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Maître Fatma-Zohra Ben Braham à L'Expression

«Le chantier de la Constitution est toujours ouvert»

Dans l'entretien qu'elle nous a accordé, Maître Fatma-Zohra Ben Brahem évoque la révision de la Constitution et apporte son point de vue sur le chantier présidentiel...

L'Expression: Le président de la République avait évoqué, lors d'un entretien accordé à la chaîne de télévision France 24, la possibilité d'organiser un référendum sur une nouvelle Constitution au mois de septembre ou octobre. Qu'avez-vous à dire à ce propos?
Fatma Zohra Ben Braham: Le référendum est obligatoire. La mouture de l'avant-projet de Constitution doit passer par la voie référendaire. Elle va d'abord être discutée au niveau de l'Assemblée populaire nationale, mais compte tenu de son importance, il est impératif qu'elle soit soumise à l'adoption du peuple. Les Algériens voteront directement, «oui» ou «non».

Presque 2000 propositions émanant de partis, d'associations, de personnalités de divers horizons, d'académiciens et de citoyens ont été formulées, pour enrichir la mouture de l'avant-projet de révision de la Constitution. Cela suffit-il à considérer que le débat ait pu être fructueux?
Tout d'abord, je pense que le débat ne fait que commencer. Parce que ce sont les premières propositions. Ensuite, je souligne que le chef de l'Etat avait évoqué la possibilité d'ajouter d'autres personnes au comité.
Je pense que les propositions précitées ne sont pas et ne peuvent pas être les seuls axes de réflexion dans le pays. Il y a d'autres réflexions qui n'ont pas été transmises et qui attendent le moment opportun pour l'être. Le débat reste ouvert tant que l'affaire n'est pas évoquée devant les deux chambres et tant qu'elle n'a pas été discutée par les représentants du peuple.
Ces derniers sont des gens qui sont spécialisés pour le faire. Nous avons encore le temps de transmettre et de porter nos réflexions à la connaissance du citoyen. Je souligne aussi que les propositions ont été envoyées par les personnes qui ont été invitées à donner leurs avis.
Mais doit-on considérer que dans cette Algérie, il n'existe que 2000 axes de réflexion sur 44 millions d'Algériens? Je trouve que c'est très pauvre et peut-être que les grandes figures de réflexion on ne leur a pas donné la parole, on ne leur a pas donné la mouture, ils ne la connaissent pas. Ils ne l'ont pas lue et donc, ils n'ont pas pu émettre leurs avis. Ces derniers ont encore le temps de le faire.

Pouvez-vous nous dire un mot sur les points qui, selon vous, n'ont pas été relevés par l'opinion publique et les médias nationaux, que vous jugez importants?
Je vais vous dire d'abord ce que je pense déjà du préambule. Je crois que ceux qui ont rédigé cette Constitution l'ont déjà mise en prison, ils l'ont déjà muselée et ils ont mis l'Algérie dans une situation extrêmement grave. Le terme «guerre de libération» apparaît dans le préambule. Il vient indirectement couvrir les crimes de la France.
Savez-vous la conséquence qui nous attend? Cela veut dire en droit que nous allons fermer la porte devant toutes les revendications que nous voudrions faire à la France!
Il n'y a jamais eu de guerre d'Algérie. Il y a eu un soulèvement et un Mouvement populaire d'indépendantistes, en vue de l'indépendance de notre pays. Les Algériens en Algérie, sous domination française n'avaient pas de nation. Donc l'Etat algérien et la nation algérienne n'existaient pas politiquement. Nous étions attachés, colonisés et sous tutelle de l'Armée française. Nous étions «des rebelles», «des fellagas» et «des hors-la- loi.» Voilà comment était l'image politique des Algériens aux yeux de l'Etat français. Une forme de négation du peuple et de la nation. C'est ce qu'on appelle, «le négationnisme.» Je précise que nous n'étions pas en guerre contre la France, parce que nous n'avions pas une armée, nous n'avions pas une nation, nous n'avions pas un Etat. Il y avait une Armée française et un Etat français, contre des populations civiles qui s'étaient organisées avec les moyens qu'elles avaient en forces de révolution populaire en vue de l'obtention de l'Indépendance algérienne.
Politiquement, socialement et juridiquement, on était dans une situation de défense contre un pays qui nous avait «annexés et agressés.»
Il faut répondre d'abord à la question suivante. À partir de quand la France a admis le vocable de guerre d'Algérie? Cette loi a été votée en 1999 en France. Il y avait une loi qui disait qu'on ne parle plus d'événements d'Algérie, mais de Guerre d'Algérie. Ils ont été extrêmement intelligents. Ils sont libres de faire ce qu'ils veulent chez eux, mais nous sommes aussi libres de répondre à cela. Ils ont produit ce texte parce que le 17 juillet 1998, allait intervenir un autre texte fondamental qui est un texte relatif à la création de la Cour pénale internationale et de la notion de la consécration de crimes contre l'humanité, et dans ce texte tous les crimes qu'avait commis la France en Algérie sont des crimes contre l'humanité. À cette qualification, il y a eu la notion d'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité. Donc pour éviter de tomber dans cette situation d'infraction ils ont détourné la loi pour ne pas reconnaître les événements d'Algérie, et la qualification de «criminelle.»
Demain si on garde le terme «guerre de libération» devant une juridiction internationale, lorsque quelqu'un va prendre le dossier de la torture ou des explosions atomiques et autres crimes commis pendant la période coloniale, l'affaire sera «rejetée» en la forme, sous prétexte que notre supra-loi reconnaît que nous étions en guerre. Donc nous ne pourrons pas poursuivre la France. Et puis, l'introduction du terme «guerre d'Algérie» est l'une des lacunes et manquements du préambule!

