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Les grands partis balayés au premier tour de la présidentielle

Ouragan politique en Tunisie

Les rumeurs laissent entendre que si Kaïs Saïed est en tête du premier tour, il ne le doit pas à sa campagne électorale insipide et géographiquement limitée mais à un coup de pouce du destin, incarné, une fois de plus, par l’incontournable Ennahdha.

Les Tunisiens se sont réveillés groggy, hier, sous le double effet d’un taux de participation de l’ordre de 45,2% contre 62,9 % au premier tour de la présidentielle de 2014 et d’un résultat présumé totalement inattendu, si l’on en croit les sondages informels donnant un inconnu, Kaïs Saïed, et le patron de Nessma Tv en tête du scrutin, pour le second tour. Au cas où cette tendance viendrait à être confirmée aujourd’hui par les résultats officiels que seule l’ISIE est en droit de communiquer, ce sera bel et bien le chant du cygne pour bon nombre des partis politiques, créés plus ou moins récemment, et dont l’ancrage s’avère tristement dérisoire. Les électeurs tunisiens ont manifesté, c’est le premier enseignement, leur désintérêt vis-à-vis de cette classe politique devenue un genre de club So british, très loin des préoccupations et des attentes d’une société majoritairement rompue par une économie morose et un chômage récalcitrant. Leur absentéisme a de quoi donner des sueurs froides aux porte-paroles de ces formations claquemurées dans leur tour d’ivoire et convaincues d’être seuls les messies des temps nouveaux, huit ans après la révolution du jasmin. Lequel jasmin a eu largement le temps de se faner, illustrant par la même occasion que seul le défunt Béji Caïd Essebsi avait su mobiliser le courant démocrate réformateur pour contenir la déferlante islamiste et donner au peuple l’espoir d’un avenir meilleur.
Depuis, son parti, Nidaa Tounes a explosé face à un ouragan d’ambitions et de faux projets contradictoires, de telle sorte que la déperdition des voix s’est faite au détriment de tous les prophètes autoproclamés comme en témoignent leurs résultats pathétiques face à des candidats beaucoup moins affichés mais jouissant malgré tout d’une certaine assise populaire. Le constat a de quoi faire se retourner Béji Caïd Essebsi dans sa tombe. Pressentant le drame avant l’heure, il avait tenté de sauver les meubles, en prônant la réconciliation de sa famille politique, dans un premier mouvement, puis en tentant de réanimer le deal conclu avec Rached Ghannouchi, en désespoir de cause. Peine perdue, la tragédie était déjà consommée avec la naissance d’un parti baptisé Tahya Tounes dont l’unique programme était de conduire jusqu’à Carthage le chef du gouvernement alors en place, Youssef Chahed, grand rival devant l’éternel de Hafedh Caïd Essebsi.
Ce qui est arrivé à Nidaa Tounes ressemble par beaucoup de traits à la tragédie troyenne et Béji Caïd Essebsi au vieux Priam condamné à observer la fin annoncée de sa dynastie. Dans cette pathétique histoire que les Tunisiens ont écrite, aussi bien par leur vote que par leur abstention, on peut estimer éloquente la leçon du fabuliste sur Les voleurs et l’âne, le butin appartenant parfois à celui qu’on n’attendait guère. Populistes et conservateurs ont-ils vraiment dit leur dernier mot ? Sans doute que oui. Les rumeurs laissent entendre que si Kaïs Saïed est en tête du premier tour, il ne le doit pas à sa campagne électorale insipide et géographiquement limitée mais à un coup de pouce du destin, incarné, une fois de plus, par l’incontournable Ennahdha. Le parti de Rached Ghannouchi, constatant que son candidat Abdelfatah Mourou était largement distancé, au même titre que son « rival » retors Youssef Chahed, la consigne aurait été donnée, samedi et dimanche, malgré la clôture officielle de la campagne, dans toutes les mosquées de Tunis et du pays profond, de propulser le candidat inconnu qu’est Kaïs Saïed dont les idées ne sont pas radicalement hostiles à la doctrine du courant islamiste. Vrai ou faux, ce postulat peut suffire à prédire la suite des évènements, Ghannouchi ayant conclu un pacte en 2014 avec le président défunt Béji Caïd Essebsi et disposant des mêmes armes pour imposer un contrat identique au futur élu pour peu qu’il y consente. Huit ans après les effluves du jasmin, la Tunisie découvre, hébétée, que le conservatisme a recouvert les champs désertifiés de l’espérance démocratique. L’aveu d’échec est certes affligeant mais il est surtout logique parce que prévisible du fait d’un discours faussement populiste et notoirement élitiste. La confiance dans ses auteurs est tarie et la désaffection du plus grand nombre évidente. Le prochain président après Béji Caïd Essebsi ne sera pas, c’est certain, celui de tous les Tunisiens, sans exception. Telle est la grande leçon de cet ouragan politique.

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