{{ temperature }}° C / {{ description }}

Cité introuvable.

Le cinéma colonial en question

«Les dunes, les tempêtes de sable, le minaret, la femme voilée, le caïd aux yeux sanguinaires, la femme blanche prisonnière du harem et Antinéa avant Pépé le Moko, furent trop longtemps de solides et rentables références à un cinéma accommodé aux goûts du jour.» Pierre Boulanger

(1er partie)
Phénomène social s'il en est, le cinéma algérien symbolise à merveille les contradictions inhérentes à un système qui passe l'éternel de son temps à mettre en scène des variantes susceptibles de lui permettre de se reproduire qu'à trouver les solutions idoines en mesure de favoriser une véritable et salvatrice sortie de crise. C'est pour cette raison que nous nous sommes investis très tôt tant dans la critique cinématographique que dans la défense du cinéma national pour donner plus de consistance à notre formation citoyenne et d'animateur. Pour cela, nous avons tenu à nous éloigner des idées reçues et à refuser de prendre tout raccourci susceptible de donner naissance à une vision étriquée, pour ne pas dire manichéenne. Dès lors, notre intérêt pour le cinéma colonial était loin d'être une vue de l'esprit. Même si ses différentes représentations n'avaient légué, à l'époque, que quelques rares oeuvres susceptibles de figurer en bonne place dans l'histoire du 7e art. Ce qui nous aura permis, des années durant, à l'occasion de conférences ou de séminaires de formation, de mettre en évidence le fait avéré que pour les cinéastes, aussi bien que pour le public, l'Afrique, en général et l'Algérie, en particulier n'étaient que ce qu'elles semblaient être à première vue: «Un décor, une toile de fond.» Fort de l'amitié et des conseils de Guy Hennebelle, de Jean-Louis Bory et de Claude Michel Cluny, nous nous sommes longuement intéressés à la problématique. Pour les besoins d'un tel éclairage, des clins d'oeil à Pierre Boulanger ne seront pas de trop. Surtout à son ouvrage intitulé Le cinéma colonial où il fait judicieusement remarquer que pendant plus de cinquante ans, les cinéastes européens et américains ont beaucoup péché: «Les dunes, les tempêtes de sable, le minaret, la femme voilée, le caïd aux yeux sanguinaires, la femme blanche prisonnière du harem et Antinéa avant Pépé le Moko, furent trop longtemps de solides et rentables références à un cinéma accommodé aux goûts du jour, donnant naissance à de nombreuses productions que l'on ne regarde plus maintenant, lors de rétrospectives, qu'avec un sentiment de gêne.» L'exemple de Pépé le Moko est assez édifiant en la matière. Tourné «à l'américaine» et servi par des acteurs à l'image de Jean Gabin évoluant dans la topographie singulière et contrastée de la Casbah d'Alger, le film de Julien Duvivier n'emprunte à celle-ci que le décor. En dehors de quelques plans, d'escaliers, du port et de ruelles, tournés à Alger, Marseille et Sète, La Casbah de Pépé le Moko sera reconstituée dans les studios Pathé à Joinville. Depuis sa sortie en 1937, Pépé le Moko allait faire couler beaucoup d'encre et susciter des réactions contraires, l'accusant ouvertement de racisme et de paternalisme. Quelques films, bien que rares, avaient tenté, au nom d'un humanisme certain, de rapprocher les forces en présence. Mais en vain, si nous nous en tenons à La Soif des hommes de Serge Poligny (1949) qui filma deux ans plutôt Torrents dans le Sud algérien. En donnant dans une sophistication de la réalité et dans un optimisme des plus béats à propos des rapports régissant les colonisateurs et les colonisés, La Soif des hommes a fait croire à la Métropole que tout allait pour le mieux, que la caste coloniale vivait dans un univers de paix et de sérénité et que les Algériens ne demandaient qu'à coexister tranquillement aux côtés des forces d'oppression. Au fur et à mesure que les images défilaient dans les salles de répertoire des cinémathèques française et algérienne, nous avions le sentiment que les promoteurs de ce cinéma insistaient outrageusement sur la suprématie civilisationnelle et culturelle de la caste coloniale. Le voyage initiatique à travers le cinéma colonial est loin d'être fortuit. Si nous avons tenu à le faire grâce à la complicité de nombreuses oeuvres inégales, c'est pour mieux remonter aux conditions tant objectives que subjectives ayant consacré la naissance du cinéma algérien dans les maquis. Autrement dit, la société globale algérienne a, dans le cadre de la Révolution nationale du 1er Novembre 1954, utilisé également des valeurs culturelles de nature contraire à celles des forces de l'oppression pour se soustraire au régime colonial. Et c'est dans les maquis que verra le jour le cinéma algérien, un cinéma qui allait accorder une place tangible à l'identité historique et culturelle d'un peuple soucieux de se retrouver, de se préserver et de s'assumer librement.
(A suivre)

De Quoi j'me Mêle

Placeholder

Découvrez toutes les anciennes éditions de votre journal préféré

Les + Populaires

(*) Période 7 derniers jours