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Le docteur Ammar Mansouri à L'Expression

«Le Sud algérien a connu 57 explosions nucléaires»

Ammar Mansouri est né en 1957. C'est un chercheur en génie nucléaire. Titulaire du baccalauréat technique - mathématiques, d'un diplôme d'études supérieures en chimie organique, d'un magistère et d'un doctorat en génie nucléaire, le docteur Mansouri a assumé plusieurs responsabilités dans les associations estudiantines. Il a enseigné à l'université et assumé plusieurs responsabilités au niveau de l'administration universitaire et du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Membre fondateur de certaines sociétés savantes à caractère scientifique et technologique, il a participé à l'organisation de dizaines de séminaires et colloques scientifiques et historiques nationaux et internationaux. Il a également participé à la réalisation de plusieurs films documentaires sur les multiples crimes du colonialisme. Actuellement, il exerce la fonction de chercheur permanent et s'intéresse à l'écriture de l'Histoire nationale. Il publie des dossiers et des articles dans des revues nationales, notamment le dossier des «Explosions et essais nucléaires français au Sahara algérien». Et c'est sur ce sujet que nous avons réalisé notre entretien.

L'Expression: Le débat sur les explosions et les essais nucléaires français dans le sud du pays occupe la scène médiatique depuis ces derniers mois. Des ONG ont invité la France à faciliter au plus vite le nettoyage des sites où se sont déroulés les essais. Question simple, mais stratégique: de quels types de déchets nucléaires s'agit-il exactement?
Docteur Ammar Mansouri: Tout d'abord ce dossier demeure un sujet d'actualité jusqu'à l'obtention, de la France, la reconnaissance de ce crime nucléaire, l'indemnisation des victimes et le nettoyage et la réhabilitation des sites pollués au niveau du Sahara; c'est notre condition sine qua none.
Par ailleurs, il y a lieu de noter que le nucléaire civil ou militaire génère des déchets radioactifs, sous forme gazeuse, liquide et solide, nocifs et dangereux pour toutes formes de vie. En ce qui concerne les explosions, les essais et les expérimentations nucléaires la situation est beaucoup plus dramatique.
Les effets des explosions et des essais nucléaires sont connus à travers le monde (dégâts environnementaux et victimes) et comme le précise Albert Einstein: «Quoi qu'il en soit, l'atome ne pardonne pas?» Donc Einstein avait raison!
Il faut ajouter aussi que les rayonnements ionisants émis par les sources radioactives n'ont ni odeur, ni couleur, ni saveur, ils sont invisibles et silencieux, donc dangereux pour toute forme de vie (humains, faune et flore).
Il y a lieu de rappeler qu'il y a eu 2060 explosions nucléaires dans le monde dont 573 atmosphériques, très polluantes et 1487 souterraines réalisées entre le 16 juillet 1945 (Etats-Unis) et le 9 septembre 2017 (Corée du Nord). Ces explosions nucléaires ont causé des millions de victimes des cancers variés des malformations et la pollution gratuite de la planète Terre!!! 21 pays ou régions sont concernés par les conséquences de ces explosions nucléaires dont l'Algérie.
Aussi, il ne faut pas oublier la gestion des déchets nucléaires qui est considérée comme le cauchemar du nucléaire.
à Hammoudia (Reggan), suite aux quatre explosions atmosphériques: des centaines d'hectares de sable vitrifié hautement contaminé; Taouriret Tan Affela (In Ekker) suite à l'accident de l'explosion souterraine «Béryl» du 1er mai 1962: des tonnes de lave hautement contaminée et Taouriret Tan Attaram (In Ekker): zone de centaines d'hectares des cinq essais de «l'opération pollen» contaminée par du plutonium dont la demi-vie est de 22410 années!!!
Il y a aussi des zones contaminées sur un rayon de 700 km (434,96 miles), selon la loi américaine. Une carte de l'armée française de 1960 déclassifiée le 4 avril 2013 montre que les retombées radioactives de «Gerboise bleue» ont été beaucoup plus importantes que celles admises à l'époque, s'étendant à toute l'Afrique de l'Ouest et au sud de l'Europe, selon le document publié vendredi 14 février 2014 par Le Parisien.
Enfin, il y a lieu e rappeler les tentatives de restauration environnementale demandée par l'Agence internationale à l'énergie atomique (Aiea). En effet, en date du 22 septembre 1995, lors de sa conférence générale annuelle, l'Agence internationale à l'énergie atomique (Aiea) a demandé aux Etats concernés par les essais nucléaires, à «assumer toutes leurs responsabilités pour que les sites où ils avaient effectué des essais nucléaires soient surveillés scrupuleusement et que des mesures appropriées soient prises pour qu'il n'y ait pas d'effets néfastes sur la santé, la sécurité et l'environnement». Certaines puissances nucléaires ont répondu favorablement à cet appel: les USA avec les Îles Marshal, UK avec l'Australie, la Russie avec le Kazakhstan, la France avec la Polynésie...), mais malheureusement, comme toujours, la France avec l'Algérie est passée outre cet appel jusqu'au jour d'aujourd'hui!!!
Il faut rappeler aussi que si les explosions nucléaires appartiennent au passé, leurs conséquences sur la santé et l'environnement s'étalent sur des siècles, voire même des millénaires. Enfin, l'Algérie sera confrontée à l'avenir au problème concernant la gestion des déchets nucléaires de la France coloniale qui illustre le vrai cauchemar des conséquences durables du nucléaire!!!

