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Le docteur Ahmed Bensaâda à L'Expression

«Il y a une caste qui dirige ce Hirak»

Le docteur Ahmed Bensaâda entame le débat sur son livre-enquête «Qui sont ces ténors autoproclamés du Hirak algérien?». Il a accordé à L'Expression l'exclusivité de cette interview qui vient à point nommé. Il se dit prêt à débattre et à rencontrer les concernés par son travail d'enquête et développer le débat autour du thème de financement étranger. Bensaâda répond à ceux qui l'ont invectivé en soulignant que «des méthodes dignes de la Stasi dont certains contradicteurs sont familiers vu leur cheminement politico-idéologique», note-t-il.
Il revient aussi sur la question des financements étrangers et apporte davantage d'éclairages sur cette question sensible et dangereuse à la fois.

L'Expression: Votre livre «Qui sont ces ténors autoproclamés du Hirak algérien?» a provoqué des réactions multiples et contradictoires à la fois. Quelle est votre appréhension au regard de ces réactions en général?
Docteur Ahmed Bensaada: On devrait se féliciter qu'un livre suscite autant de discussions et de réactions sur la blogosphère, dans un pays où la lecture est le parent pauvre de la culture. Cependant, la majorité des réactions négatives a émané de personnes au verbe haut, mais qui n'ont jamais lu le livre. Elles se sont cabrées dans une position d'attaque en raison du titre de l'ouvrage ou des circonstances de son lancement. Pas une seule fois, le contenu du livre n'a été critiqué ni analysé. Aucune information y figurant n'a été démentie. Les attaques n'ont pas visé le livre, mais l'auteur du livre, cherchant à le discréditer. Des méthodes dignes de la Stasi dont certains contradicteurs sont familiers vu leur cheminement politico-idéologique.
La grande majorité des attaques a été ad personam, disputant l'insulte à l'invective, l'inquisition à la propagande, voire la scatologie à l'obscénité. Ce qui en dit long sur l'honnêteté intellectuelle de ces mêmes personnes qui se targuent de «protéger» le Hirak et d'en être les défenseurs. Ceux-là mêmes qui prétendent exiger un respect de la liberté d'expression et des droits humains dans l'Algérie de demain.
Le Hirak devrait se poser de sérieuses questions sur cette engeance de «protecteurs» qui donnent une image tellement dégradante de ce noble sursaut populaire dont l'essence est le nettoyage de la nation des usurpateurs de tous genres.
D'autre part, il ne faut pas aussi oublier qu'un très grand nombre de médias ont volontairement décidé de ne pas parler de mon livre malgré le tumulte qui l'a accompagné pour des raisons qu'il faudrait éclaircir. Veulent-ils protéger des personnes, entretenir le copinage ou éviter le débat public proposé par mon livre? Il va sans dire que ce comportement est aussi répréhensible que le premier.
L'Algérie nouvelle ne peut bâtir une réelle démocratie qu'avec un système médiatique performant, professionnel et nationaliste. Ce que l'on voit actuellement est aux antipodes de ce que l'on espère. Un sacré labeur nous attend.

Vous avez consacré votre recherche/enquête sur les nébuleuses aux accointances prouvées avec les organismes made in America. S'agit-il d'un complot ourdi contre les intérêts de l'Etat algérien?
Il ne s'agit pas d'un «complot ourdi» spécifiquement contre l'Algérie, mais d'une politique régionale de déstabilisation et de «regime change» touchant certains pays ciblés de la région MENA (Middle East and North Africa). Les recherches montrent clairement que ce sont les mêmes organisations d'exportation de la démocratie qui ont été (et sont encore) à l'oeuvre dans toute la région. Des activistes et cyberactivistes ont été formés dans les mêmes endroits, par les mêmes formateurs et financés par les mêmes organismes. Comme reconnu par de célèbres jeunes dissidents de la région, les cyberactivistes arabes se connaissent entre eux car ils sont réseautés. Le journaliste Pierre Boisselet les a même baptisés «la ligue arabe du Net».
Néanmoins, chaque pays a ses spécificités. Comme par hasard, les monarchies arabes n'ont pas été inquiétées comme si ces pays étaient des paradis de la démocratie. Pis encore, lorsqu'un embryon d'émeutes a éclos au Bahreïn, l'ordre a été rétabli manu militari sans que les droits-de-l'hommistes américains et européens ne s'en soient offusqués.
Ceci dit, l'Algérie est certainement le pays le plus convoité parmi ceux qui ont été ciblés dans la région. Ses positions politiques fermes et souveraines, son appartenance au «front du refus», l'immensité de son territoire, son emplacement géostratégique et les gigantesques richesses de son sous-sol en font une cible de choix pour la déstabilisation et la mise au pas.
Déjà en 2011, toutes les télés occidentales étaient venues à Alger pour assister à la «printanisation» de notre pays, mais en vain. Et depuis le début du Hirak, nous assistons à une mise en valeur, par les médias occidentaux, d'un discours de confrontation mené par des ONG algériennes, largement financées par les organismes d'exportation de la démocratie.
Cela ne veut en aucun cas dire qu'il n'y a pas de problèmes en Algérie. Mais il y a une différence entre régler les problèmes de notre pays et y créer le chaos. L'État-nation doit être préservé et nos divergences doivent être débattues autour d'une seule et même table.

