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Samir Abi, secrétaire permanent de l’Observatoire Ouest africain des migrations, à L’Expression

«Les migrants sont les oubliés de la pandémie»

Samir Abi vient du Togo. Economiste de formation et spécialiste de la thématique de la migration et du développement, il parcourt le monde pour observer la situation des migrants, comprendre leur impact socio-économique dans les pays (de départ, de transit et d'accueil). Il est secrétaire permanent de l'Observatoire Ouest africain des migrations. Dans cet entretien, il évoquera la situation de cette catégorie de personne, dont le nombre est de plus en plus important.

L'expression: Quelles sont les raisons des migrations? Dans quelles catégories les classe-t-on? Et surtout combien compte-t- on de migrants?
Samir abi:Il est courant de lier la migration au manque de perspective de vie, de moyens financiers, d'emploi dans une zone d'origine. Mais, en réalité les raisons sont multiples, études, conflits familiaux, guerres, changement climatique... cela dit, je pense qu'il est préférable de s'éloigner de la catégorisation. C'est un exercice qui, selon moi, est difficile et trop biaisé, car toute migration humaine, est due à différents facteurs. Quant aux chiffres des migrants, les migrants internationaux, c'est-à-dire, ceux qui traversent la frontière de leur pays pour s'installer dans un autre, ils sont au nombre de 272 millions de personnes en 2019, selon les Nations unies. Parmi ceux-ci, il faut compter 25,9 millions de réfugiés et 3,5 millions de demandeurs d'asile, selon le HCR. Cela dit, on estime qu'entre 750 à 800 millions de personnes ce sont des déplacés internes à cause des conflits et du changement climatique.

Les migrants sont encore plus fragiles face au coronavirus, pourquoi donc?
Encore plus, vous avez dit et vous avez raison. Les migrants étaient déjà dans des situations fragiles avant la crise du coronavirus. Beaucoup de demandeurs d'asile et de migrants sans papiers vivaient sous des tentes, entassés dans des camps surpeuplés, des ghettos communautaires et des bâtiments insalubres. Leur situation sanitaire était déjà préoccupante. Qu'ils aient ou pas des papiers, de nombreux migrants ont des emplois précaires ou travaillent au noir. Ils sont discriminés ou obligés de se cacher pour éviter les contrôles et arrestations. Avec la crise du coronavirus, ils se retrouvent sans revenus comme tous les citoyens des pays évoluant dans le secteur informel. Un migrant sans revenu, cela signifie également moins de transfert de fonds pour sa famille restée au pays. La crise sanitaire amène à une crise économique avec le risque d'un chômage de longue durée pour les travailleurs migrants comme ceux des pays du Golfe.
Le drame pour d'autres migrants vient du fait, soit qu'ils sont isolés des réseaux de soutien nationaux ou communautaires, soit qu'ils sont encore plus ciblés par les mesures de confinement qu'ils ne peuvent respecter à cause de la vie en ghetto. Il faut souligner aussi la problématique liée à l'accès aux soins, en cas de contamination. Surtout que dans beaucoup de pays, le système sanitaire n'est qu'à la portée des plus aisés. à côté de cela, ajoutons la question qui fâche en ce moment, à savoir « le rapatriement des cadavres de migrants».

Les institutions internationales semblent inquiètes au vu de la situation. Quelles résolutions adoptées sont-elles suffisantes?
Cela varie d'un pays à l'autre. Certains pays ont choisi «des mesures utilitaires» à titre d'exemple, renforcer les équipes médicales, avec des migrants dotés d'«altitude» en médecine, mais aussi, en tant que remplaçants, dans les plantations, ou des entreprises. D'autres pays, ont pris des mesures humanistes, en décidant de prolonger les cartes de séjour des migrants et ne pas poursuivre ceux qui sont en situation irrégulière. Mais malheureusement, d'autres Etats ont continué la traque des migrants, Enfin il y a eu des actions de solidarité avec les migrants menées par des ONG, des associations ou de simples citoyens que je salue du fond du coeur.

Les politiques mondiales de migrations et de protection des réfugiés sont-elles à la hauteur des défis?
Cette question n'est pas nouvelle. Pour nous, les décisions des organisations internationales et des gouvernements en termes de politiques migratoires ou de protection des réfugiés ne sont pas encore à la hauteur de nos attentes. Les migrants sont traités comme des marchandises et les demandeurs d'asile ne bénéficient pas de toute la solidarité nécessaire. Et les décisions politiques sont prises dans ce sens par les dirigeants. « Le profit économique avant tout». Dans le deuxième cas de figure, ils sont considérés comme une charge et on les expulse, les isole dans des déserts. Pis encore, les forces de l'ordre sont sommées de les traquer au quotidien. Les migrants ne sont souvent pas considérés comme des humains avec des droits et des ambitions. Malheureusement, la nature non contraignante du Pacte mondial des Nations unies sur les migrations (Pacte de Marrakech) n'amène à aucun changement majeur au sein des pays. Les politiques migratoires mises en place dans certains pays restent indignes de notre humanité. Encore plus dans ce siècle d'abondance et de progrès technologiques.

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