Sentez-vous une volonté chez les autorités françaises d'avancer sur ce dossier comme cela a été le cas auprès des mines posées aux frontières tunisiennes et marocaines, la restitution d'archives audiovisuelles de l'INA de la période 1940?
Toutes ces mesures prises, d'ailleurs très en retard, ne représentent que de la poudre aux yeux parce que ça n'impliqué pas des incidences financières qui sont le nerf de la guerre. À titre indicatif, pour les mines c'était en 2007 que le voile a été levé sur ce dossier après que l'Algérie a recensé des milliers de victimes humaines et animales!!!
Donc, la volonté de la France n'y est pas, surtout avec l'épineux dossier des explosions et des essais nucléaires français au Sahara algérien. Ce crime nucléaire demeure un héritage colonial empoisonné pour le Sahara et lourd pour l'Algérie, qu'on peut résumer en quatre points essentiels: Victimes sans reconnaissance et sans indemnisations, dégâts environnementaux sans précédent, disparus «Cobayes» sans traces et archives Secret-défense et incommunicables.
En effet, le Sud algérien a été le théâtre de 57 explosions, essais et expérimentations, selon les termes inscrits dans des documents de la France coloniale elle-même, entre 1960 et 1966 au niveau de trois sites à savoir:
-en plus des laboratoires du Commissariat à l'Energie atomique français (CEA), composés de 14 tunnels; au niveau de Reggane plateau où il y a eu la manipulation de la radioactivité à grande échelle.

En 2010, la France a voté une loi selon laquelle les archives des essais nucléaires ont été classées dans la catégorie de celles qui sont «incommunicables», sans limitation de temps. Comment avancer sur ce dossier quelque part verrouillé?
C'est le nerf de la guerre, car tout repose sur les archives pour la reconnaissance du crime nucléaire pour l'indemnisation, la connaissance des puissances réelles des explosions, la connaissance des lieux d'enfouissement et d'enterrement, sous le sable au Sahara, des déchets nucléaires, des engins ainsi que du matériel contaminés. La France, a eu recours à un vice de forme de faire des archives de son programme nucléaire dans le cadre de la révision de la loi sur les archives en 2008 pour rendre les archives du nucléaire «incommunicable» sous prétexte de protéger la fabrication de la bombe atomique, c'est comme on a affaire à une bombe de type cocktail Molotov!!!
Il faut signaler, qu'aux Etats-Unis, les opérations de déclassification des documents secrets sur les explosions nucléaires américaines ont commencé en 1994 suite à la décision prise par le gouvernement Clinton le 7 décembre 1993, et elles se poursuivent encore aujourd'hui.

