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Abdelmadjid Attar, ministre de l'Energie, à L'Expression

«L’Algérie a maintenu la cohésion de l’Opep»

Le ministre de l'Energie revient dans l'entretien qu'il nous a accordé, sur la situation du marché pétrolier mondial et les ambitions de l'Algérie en matière de diversification de ses ressources énergétiques.

L'Expression: Quelle appréciation faites-vous des résultats obtenus par la dernière réunion de l'Opep+?
Abdelmadjid Attar: C'est le résultat qui compte et il est excellent, même si les tractations ont duré plus que prévu. Nous sommes parvenus à un consensus dont le contenu dépasse notre proposition faite dès l'ouverture de la réunion, à savoir surseoir à toute augmentation de production en février et mars 2021 pour maintenir le marché au niveau actuel. Une contre-proposition a été faite par l'Arabie saoudite pour permettre à deux pays, à savoir la Russie et le Kazakstan, qui avaient besoin d'une production supplémentaire pour les besoins de leur consommation intérieure et non pour l'exportation, soit respectivement de 65 000 et 10 000 barils/jour en février et mars.
Elle a été acceptée par tous les membres en contrepartie du maintien des autres niveaux de production des pays membres de l'Opep+, de la poursuite des compensations par les pays concernés, et surtout l'engagement de l'Arabie saoudite de compenser largement et de façon volontaire les 75 000 barils accordés aux deux pays.
C'est ainsi qu'au cours de la conférence de presse qui a suivi, l'Arabie saoudite a annoncé une réduction volontaire d'un million de barils par jour. Le résultat a été immédiat puisque le baril est en train de dépasser tous nos espoirs. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à l'Arabie saoudite pour cette décision historique qui conforte le marché pétrolier.

L'Algérie a présidé aux destinées de l'Opep durant cette année 2020. Pouvez-vous nous faire le bilan de cette présidence?
Le bilan est vraiment honorable puisque nous avons, aussi bien mon prédécesseur que moi-même, réussi à maintenir une cohésion parfaite au sein de l'Opep, surtout après la fameuse guerre des prix du mois d'avril 2020. Nos propositions, grâce à l'excellente relation avec l'ensemble des pays membres, ont toujours été bien accueillies et partagées dans l'intérêt général, même quand il fallait parfois user de diplomatie dans les négociations. Je rappelle que dans la même année, l'Algérie a aussi présidé trois autres organisations, celles des pays arabes exportateurs de pétrole (Opaep), des pays africains producteurs de pétrole (Appo), et le Forum des pays producteurs de gaz (Gecf). Toutes leurs réunions ont eu lieu dans de bonnes conditions, mais par visioconférence à cause de la pandémie.

Quel est l'état du marché pétrolier mondial?
En continuité avec toutes les décisions prises par l'Opep+ au cours de 2020 et surtout suite à celles de la réunion du 4 et 5 janvier 2021, je peux vous assurer que jusqu'à maintenant la bataille de la stabilité du marché est gagnée, avec un prix qui s'est relevé progressivement au cours des mois passés pour atteindre maintenant plus de 53 dollars. Si tout se passe bien et si aucun paramètre exogène ne survient, il va se maintenir au-dessus de ce niveau au courant du premier semestre 2021. Il faut cependant, rester prudent car la reprise de la consommation et par conséquent celle de la demande mondiale va continuer à dépendre essentiellement de la durée et du succès de la vaccination contre la Covid-19, et non du vaccin lui-même dont il existe maintenant plusieurs types.

D'importants investissements doivent être réalisés dans l'amont pétrolier et gazier pour maintenir le niveau de production actuel. Quelle est la stratégie adoptée par votre ministère pour être au niveau de ces investissements?
Notre stratégie est très simple et elle consiste à accélérer la mise en oeuvre de la nouvelle loi pétrolière par la publication des 38 décrets d'application dont 32 parmi les plus importants sont déjà prêts et en attente d'approbation par le gouvernement. Les six autres décrets seront prêts dans quelques semaines. Mais ceci ne nous a pas empêchés de préparer à l'avance les conditions et le contenu d'un prochain appel d'offres dès que tous ces textes seront publiés. L'objectif est de promouvoir le partenariat dans les activités amont (exploration & production) et diminuer le poids sur Sonatrach. Le deuxième axe consiste à soutenir les efforts de Sonatrach pour qu'elle se concentre de plus en plus sur ses métiers de base, et dont l'amont en est le coeur vital. Plus d'une centaine de petites découvertes, parfois non commerciales, réalisées par Sonatrach seule ou avec quelques partenaires depuis plusieurs années, sont en attente de développement, faute de moyens financiers ou de techniques adaptées. Elles peuvent contribuer à une augmentation des capacités de production pour peu qu'on puisse mettre en place les conditions adaptées à leurs caractéristiques, pour leur développement en partenariat surtout, au lieu d'alourdir le poids sur Sonatrach qui devrait se concentrer sur les gisements qu'elle opère déjà et où il y a souvent du retard en matière de mise à niveau des techniques de production et de récupération.
Un autre axe aussi important en plus des activités en amont, fera bientôt l'objet de nos préoccupations majeures, à savoir le rattrapage du retard en matière de valorisation des productions à travers la pétrochimie, y compris le raffinage pour réduire les importations de carburants.

Sonatrach a conclu avec l'italienne ENI un programme de dotation des champs de production d'hydrocarbures en centrales électriques solaires. Où en est le dossier?
Le programme de solarisation des infrastructures de Sonatrach au Sud a démarré depuis plusieurs années avec un objectif de 1 300 MW à atteindre d'ici 2030. C'est une excellente initiative dont la première centrale de 10 MW est déjà opérationnelle en partenariat avec l'ENI dans le bassin de Berkine. Cette expérience est prévue pour être renouvelée avec deux autres projets de 10 MW chacun, toujours avec l'ENI. Mais il faut signaler que d'autres projets identiques sont aussi en cours avec d'autres partenaires comme Total. Enfin, il faut savoir que Sonatrach a pratiquement généralisé l'utilisation de l'énergie solaire au niveau de la plupart des gisements, en équipant notamment les installations de surveillance des puits par des panneaux photovoltaïques.

