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Fethi Benachenhou, Médecin de santé publique, à l'Expression

«Il nous faut un commando anti-Covid-19»

Médecin de santé publique, ardent défenseur du Système national de santé, le docteur Fethi Benachenhou est intransigeant: le déconfinement ne doit obéir ni à des contraintes économiques ni à des injonctions politiques. C'est une opération qui doit découler d'une démarche scientifique et rationnelle.

L'Expression: Docteur vous refusez le qualificatif de «monstre» pour le virus corona estimant qu'il n'est qu'un simple virus.
Dr Fethi Benachenhou: Dire que c'est un monstre c'est faire peur aux citoyens. Le coronavirus nous a étonnés, car il y a une absence totale d'éducation sanitaire qui nous aurait amenés à une culture sanitaire. Si on l'avait fait, on aurait saisi la réalité de ce virus qui vit sur Terre comme les humains. D'autant qu'il a une histoire. C'est un virus bénin comme celui du rhume. Cependant, on a oublié les spécificités terribles, naturelles et effrayantes des virus, à savoir leur transformation ou les mutations quant à leur virulence. Ce virus corona a commencé à devenir «voyou» depuis 2002. A chaque période du pèlerinage, on avait des épisodes parmi les hadji et de fil en aiguille, il est devenu une vraie menace. Ces mutations chez les virus ont leurs propres caractéristiques.
De ce fait, on ne serait pas surpris et dé-sarçonné si on ne confondait pas virus avec bactérie. Cela d'une part, et d'autre part, jusqu'à l'heure actuelle, dans le monde, il n'y a pas de médicament contre les virus.

C'est un combat perdu d'avance alors, puisqu'il n' y a aucune parade...
La seule arme efficace en possession de l'être humain à ce jour, est la prévention par le vaccin pour casser la chaîne de transmission. Il y a des milliers de virus dans la nature, qui peuvent surgir à tout moment.
Je recommande à ce titre un très beau film qui s'appelle «PASTEUR» dédié au scientifique français Louis Pasteur, à l'origine de la découverte du vaccin contre la rage. Le film met en scène un rude débat scientifique entre Pasteur et Koch au sujet de la lutte contre la tuberculose et les premières tentatives de la «vaccine», cela, jusqu'au jour où on a vaincu la rage et la tuberculose. Il serait hautement judicieux que nos chaînes de télévision programment ce film qui est d'une brûlante actualité.

Justement docteur, il y a une vive polémique entre scientifiques au sujet de l'utilisation ou non de la chloroquine...le débat fait rage
En effet, nous assistons au débat scientifique -entre scientifiques- avec des arguments scientifiques rationnels et des contradictions. Hélas, chez nous à l'occasion de cette pandémie, certains n'ont pas trouvé mieux que de qualifier ce débat scientifique de «querelle de chapelles». Piètre réflexion pour le débat scientifique qui a fait et qui fait avancer la recherche. Personnellement, je rêve de ce type de débat entre scientifiques. C'est quoi un vaccin? un vaccin est lié à l'existence d'un système immunitaire. Qu'est-ce qu'un système immunitaire? un système humanitaire est à l'image d'une armée qui protège un territoire contre toute invasion qui cherche à détruire ce territoire.
Une armée forte, bien nourrie, bien formée et bien informée peut se défendre correctement. Dans le cas du système immunitaire, les soldats ce sont les globules blancs qui sont extrêmement spécialisés et qui sont rendus efficaces et opérationnels par une alimentation saine. C'est cette alimentation qui assure un système immunitaire performant. Quel est le rôle du vaccin à ce stade? C'est l'introduction dans le corps de l'agent pathogène, en l'occurrence le virus, qui ne peut pas être détruit par les antibiotiques, ce qu'on appelle un agent inactivé. De ce fait, on donne au système immunitaire une information complète et précise sur l'ennemi qu'il est censé combattre. Il va donc s'adapter pour lutter et détruire cet agent pathogène.
Toute cette préparation est boostée actuellement par la biologie moléculaire, la génétique et la séquence du virus. Il faut saluer ici et reconnaître la grande expérience réussie de lutte contre ces épidémies (notamment la tuberculose et la rougeole) qui faisaient des ravages parmi la population algérienne aux lendemains de l'indépendance, léguées par le colonialisme.
La lutte contre la tuberculose a consisté en ce qu'on appelle l'enquête épidémiologique, qu'on appelle «pompeusement» à l'occasion de ce Covid-19 le «tracing». Or, s'il y a bien un système de santé qui a organisé ces enquêtes épidémiologiques, qui les a pratiquées et a vaincu la tuberculose, il y a 50 ans de cela, c'est le système de santé algérien. C'était sans les millions d'euros et millions de dollars, mais grâce aux instruments institués dès les premières années de l'indépendance. Ces instruments existent toujours, à savoir les DAT (dispensaires anti-tuberculeux) dans chaque quartier grâce à l'Institut national de santé publique (devenu au fil des temps une administration) et grâce aux Semep (Services d'épidémie et de médecine préventive).