Les États-Unis admettent que leurs expériences nucléaires ont fait des victimes; ils ont voté en 1988 une loi pour indemniser tant les vétérans civils et militaires que les populations voisines de leurs anciens sites d'essais. Il se trouve que des officiels français continuent à affirmer que ces essais ont été «propres» et sans conséquences sur la santé des personnes. Pourquoi ce déni à votre avis?
De son côté la France aussi a reconnu que ses explosions nucléaires ont fait des victimes algériennes, polynésiennes et françaises. Mais, elle a voté en 2010, 50 ans après son crime nucléaire, une loi de reconnaissance et d'indemnisation des victimes militaires et civiles y compris les populations voisines des anciens sites d'explosions nucléaires.

Mais qu'en est-il sur le terrain?
Sur les 150000 militaires et civils qui ont participé ou assisté aux explosions du programme nucléaire de De Gaulle (dont 24000 en Algérie et 126000 en Polynésie), auxquels s'ajoutent les travailleurs algériens, polynésiens et autres ainsi que les populations vivant à proximité des différents sites des explosions nucléaires qui sont potentiellement atteints par les conséquences des 250 explosions et essais nucléaires français qui se sont déroulés de 1960 à 1966 au Sahara algérien puis de 1966 à 1996 en Polynésie, seules 224 victimes françaises (zone Polynésie) et 75 (zone Algérie) et 63 victimes polynésiennes et une seule victime algérienne (veuve ayant droit) ont été indemnisées entre 2010 et 2019 selon le rapport d'activité 2019 du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen). Quelle indemnisation après 60 années d'attente et de souffrances!
Effectivement, des officiels français continuent à affirmer que leurs explosions nucléaires étaient «propres» et sans conséquences sanitaires et environnementales car elles étaient conduites par des apprentis sorciers sur un territoire d'indigènes colonisés, d'une part, et la politique française en la matière repose sur deux principes: le mensonge et la perte de temps, d'autre part.
Ceci est partagé par Bruno Barrillot (décédé le 25 mars 2017) qui, dans son dernier message qui m'a été adressé le 11 janvier 2017, m'a écrit: «Je lis que vous avez bien résumé la situation...» Sept ans de perte de temps» et je pense que le gouvernement français continue sur cette lancée. En fait, il s'agit de tergiversations du gouvernement français pour faire perdre un temps précieux à tous ceux qui se battent pour les droits des victimes des essais nucléaires. La logique officielle française semble être d'attendre que nous ayons tous disparu, tant les victimes que ceux qui comme vous et moi et tant d'autres»
Aussi, il y a lieu de préciser les maladies radio-induites reconnues et indemnisées par les différentes législations: 48 pour le Japon, 36 pour les USA et l'Angleterre et seulement 21 pour la France à travers la loi relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français dite «loi Morin» promulguée le 5 janvier 2010. Cette loi a été révisée en 2013: articles 53/54 de la loi
n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014-2019 avec extension des zones d'indemnisation à toute la Polynésie. Puis révisée en 2017: article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique: avec suppression du risque négligeable. Aussi, trois décrets d'application ont été promulgués: le décret n° 2010-653 du 11 juin 2010, le décret n° 2010-604 du 30 avril 2012 et le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014.

Que doit-on conclure?
En guise de conclusion, je dirais que tous les peuples victimes des explosions et des essais nucléaires ont de grandes difficultés à faire reconnaître la violation de leurs droits par les grandes puissances nucléaires. Ainsi, vu la dimension internationale des conséquences des explosions, des essais et des accidents nucléaires, et à l'instar des conférences internationales ayant trait à la protection de l'environnement, aux changements climatiques, etc..., il nous semble nécessaire qu'un appel soit lancé à la communauté internationale pour l'organisation d'une conférence internationale sous l'égide de l'ONU pour la prise en charge du dossier des explosions, des essais et des accidents nucléaires à travers le monde.

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