Les documents publiés dans le livre font ressortir des noms de personnes qui se targuent d'être la locomotive du Mouvement populaire. Sachant et selon votre enquête qu'elles sont en rapport direct avec les organismes dont la mission consiste à mettre en branle leur plan «régime change». Quels sont les dangers et les menaces que représentent ces officines?
Lorsque des individus ou des organismes reçoivent du financement ou des formations dans un but éminemment politique, ils doivent se poser plusieurs questions. Est-ce que ce financement relève de la pure philanthropie? Est-ce que le but recherché sert leur pays ou celui qui les a financés? Après l'atteinte du but recherché, leur pays sera-t-il souverain ou sous influence?
Sachant que dans les relations internationales il n'y a pas d'amis, mais que des intérêts, il est facile de répondre à ces questions. L'étude des révolutions colorées et du «printemps» arabe montre que dans le meilleur des cas, les pays ciblés demeurent tributaires d'une large influence étrangère avec comme corollaires l'ouverture néolibérale des marchés (Open Society), l'ONGisation de la société et la perte de souveraineté politique, sociale et économique. Dans le cas extrême, les pays en question sont détruits, des guerres fratricides sont fomentées et le chaos est créé et maintenu afin qu'aucune solution ne voit le jour, des années durant. Les cas de la Libye, de la Syrie ou du Yémen sont toujours là pour nous servir d'exemples pédagogiques.

Votre travail a secoué les porte-voix de la «printanisation» de chez nous. Seule réaction de leur part, l'invective et l'insulte. Peut-on dire qu'ils ont effectué une fuite en avant pour biaiser le vrai débat quant à leur implication avérée dans cette stratégie diabolique?
Mon livre n'a pas été écrit pour accuser telle ou telle personne. Il cherche plutôt à démonter un système, preuves à l'appui. Il contient des faits référencés qui peuvent servir de débat sur l'ingérence étrangère dans une révolte non violente comme c'est le cas pour le Hirak. D'ailleurs, d'autres débats peuvent être conduits comme, par exemple, celui du rôle de l'islamisme politique ou des mouvements séparatistes et identitaires dans ce phénomène social.
Quelle ne fût ma surprise de voir que de débat, il n'y en avait point, et que les seules voix entendues étaient celles de la calomnie, de l'insulte et les quolibets. Le point Godwin a été atteint avant même que commence la discussion!
Lorsqu'on fait usage de tels propos, cela prouve qu'on n'a aucun argument solide et qu'on refuse le vrai débat, celui du sujet du livre. C'est la stratégie du poulpe qui projette un nuage d'encre pour mieux masquer sa fuite.

Votre livre a eu le mérite de dévoiler le caractère dictatorial d'une «caste» qui veut se proposer comme une force unidirectionnelle dans le but de squatter l'élan du 22 février 2019 et le dévier de sa trajectoire initiale. Ne pensez-vous pas que cette démarche a été préconçue et préparée dans les laboratoires des promoteurs de «régime change»?
Bien que l'on crie sur tous les toits que le Hirak ne possède aucun leader, un petit groupe de personnes est très visible dans l'espace public et médiatique. Il est surprenant de constater cependant que ce sont elles qui décident quelle direction doit prendre le Hirak, s'il doit reprendre ou non.
Ces personnes sont régulièrement invitées dans différents plateaux de télévision, elles sont sollicitées par la presse locale et surtout étrangère et leurs images sont médiatiquement très bien soignées.
Mon livre est venu égratigner cette image et réveiller les esprits endormis dans un unanimisme béat.
Il est clair que le Hirak a pris racine dans les problèmes profonds de la société algérienne, à savoir le manque de démocratie, la corruption, la hogra, le favoritisme et autres maux sociaux. Cependant, la stratégie de financement, de formation et de réseautage d'activistes dont il a été question auparavant est spécialement conçue pour donner le tempo requis aux révoltes non violentes, non seulement dans l'espace réel, mais aussi dans le cyberespace.
Exception faite de quelques cas, cette stratégie.mène inévitablement au «régime change», avec ou sans destruction du pays.

MM. Bouchachi et Addi et Mme Zoubida Assoul ont préféré ne pas répondre sur ce qui est établi comme document irréfragable les concernant. L'un d'eux s'est permis l'insulte en vous qualifiant de «doubab», allusion faite à Lahouari Addi. Que dites-vous de ses réactions qui sortent du cadre du respect et de la probité intellectuelle?
L'invective est le degré zéro du débat d'idées. C'est l'arme des faibles, ceux qui sont dépourvus d'une argumentation solide et qui veulent fuir la discussion. Ceux qui se donnent un style grandiloquent dans les assemblées savantes ou mondaines et qui retrouvent vite un langage ordurier dès qu'ils se sentent coincés dans une situation peu confortable.
Mais lorsque cela vient d'un enseignant universitaire renommé, habitué à débattre de sujets très polémiques, cela devient inquiétant. Car quelle image donne-t-il à tous ces jeunes qui sont le coeur battant du Hirak? Quelle liberté d'expression prône-t-il pour cette Algérie nouvelle dont il prétend être le chantre? Celle des injures et des noms d'insectes?
Il n'y a que les échanges apaisés et respectueux des personnes et des idées qui peuvent garantir des débats féconds.

Êtes-vous prêt à entamer un débat officiel en tête à tête avec ces noms cités dans votre enquête pour tirer les choses au clair à propos de votre position à l'égard du Hirak et par rapport à ce que vous venez de citer comme documents à leur propos?
Cela va de soi, bien évidemment. Je suis disponible pour en débattre avec toute personne intéressée. D'autant plus que cela sera, à mon avis, très bénéfique pour nos concitoyens qui pourront juger des tenants et des aboutissants de cette grave problématique du financement étranger.
Mais, bien sûr, les invectives doivent impérativement rester dans les vestiaires et y demeurer.

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