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Professeur Omar Belkheir, sociolinguiste, à L'Expression

«Nos villes n'ont pas d'espace vital»

Dans cet entretien, le professeur Omar Belkheir, sociolinguiste, analyste du discours et président du conseil scientifique de la faculté des sciences humaines et sociales, campus de Tamda, de l'université Mouloud Mammeri Tizi-Ouzou, nous éclaire sur la notion de l'espace public. Il nous propose des solutions et des moyens pour que l'Algérien puisse se réapproprier cet espace qu'il a perdu depuis l'indépendance pour des raisons objectives et surtout historiques.

L'Expression: Pouvez-vous nous apporter quelques notions sur l'espace public en général et dans notre société particulièrement?

Omar Belkheir: L'espace public, comme son nom l'indique, est constitué de lieux d'une extrême vitalité, permettant aux habitants de se mouvoir dans la ville, dans des endroits qui leur appartiennent étant donné que ce sont des citoyens qui payent des impôts pour une meilleure qualité de vie; Nous citerons les jardins, les places publiques, les parcs, les rues, les parvis, les forêts, les sentiers de montagnes, des commerces...etc. Ces espaces qui sont essentiellement fonctionnels, permettent aux habitants de se détendre, de débattre de tous les sujets les concernant, d'apprendre la vie en communauté et la diversité dans les idées, les opinions politiques, religieuses ou autres. Ces espaces qui sont l'oeuvre d'une planification a priori dans l'édification d'une ville, font toujours l'objet de tentatives de subtilisation de la part des autorités publiques dans le permanent processus de développement de la ville ou bien des entités privées investissant dans différents domaines. Cependant, quand la société civile est existante et fortement organisée, ces espaces demeurent des années durant une propriété publique et bénéficient de statuts particuliers allant jusqu'à les classer comme lieux touristiques par excellence dans certaines villes comme la place de Djamaâ Lefna à Marrakech (une place que des promoteurs veulent transformer en un lieu d'habitation et d'affaires, et la société civile s'est battue avec acharnement pour que cette place demeure un lieu touristique par excellence).
Revenons à la question de l'espace public chez nous, je dirai que dans les villes bâties avant l'indépendance, l'espace public a bénéficié d'une certaine présence et d'une existence certaine; seulement, après l'indépendance, l'extension des villes existantes et l'édification de nouvelles agglomérations, s'est fait sans la prise en compte de cet espace vital à la population. Pis encore, l'Etat est resté passif par rapport au squat de ces lieux par des promoteurs peu scrupuleux. Dans une précédente interview, j'avais parlé de l'importance du lieu de vie dans le bien-être de la personne; et ces espaces sont primordiaux pour une meilleure qualité de vie.

On observe que dans notre société, l'espace public ne prend pas une grande place dans l'intérêt des gens. À quoi serait dû ce laisser-aller qu'on constate chaque jour avec l'insalubrité quasi générale?

Je dois d'abord clarifier quelques points: dans les villages en Kabylie, jadis, l'espace public revêt une importance capitale chez les habitants, les gens étaient verbalisés rien que parce qu'ils jetaient un mégot par terre, des volontariats étaient organisés occasionnellement pour nettoyer les ruelles, les placettes les sentiers et les fontaines, certains comportements étaient de mise au passage des femmes à certains endroits; j'irai même jusqu'à dire l'interdiction des citoyens en état d'ébriété de rentrer au village.
Dans les années 60-70, les gens qui habitaient dans les villes, connaissaient l'importance de ces endroits qui ont contribué bien avant l'indépendance à l'éveil nationaliste et au développement du sentiment d'appartenance à une communauté et une nation différentes de celle du colonisateur.
Cependant, l'Etat lui-même n'a pas daigné accorder d'importance à ces espaces tant vitaux pour la société, puisque les services relevant de l'administration sont restés passifs, voire complices, par rapport au processus de prédation ayant touché ces espaces; à titre d'exemple, il n'y a qu'à regarder l'état dans lequel se retrouve la nouvelle-ville de Tizi Ouzou pour comprendre notre propos. Un espace féerique comme la forêt de Harouza dans la localité de Rédjaouna risque de devenir un lieu de promotion immobilière prédatrice, ce qui va finir, si des mesures sérieuses ne sont pas prises, par dénaturer le paysage et faire passer l'opportunité pour que ça soit un lieu de détente, d'échange d'opinions politiques et culturelles... des habitants de Tizi Ouzou. Cette situation a engendré dans un premier temps, un sentiment de colère et d'amertume auprès de la population; dans un second temps, étant donné toutes les luttes qui n'aboutissent presque jamais auprès des autorités demeurées sourdes aux doléances des citoyens, un sentiment de dégoût et de non-reconnaissance de soi dans cette ville s'est développé chez les gens; cela a engendré un rejet pur et simple de tout ce qui n'est pas chez soi; il n y'a qu'à l'état de nos routes, de nos jardins, de nos places publiques pour ne citer que ceux-là, pour comprendre ce sentiment.

Quelles solutions préconisez-vous pour réconcilier l'Algérien avec son espace public?

Le citoyen algérien, pour aller plus simple, se doit de se réapproprier ces espaces qui sont les siens selon un processus déjà enclenché par la société civile. Après le 22 février 2019, le peuple a compris que ces espaces lui appartiennent et qu'au moment où la manifestation s'achève, des jeunes se relayent pour nettoyer. Quand on voit le nombre d'associations qui, et de manière régulière, longent les routes et les montagnes pour nettoyer les détritus laissés par les automobilistes, on comprend que la société civile a pris conscience que cet espace vital pour sa survie lui appartient vraiment et qu'elle ne peut compter sur aucune autorité pour sa sauvegarde.

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