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Lire en traversant une zone de turbulence

Je parle du bon livre !

Le récit du livre est un indice fiable pour connaître l’état de l’économie nationale, pour évaluer la santé physique, intellectuelle et politique du citoyen d’une nation, pour mesurer la solidité de l’unité nationale, et pour observer la valeur du rapport à autrui. Dans l’imaginaire algérien, le livre est perçu comme un luxe ou un divertissement. Il n’est pas considéré comme une priorité nationale citoyenne. On oublie souvent que les nations fortes et soudées, à travers l’Histoire, sont celles qui ont toujours favorisé le livre et le savoir, aussi bien en temps de paix et pour éviter les guerres les plus sordides. Une demeure, quel que soit le niveau de vie de la famille qui l’habite, où l’on ne trouve pas une bibliothèque est une maison maudite, privée de lumière. Le livre chasse la médiocrité, l’ignorance, la violence et la haine. La place du livre change d’une société à une autre, d’une époque à une autre et même d’une langue à une autre. Chaque langue a son propre système de valeurs et sa mémoire. Avant l’arrivée d’Internet et des réseaux sociaux, le livre occupait une place plus simple, traditionnelle, mais sacrée. Si le nouvel âge de la communication a bouleversé complètement notre vie sur le plan de la consommation comme sur le plan de la relation humaine, entre les hommes et les femmes, entre les membres de la même famille, le livre, lui non plus, n’a pas échappé à ce séisme socio-culturel. Le citoyen algérien, comme son voisin maghrébin, traverse une zone de turbulence culturelle qui affecte son rapport au livre et à la lecture. Une époque marquée par des traditions liées au livre papier, disparaît, tandis qu’une nouvelle ère électronique et numérique, porteuse de nouveaux comportements et reflexes, s’installe. Les sociologues et spécialistes des théories de la lecture sont appelés à réfléchir aux spécificités et aux répercussions de cette «zone de turbulence» livresque sur le changement des valeurs de la citoyenneté. Nous faisons face à une question fondamentale : comment assurer une transition fluide du lecteur pour le lecteur, d’une étape classique basée sur le papier et vouée à disparaître, à une autre plus complexe et ouverte à toutes les possibilités – mais aussi à tous les risques ?
Certes, on ne peut échapper au rouleau compresseur de l’Histoire numérique, mais il faut savoir s’adapter, affronter ces bouleversements inévitables avec intelligence, débat et propositions constructives. Face au rouleau compresseur du numérique, il est urgent de repenser l’ensemble de la chaîne du livre en Algérie avec responsabilité et courage intellectuel. Il faut d’abord changer les vieilles habitudes qui règnent dans les bibliothèques depuis l’invention de l’imprimerie, voire avant. Une bibliothèque n’est pas un entrepôt de livres/ morts. La bibliothèque n’est pas un cimetière littéraire. Une bibliothèque moderne doit être un lieu de citoyenneté culturelle, un espace vivant, dédié à la défense de la vie et de la pensée. Les livres, qu’ils soient anciens ou récents, ne se lisent pas par hasard ni par coïncidence, il faut les faire lire, les faire vivre et revivre, les promouvoir, les défendre, et cela relève du rôle du bon bibliothécaire. La bibliothèque a besoin d’un bibliothécaire connaisseur, un mordu de la lecture, prêt et capable de donner vie aux livres auprès des lecteurs. Libérons la bibliothèque de son image sombre, austère et renfermée. Offrons de l’oxygène à la bibliothèque par les débats responsable, libre et fructueux autour des livres, des auteurs, les éditeurs et autour des lecteurs. La vie d’un livre est partagée entre plusieurs acteurs : écrivain, éditeur, diffuseur, libraire, bibliothécaire, médias et lecteur. La librairie, maillon capital dans cette chaîne, n’est pas une épicerie de livres, n’est pas une quincaillerie livresque ! Le métier du libraire, comme celui du bibliothécaire, est un métier noble, fatigant, exigeant et décisif et pourtant parmi les plus pauvres économiquement. Chapeau bas à toutes les libraires et à tous les libraires qui résistent encore !
Et pour que la librairie conserve sa place centrale et irremplaçable dans cette ère numérique, elle doit se réinventer, se moderniser. En cette période de «zone de turbulence» livresque, la librairie doit revoir le sens même du «commerce» du livre, en combinant ce dernier avec d’autres formes de loisirs et de l’audiovisuel tout en respectant l’intégrité du livre.
Mais rien de tout cela ne sera possible sans la liberté de circulation des livres, la liberté d’expression, la liberté de la critique et le soutien de l’État. Ce dernier doit veiller à la survie des librairies par tous les moyens possibles, juridiques, commerciaux et financiers nécessaires.
L’édition es tun autre maillon clé dans la chaîne du livre. Une maison d’édition n’est pas une imprimerie, mais un projet commercial philosophique, un engagement citoyen et une vision intellectuelle et politique. En Algérie les éditeurs, sans exception aucune, manquent encore de formation moderne pour surmonter les défis financiers et idéologiques. Le choix du livre et la comptabilité, dans le monde de l’édition, sont le nerf de la vie d’une maison d’édition. Dans un pays comme l’Algérie, avec ses douze millions d’élèves et près d’un million et demi d’étudiants universitaires, le livre devrait être un investissement national stratégique tout comme le cinéma. En ces temps de «turbulence livresque», il est impératif de réfléchir à une feuille de route pour sauver «le prince de la culture» de son agonie. Sans une vision claire et ambitieuse pour le livre, il n’y aura ni cinéma durable ni théâtre crédible, ni production audiovisuelle compétitive. 

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