Comment a-t-on pu mettre entre parenthèses tout cet arsenal au moment où la pandémie du coronavirus exige plutôt de le renforcer...?
L'enquête épidémiologique doit être faite d'une façon globale et pour chaque cas positif, mettre à contribution les étudiants en médecine, les médecins généralistes, les infirmiers et le personnel des BCH (Bureaux communaux d'hygiène).

Une question qui revient avec insistance notamment à l'approche de l'été: le Covid-19 est-il un virus, est-il transmissible par les moustiques?
Il y a le mode de contamination. à l'heure actuelle, le Covid-19 est de transmission aérienne, d'être humain à être humain, mais les virus nous ont toujours réservé des surprises. Il faut relever qu'il y a une intimité entre le virus (chikungunya, le paludisme) et les moustiques, en rappelant que les virus peuvent muter d'un moment à l'autre de façon inattendue et infecter des moustiques. Le danger réside à ce niveau. Je m'explique: un moustique qui vit dans une région donnée peut, à la faveur du réchauffement climatique progresser dans son environnement géographique, c'est-à-dire changer de milieu. En plus, il ne faut pas oublier le transport aérien. Il est donc urgent de tenir compte de ces possibilités et d'en informer la population. Certaines épidémies qui, récentes, ont défrayé la chronique, sont dues à des virus transportés par des moustiques: paludisme, chikungunya, Zika, etc... Il faut avoir à l'esprit que les virus nous réservent des surprises. Il faut se préparer en conséquence.
Ce phénomène est aggravé par la densité de la population sur une surface réduite, notamment dans les villes. Cela engendre une production de déchets, ce qui favorise la prolifération des moustiques et des rats. L'urine des rats transmet des maladies graves comme la leptospirose.

Alors qu'on se prépare au déconfinement, il semble, selon vos propos qu'on est loin de maîtriser la situation. On court alors le risque d'une vraie catastrophe?
Avant déconfinement, il y a confinement. C'est quoi le confinement? Sachant que le virus est de transmission aérienne, sachant que la transmission est inter-humaine, le confinement sert à éviter les déplacements, la circulation du virus. Mais ce confinement doit être suivi par le dépistage. Parce qu'il y a la notion que nos citoyens ignorent par manque d'informations et d'éducation sanitaire solide: n'oublions jamais les porteurs saints du virus! L'être qui porte le virus ne présente aucun signe clinique, mais il est hypercontaminat. Et c'est là où il faut dépister pour isoler les catégories, ce qui nous amène à dire que le déconfinement est dangereux. Si on ne connaît pas les sujets porteurs sains. On déconfine par contrainte économique, c'est très dangereux. On court le risque d'une vraie catastrophe.

Que faut-il faire? Apprendre à vivre avec le virus? Attendre le vaccin qui ne vient pas?
Il y a des dizaines de recherches qui ont été entamées, mais il ne faut rien attendre du vaccin, qui n'arrivera pas avant 18 mois. Le meilleur des messages à diffuser et à porter à la connaissance de l'opinion nationale et internationale, c'est de se préparer à vivre avec le virus corona qui réserve, chaque jour, des surprises. Vivre avec lui, c'est de dépister le plus grand nombre de citoyens, garder en tête l'intérêt du confinement, l'expliquer, le diffuser avec des mots simples. On doit utiliser convenablement les équipes thérapeutiques des unités sanitaires de base: polycliniques, centres de santé et réfléchir en urgence à l'implication effective sur le terrain de SEMEP et des BCH, afin de former des commandos de lutte anti-Covid opérationnels sur le front. Et bien évidemment appliquer les gestes barrières avec des masques adaptés (pas de nylon), répéter inlassablement que le lavage des mains est la règle des règles à appliquer quotidiennement. Enfin, il y a cette distanciation sociale qui ne peut être obtenue que si on se déleste de son aspect «ordre à exécuter», mais en communiquant d'une façon répétitive le mode de transmission du virus d'une personne à l'autre par gouttelettes de salive. Il faut en finir avec la litanie des chiffres, qui semble être inefficace. Par ailleurs, les pouvoirs publics doivent désormais réfléchir aux programmes de construction de logements qui doivent tenir compte des éventuelles épidémies favorisées par la promiscuité et son corollaire d' une politique de planification familiale.

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