Que pensez-vous des deux points qui ont fait le plus débat, à savoir la création d'un poste de vice-président et la constitutionnalisation de la possibilité de l'intervention de l'Armée nationale populaire en dehors des frontières du pays?
Pour ce qui est du poste de vice-président, ce dernier va s'occuper des questions protocolaires que le chef de l'Etat ne pourrait prendre en charge. Mais ce qui est dangereux, c'est que le président de la République a été élu par le peuple au suffrage direct. Dans ce cas, celui que le président a choisi posera un problème de légitimité. Sinon, si on veut le garder, ce dernier devra s'arrêter le jour où s'arrête la mission du président. Donc on revient sur l'ancien schéma.
Concernant la constitutionnalisation de la possibilité de l'envoi de troupes armées hors des frontières du pays, je pense que c'est une nouvelle mission de notre armée classée comme l'une des plus puissantes du monde. Il faut bien qu'on défende avec un maximum d'efficacité nos frontières.

Le Comité d'experts chargé de formuler des propositions pour une révision constitutionnelle a entamé l'examen des amendements proposés à la mouture de l'avant-projet de révision de la Constitution. Sur quelles bases devrait se faire cette démarche?
Le terme expert est, à mon sens inapproprié. Car, la qualification d'expert demeure une haute qualité que la compétence donne. Hors, ceux qui ont fait les textes de la mouture sont des théoriciens du droit. Ils sont là pour imaginer la loi, contrairement aux praticiens de droit qui sont aptes à la décortiquer.
D'abord je voudrai mentionner qu'il ne s'agit pas d'un groupe d'experts, mais d'un groupe de chercheurs, de penseurs. Parce qu'aucun d'entre eux n'a la qualité d'experts. Il existe trois catégories d'experts, ils doivent tous figurer sur la liste dédiée à cela. Et encore cela se fait par classement. Car selon l'ordre international des experts, il existe trois qualification: les experts, les experts de haut niveau et les experts de très haut niveau.

Donc pour vous, le choix des mem-bres du Comité d'experts est contestable?
Je ne juge personne, mais je relate ce que la loi internationale stipule à ce propos. Il faut savoir que le choix doit se faire du moment où chacun d'entre eux doit intervenir dans un domaine bien déterminé. Mais là, nous sommes, comme je l'ai précité, face à des professeurs d'universités. Il faut prêter serment et jurer de dire la vérité, être spécialisé dans la question, être inscrit dans une liste.

Quelle est la frontière entre un travail d'expert et des points de vue de citoyens dans un processus de révision de ce document?
Il n'y a pas de frontière. Ce qui fait défaut n'est pas dans le texte, mais c'est dans son application. Quand l'Exécutif oblige le législateur à faire ce qu'il veut, par exemple constituer une assemblée dire à ses membres de lever la main c'est quelque chose de délicat. La faute aussi revient dans ce sens au peuple qui a voté pour les membres de l'Assemblée, et on ne peut pas également reprocher cela à l'Exécutif!

Justement, comment selon vous doit-on appliquer la démocratie et comment la rendre populaire?
La démocratie est un idéal politique qui n'est pas toujours facile à atteindre. Même dans les pays les plus avancés elle n'est pas totale. Elle n'est que partielle. Mais elle doit être d'abord basée sur les grands principes en rapport avec les droits individuels, avant d'aller vers les droits civiques et politiques. La consécration du principe de l'égalité des droits.
La démocratie c'est savoir s'entendre, se comprendre et agir ensemble pour le bienfait de la société. C'est aussi respecter l'opinion de l'Autre. Chaque individu doit donner un peu de son pouvoir pour la construction d'un Etat qui va gérer les intérêts de toute la population. Et cela par les élections claires et équitables. Cela renvoie indirectement à la nécessité d'aller vers une révision de la loi électorale.

Non loin des affaires de corruption ayant impliqué d'anciens responsables, la Constitution actuelle prévoit un tribunal spécial pour les juger. C'est la Haute Cour de l'Etat. Elle n'a jamais été installée. Qu'est-ce qui manque pour le faire?
Exactement, la Constitution prévoit un tribunal spécial pour les juger. C'est la Haute Cour de l'Etat. Elle a été instaurée en 1996. Mais elle n'a jamais été installée. C'est l'une des défaillances de la Constitution. Il faudrait la mettre en place. C'est elle qui doit gérer les biens séquestrés. Redistribuer les dividendes de l'opération de la distribution de l'argent vers les banques, payer les impôts, laisser une partie pour la famille de celui qui est en prison pour faire vivre sa famille et son usine par exemple. Elle doit également maintenir comme sacré l'outil de travail, c'est-à-dire l'entreprise et la main-d'oeuvre. Il va également falloir trouver une solution pour suivre l'argent sale à travers l'élargissement de la procédure de déclaration du patrimoine à tout l'entourage de la personne présumée impliquée. C'est-à-dire il faut questionner sa femme, ses enfants, ses parents, ses frères et soeurs, et jusqu'à la femme de ménage et le chauffeur.

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