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Abderrahmane Benkhalfa, envoyé spécial de l'Union Africaine, à L'Expression

«La crise a trois coûts»

Revenant sur la situation économique et financière du pays, Abderrahmane Benkhalfa, ex-ministre des Finances et envoyé spécial de l'Union africaine, met en avant, dans cet entretien, les effets de la crise sanitaire sur l'économie nationale et décline les axes prioritaires et les meures urgentes à prendre pour assurer une relance efficiente.

L'Expression: Comment évaluez-vous la situation économique et financière du pays, à l'ombre de la crise sanitaire?

Abderrahmane Benkhalfa: Nous avons eu une année 2020 difficile à cause du Covid, mais le problème est également le fait que l'année 2019 a été très rude. Nous avons un cumul de difficultés, et ce sont les fondamentaux de l'économie nationale, dont le potentiel réside dans les secteurs de l'énergie et de l'agriculture qui nous mettent à l'abri de situations plus difficiles. Donc il y a une résilience de l'économie à partir de son potentiel énergétique et de son potentiel agricole, à l'inverse du secteur de l'industrie et des services qui n'ont pas eu les performances souhaitées. Ce qui fait que nous avons une situation maintenant complexe en 2020 avec le secteur des services qui reçoit frontalement les conséquences négatives du Covid, alors que le secteur de l'industrie commence à s'acclimater aux nouvelles conditions, à savoir le télétravail, la distanciation physique. Mais qui est, par ailleurs, un peu perturbé par les changements de règles, notamment dans l'industrie de montage. Le plus tôt ces règles seront stabilisées, mieux ça vaut. Il faut espérer que l'encadrement important des importations ne gênera pas l'industrie qui repose sur un volume important d'inputs importés. Par ailleurs, nos fondamentaux continuent à se maintenir avec un prix du baril référentiel à
40 dollars, et une prévision de recettes des hydrocarbures, à hauteur de 25 milliards de dollars par an, par rapport à des années ou avions eu près de 50 milliards de dollars. Celles-ci viendront s'ajouter au stock estimé à 50 milliards de dollars, soit près de 14 mois de couverture de nos importations.

Est-ce à dire que nous avons les capacités de résister à la crise jusqu'au réamorçage de l'économie nationale?
Il faut savoir que nous sommes face à trois coûts de la crise. À savoir le coût Covid qui sera encore plus important en 2021 si nous ajoutons le coût du vaccin, un coût de sauvetage de l'économie à travers les aides et le soutien de l'Etat aux travailleurs et aux entreprises, et un coût du redémarrage de l'économie, qui impose un niveau de budget insoutenable. Il faut savoir que le budget de fonctionnement surdimensionné, soit plus de 5000 milliards dinars en pleine crise sanitaire, est très difficile à couvrir. Auquel s'ajoute une facture de subventions qui a augmenté en plein déficit budgétaire, passant de 1700 milliards de dinars à 1900 milliards de dinars en 2020.

Devant cette situation complexe, les réformes qui tardent à venir sont-elles porteuses d'une amélioration de la situation?
Nous avons un triple challenge en 2021, à savoir, en premier lieu, continuer la gestion de la crise sanitaire qui est bonne dans notre pays, et qui repose sur le gradualisme du confinement, sans empêcher l'ouverture de l'économie. En second lieu veiller à ce que les secteurs de l'industrie et des services redémarrent. Pour ce faire il faut travailler en 2021 à ne pas mettre l'économie entre parenthèses.
Et enfin, il faut aller aux réformes prioritaires, qui s'articulent sur trois grands dossiers, en l'occurrence la réforme du système de subventions en vue de diminuer le coût des 2000 milliards de dinars et entamer un système de ciblage. Parallèlement, il faut engager la réforme du secteur bancaire et financier, en poursuivant l'inclusion bancaire pour mobiliser les liquidités qui sont hors banques et réformer de façon forte le régime de change et rénover la gouvernance des banques. Il ne faut pas que le Covid touche de façon frontale le secteur bancaire. Et enfin il y a lieu de stabiliser les règles de l'investissement et de l'activité industrielle et de travailler sur l'ouverture du marché financier, qui nécessite la mise en place d'un 2e emprunt obligataire.

Pensez-vous que l'ouverture du capital des banques publiques contribuerait à redresser la situation?
Mais il faut savoir qu'il est nécessaire, dans le cas des banques publiques, que la réforme bancaire doive comprendre l'assainissement des portefeuilles des banques et aller vers la création d'une institution qui prendra en charge les créances qui ne sont pas performantes. Par ailleurs, je suis pour l'ouverture du capital des banques publiques, mais pas seulement, il faut aller vers l'ouverture du capital des grandes entreprises publiques et privées. Il' s'agit de mettre un paquet d entreprises crédibles de grandes tailles en Bourse et stimuler à la fois les grandes entreprises fiscalement et les porteurs afin que le marché
financier redémarre en créant les sociétés à capital «risque», les courtiers en Bourse, et les fonds d'investissement, de façon à ne pas laisser l'économie peser uniquement sur les banques.

Quelle lecture faites-vous sur le contenu de la loi de finances 2021?
La loi de finances 2021 est une loi de finances de sauvegarde. Dans la mesure où il y a un budget d'équipement qui est sauvegardé en dépit du déficit budgétaire, une sauvegarde des entreprises, du pouvoir d'achat avec l'augmentation des transferts sociaux, en même temps nous avons un niveau dépensier insoutenable. Donc la loi de finances 2021 permet de maintenir le fonctionnement de l'économie un niveau minimal, de sauvegarder le pouvoir d'achat de millions d'Algériens, d'affronter le coût du Covid, mais il est impératif d'aller en 2021 vers les financements alternatifs.

À ce titre pensez-vous que l'Algérie sera contrainte de recourir à la planche à billets et ou à l'endettement extérieur?
Je pense qu'il faut aller vers des emprunts extérieurs concessionnels. C'est-à-dire des emprunts qui ne viennent pas des institutions multilatérales, tels que les emprunts commerciaux. Par ailleurs, il faut espérer que la loi de finances qui, pour l'instant, ne stimule que les start-up et les petites entreprises, renforce son soutien aux grandes entreprises. Car se sont-elles qui font la croissance, et qui seront au premier front, après la crise sanitaire pour se substituer aux importations. Il y a un regard surdimensionné envers les petites entreprises, alors que seules elles ne sont pas viables. Il est temps d'ajuster cette vision aux grandes entreprises qui sont la colonne vertébrale d'un tissu entrepreneurial.
Il faut fortifier notre système entrepreneurial, remodeler notre système de financement, mobiliser les ressources externes ou concessionnelles, ou les investissements directs étrangers qui nécessitent un travail établi sur G-1 an. Pour ce faire, il y ‘a lieu de diminuer le traitement monétaire des problèmes fondamentaux de l'économie, rentrer dans la restructuration des secteurs bancaires, entamer les réformes de fonds et les reformes prioritaires, stabiliser les règles de l'investissement et du change, mettre l'économie, en dépit du Covid, sur un nouveau démarrage, une nouvelle perspective en 2021, même en étant sous confinement.

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