En tant qu'expert, vous défendiez le développement des énergies renouvelables et le principe d'une loi sur les énergies, au lieu d'une loi sur les hydrocarbures. Avez-vous lancé une réflexion dans ce sens au sein de votre ministère?
Là, vous abordez deux volets certes différents, mais qui sont complémentaires, et je dois vous préciser quelque peu ma conception à ce sujet, et qui date déjà de plusieurs années croyez-moi. Evidemment tout ce que je vais expliquer demeure une opinion très personnelle.
Je suis entièrement d'accord avec vous en ce qui concerne les énergies renouvelables, que j'ai toujours défendues pour la simple raison que l'avenir énergétique non seulement de notre pays mais aussi du monde entier repose là-dessus à long terme. Nous avons cumulé beaucoup de retard par absence de stratégie claire et de vision à long terme, mais il n'est pas trop tard, surtout que le gouvernement actuel comprend, aujourd'hui, un ministère dédié uniquement à ce domaine. Il faut se mettre au travail maintenant et accélérer la cadence des réalisations. La ressource est gratuite (Soleil en particulier) et il faut simplement choisir la bonne technologie et mettre en place les investissements à réaliser. Mais ce n'est pas suffisant, et on finira par s'en rendre compte dans quelques années en matière d'organisation surtout, ce que je vais expliquer plus loin.
Pour ce qui est d'une loi sur les énergies, j'aurais souhaité qu'il y ait effectivement une sorte de loi à ce sujet qui définirait un peu à long et très long terme les besoins du pays, le modèle de consommation énergétique, l'état et la nature des ressources, leur usage possible ou non, et en quelque sorte les bases d'une stratégie en matière de transition énergétique. C'est ce que font beaucoup de pays parce que le monde est en train de changer très rapidement depuis plus d'une décennie, et encore plus rapidement depuis une année, particulièrement en matière d'énergie. Là aussi, nous avons un nouveau ministère de la Transition énergétique et des Energies renouvelables dont la mission est d'aborder tous ces défis sur la base d'une vision à long terme.
Pour ce qui est de la loi sur les hydrocarbures, j'ai l'impression que vous avez dû retenir le fait que j'étais opposé à son élaboration bien avant 2019. Effectivement, j'y étais opposé pour deux raisons, et en partant d'un concept et d'une vision à très long terme que je résume ainsi:
Depuis de nombreuses décennies, actuellement, et probablement pour plusieurs années encore, le secteur des hydrocarbures considère le secteur de l'énergie (Electricité et distribution de gaz) comme un «client encombrant» pour des raisons de monopole sur le marché intérieur, et de prix par rapport au marché extérieur. Mais à mon avis, si on tient compte des mutations en cours à travers le monde, en ayant un regard sur le très long terme, c'est le secteur de l'énergie (Electricité et distribution de gaz) qui finira par considérer dans deux ou trois décennies le secteur des hydrocarbures comme un fournisseur d'appoint seulement en matière de ressources énergétiques.
C'est donc sur la base de cette vision à long terme que je considérais qu'il fallait en premier une loi sur l'énergie et la transition énergétique, y compris bien sûr les énergies renouvelables, précédée par un état des lieux le plus large au point de vue énergétique (besoins, usages, ressources, obligations environnementales, etc...) en tenant compte des mutations en cours et prévisibles à travers le monde, surtout au point de vue technologique.
Et c'est en second lieu qu'il fallait établir une loi sur les hydrocarbures, ressources non renouvelables, qui doit s'inspirer de la loi sur l'énergie et la transition énergétique, les deux devant être complémentaires, avec une vision à très long terme, dans le respect du concept que j'ai expliqué plus haut.
Les choses ne se sont passées comme je l'aurais souhaité personnellement, mais cela ne signifie pas non plus que j'avais nécessairement raison, sans compter que je n'étais pas responsable des éventuelles urgences du moment. La loi sur les hydrocarbures a été approuvée par le gouvernement, et je suis responsable maintenant d'un secteur qui doit la mettre en application. Nous nous attelons à le faire le plus rapidement possible, dans l'intérêt du pays, y compris en rattrapant certaines incohérences à travers les
décrets d'application, et bien sûr en collaborant totalement avec le ou les secteurs qui ont pris en charge les volets «Transition et Energies renouvelables». Nous devrions d'ailleurs reprendre aussi la loi sur l'électricité qui date depuis 20 ans, et n'a jamais pu être appliquée comme il faut, et est devenue obsolète à l'heure actuelle. Elle permettra alors, je l'espère, de mieux préparer le futur énergétique du pays.

Quels sont vos rapports avec le ministère de la Transition énergétique?
Très franchement, elles sont excellentes, mais tendues en même temps. Pas, parce qu'il y aurait une quelconque divergence qui n'existe pas d'ailleurs, mais parce que tout en ayant le même objectif qui consiste à assurer la sécurité énergétique à long terme, nous avons tellement de chantiers à «rattraper», à lancer chacun de son côté ou ensemble, parce qu'ils sont obligatoirement complémentaires, qu'il nous arrive d'opter pour des priorités contradictoires. Mais soyez rassuré, l'intérêt du pays prime et nous mène toujours vers la bonne voie et le même objectif. Il suffit simplement de se dire constamment: «Est-ce qu'il n'y a pas mieux à faire, et oser le faire»?

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