavanna et Georges Bernier (alias le professeur Choron), créateurs de l'hebdo satirique bête et méchant Hara-Kiri, devenu, après une interdiction, datée du lundi 16 novembre 1970, quatre jours après la mort de Charles de Gaulle, par le ministre français de l'Intérieur de toute vente ou distribution pour crime de lèse-majesté (voir encadré ci-contre), et ni Cabu ou Wolinski qui ont péri dans l'attentat de 2015, n'auraient surenchéri) ce point dans la provocation envers deux milliards de musulmans.
Le mal étant fait, et l'extrême droite ayant bondi à point nommé pour s'emparer d'une affaire juteuse au plan électoral, la sagesse voulait qu'au lieu d'attiser le brasier, on essaie, au contraire, de calmer les esprits et d'en appeler à la raison. Car si les Français considèrent que les caricatures du prophète de l'Islam sont un symbole de leur identité laïque, les musulmans sont également en droit de les juger comme attentatoires à leur croyance et à leur dignité. D'où un dialogue de sourds qui a pris des proportions alarmantes, notamment au Proche-Orient, alors même que les pays arabes ont besoin de la France autant que la France a besoin d'eux. Les chiffres sont, sur ce plan, bien plus éloquents que les simples discours. En 2019, la France a exporté pour 1,3 milliard d'euros de produits alimentaires vers le Proche-Orient. Tous secteurs confondus, l'enveloppe culmine à 11,5 milliards d'euros. Si, à ce jour, les deux principaux marchés, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, sont épargnés par les menaces de boycott, leur réaction va devoir être scrutée à la loupe durant les prochains jours.
Aux Émirats, on trouve la plus forte communauté d'expatriés français du Proche-Orient, environ 30.000 personnes. Quelque 600 entreprises françaises y sont installées, dont la plupart des géants du CAC 40. En janvier dernier, une délégation du Medef international a visité Riyadh, forte de 70 entreprises majeures alors que des fleurons de l'industrie française activent dans le transport (métro et autobus) ainsi que d'autres infrastructures. On peut penser que ces activités échappent aux turbulences de l'opinion publique mais la prudence ne peut être écartée.
La France a sans doute payé un lourd tribut au terrorisme aveugle mais le terrorisme n'est pas l'apanage des seuls islamistes. Les tenants du suprématisme blanc ou les adeptes de l'idéologie nazie, édulcorée sous diverses formes dites d'extrême droite et de droite radicale, ne sont pas, que je sache, des enfants de choeur. Et si les blessures sont vives et récentes, elles ne peuvent justifier la diabolisation de communautés entières qui, de surcroît, souffrent de l'ascenseur social bloqué, du racisme ambiant et de la marginalisation économique. Les pointer du doigt au nom de la liberté d' «expression, c'est carrément ouvrir la boîte de Pandore et ostraciser une large partie des musulmans, au motif de leurs pratiques religieuses, qu'elles soient réelles ou supposées. La Déclaration des droits de l'homme a beau promettre monts et merveilles, mais quelqu'un a dit que si tous les hommes sont égaux, certains le sont un peu plus que d'autres. Et la réalité veut que chaque être existe en fonction de son ancrage socio-culturel qui déterminera le parcours de toute une vie. Les non-dits post-coloniaux, dont on observe qu'ils sont de plus en plus affichés avec force, pèsent lourdement sur les Français musulmans et, ne serait-ce que pour cette injustice permanente, mieux vaut ne pas exciter la bête immonde, désormais enhardie. 

De Quoi j'me Mêle

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