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Mise en conformité des habitations sans actes

L’autre drame des familles !

Depuis plus de 10 ans, des Algériens courent derrière ce fameux sésame. Des familles entières ont été brisées, des lois ont été pondues, des gouvernements ont « sauté » sans que cela ne change rien à la situation. Enquête sur un dossier où rien n’est conforme…

«Zone d'ombre.» Le documentaire diffusé lors de la rencontre wali-gouvernement sur les conditions de vie dans l'Algérie profonde avait choqué plus d'un.
Les larmes du Premier ministre, Abdelaziz Djerad, ce jour-là restent comme un grand moment d'émotion. Qu'en est-il des larmes de centaines, sinon de milliers d'autres citoyens qui provoquent l'émoi à les entendre raconter leur calvaire qui dure depuis plus de 20 ans! Que dire à ces familles qui se voient déchirées à cause d'un document qu'elles n'arrivent pas à obtenir.
Le sésame qui aurait pu sauver des liens à jamais détruits. Un acte de propriété aurait offert à ce père la possibilité de faire un don à son fils adoptif et lui éviter de se retrouver dans la rue après sa mort. Il aurait aussi facilité à cette autre famille de gérer son héritage au lieu d'entrer dans une «guerre fratricide» sans fin. Et bien d'autres cas, comme cet homme qui se voit aujourd'hui en litige avec un autre pour un terrain sur lequel il a déboursé toutes ses économies jusqu'au dernier centime... Ces cas sont à déplorer faute d'une régularisation qui ne voit toujours pas le jour!
La bureaucratie a fait que depuis 2008, des citoyens courent derrière un acte de propriété, un certificat de conformité ou tout autre document qui aurait pu leur permettre de gérer comme bon leur semble leur bien immobilier acheté à la fin des années 1990. «Nous avons déposé des dossiers en 2008, en 2013 et en 2016. À chaque fois, on trouvait quelque chose de nouveau avant qu'il ne soit complètement accepté», racontent ces oubliés de la République. «On nous a alors promis que nous allions recevoir un acte provisoire qui nous permettrait d'effectuer des opérations immobilières. Ils nous ont fait courir jusqu'à ce que la mort rattrape nombre d'entre nous sans voir la moindre trace de ce fameux document», poursuivent-ils.
Plus de 2 millions de biens recensés
Ce double drame n'est pas un cas isolé! Des milliers d'autres familles sont dans le même cas ou risquent de l'être très prochainement. «En 2016, les services du ministère de l'Habitat avaient recensé plus de 2 millions de biens immobiliers sans actes de propriété», révèle Abdelhamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes (Cnea). À cette époque, le gouvernement avait promis de régler définitivement ce problème. Quatre ans plus tard, le vent du Hirak a soufflé sans qu'il fasse bouger cet épineux dossier. On a alors décidé de se rendre sur le terrain afin d'essayer de comprendre les raisons de cet incompressible blocage. On prend l'une des daïras les plus concernées par cette problématique. Il s'agit de celle de Dar El Beïda. Elle compte sept communes et pas des moindres. Bien évidemment, le chef-lieu, Dar El Beïda, Aïn Taya, Bab Ezzouar, El Marsa, Mohammedia, Bordj El Bahri et Bordj El Kiffan. Ces deux dernières sont particulièrement touchées par la question de la conformité, au vu des constructions qui y ont fleuri ces dernières années. Nous avons donc décidé de suivre le parcours d'un citoyen à la conquête de ce sésame. Comme on pouvait s'y attendre, les différentes parties concernées par ce problème se renvoient la responsabilité. À la mairie on nous oriente vers la daïra, celle-ci nous renvoie vers l'Agence de gestion et de régulation foncière urbaine d'Alger (Agerfa). Suivez-nous dans ce parcours du combattant qui ne finit jamais...
On se renvoie la patate chaude
C'est au niveau du service de mise en conformité de la daïra de Dar El Beïda que notre mauvaise aventure commence! Nous nous y sommes rendus deux fois, à chaque fois on nous a signifié que la responsable était absente. Néanmoins, en déclinant notre fonction, ses collègues ont bien voulu nous orienter. L'architecte nous a expliqué le long processus d'un dossier. «La commission dont je suis membre s'occupe de régulariser les constructions pour ce qui est des papiers (actes et
autres documents administratifs), c'est du ressort des domaines ou de l'Agerfa», a-t-elle tenu à préciser. Elle soutient que le rôle de la commission reste purement technique. «On sort pour constater la conformité des constructions par rapport au plan qui a été versé dans le dossier ainsi que le respect de la loi et des normes de sécurité dans cette construction», assure
-t-elle. «Si un dossier n'est pas conforme on le met sous réserve avant de l'envoyer à l'APC. Sinon, il prend la direction des Domaines pour une régularisation administrative», soutient la même dame. Pourquoi alors ce processus qui paraît si simple met-il autant de temps? On ne parle pas là de mois, mais de plusieurs années. «Ça ne bloque pas chez nous, mais comme je vous l'ai déjà dit, le problème se situe au niveau des autres structures. Nous on ne donne que notre quitus», insiste-t-elle, avant de nous orienter vers les maires qui selon elle, sont en contact permanent avec l'agence foncière.
«El Maârifa»...
On prend acte et on se rend dans l'une des APC de la circonscription administrative de Dar El Beïda. Contrairement à la daïra, il est très difficile de trouver un interlocuteur. Ils sont tous absents, est la réponse que l'on a servie dans plusieurs de ces communes. Quand on tombe sur une personne qui fait partie de l'entité en charge du dossier, elle est peu loquace. «Il faut parler à mon responsable, il faut parler au chef de la commission logement, il faut parler au maire...», nous disent-ils à chaque fois. On finit par tomber sur un fonctionnaire qui accepte de répondre à nos questions en requérant, toutefois, l'anonymat. Très sèchement, il nous dit que «si c'est pour un dossier personnel, il faut chercher de la ‘' maârifa ‘' (piston) du côté de l'Agerfa». Il soutient que «c'est de là-bas que viennent les blocages» tout en attestant que «certaines personnes ont obtenu rapidement leurs papiers grâce à un petit coup de pouce». Choqué, on lui demande pourquoi faut-il être pistonné pour avoir ses droits? Après un petit temps d'arrêt, il réplique:
«Vous savez il y a un problème énorme d'effectifs afin de traiter ces dossiers. Cela est valable pour nous, pour la daïra, et un degré de plus pour l'agence foncière où tout est centralisé. On ne peut tout traiter seul, alors la priorité est donnée à ceux que l'on connaît.» Un terrible aveu qu'il tente de minimiser en signifiant que les choses devraient bouger prochainement. «Il y a eu une instruction ministérielle en novembre 2019 pour faire accélérer les dossiers. Il devrait y avoir bientôt du nouveau», rappelle notre interlocuteur. Que veut dire, «bientôt» dans le langage de l'administration algérienne.
Trois mois sont passés depuis cette note ministérielle, le gouvernement a changé, mais rien de nouveau ne se profile à l'horizon. Y a-t-il eu plus d'effectifs recrutés si le problème se situait effectivement sur ce point-là? Notre petite «virée bureaucratique» nous a plongés dans une triste réalité, celle d'un pays qui a de belles lois, mais sur le terrain ne trouve personne pour les appliquer.
La nouvelle République ne peut se construire si un citoyen meurt, après un marathon d'une dizaine d'années, sans avoir réussi à obtenir un petit papier. Des milliers de citoyens peuvent en témoigner... 

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