FACE AUX INNOMBRABLES TRACAS QUE CAUSE CET EXAMEN
Il est urgent de réformer le bac
«A quelque chose malheur est bon.» Sagesse populaire des optimistes
La triche au bac? Un vieux refrain qui remonte à l'antéchrist - cet examen datant de 1806, créé par Napoléon 1er. Peut-on imaginer qu'une institution éducative qui fait de la confiance mutuelle, de la probité, de l'honnêteté, de l'équité et du mérite des valeurs fondatrices de sa mission soit à ce point contrainte de militariser ses examens? oui, il n'y a qu'à voir la mobilisation générale - du planton du centre de surveillance au plus haut cadre du secteur, en passant par les services de sécurité tous corps confondus, ceux de la santé, de la Protection civile pour avoir une idée du surréalisme de la situation. On a même ramené des candidats par avion militaire du côté d'Adrar. C'est dire!
Ce plan Orsec date depuis 1962, mais avec plus de fermeté et de complexité dans son organisation. Il n'est pas spécifique à l'Algérie. Il se déroule - à des degrés divers - dans tous les pays qui ont gardé cet archaïque mode d'accès aux études supérieures - la France et ses anciennes colonies, y compris l'Egypte. Commentant les mesures antifraudes, un proviseur de lycée parisien a eu cette idée, sans humour aucun: «On ne peut pas placer un surveillant dans chaque toilette du centre d'examen. A cette allure, la solution consiste à donner pleins pouvoirs à l'armée pour assurer cette surveillance du bac.» Elle n'est donc pas si récente, l'idée de l'armée comme parade pour prévenir toute fraude!
Selon les déclarations officielles récentes - une première pour casser le tabou d'un mythe vermoulu et nocif - des centaines de milliards de centimes sont dépensés chaque année pour organiser nos trois examens scolaires (sixième - brevet et bac). Ajoutons à cela l'amputation de l'année scolaire d'au moins deux mois et demi de cours effectifs. La facture est lourde. Trop lourde à porter par un pays qui sombre dans la crise économique et qui au demeurant ne récolte de ces examens que des fruits amers. Qu'on en juge: entre 20 et 25% de redoublements pour les lauréats de la sixième et du brevet dès leur première année dans le cycle supérieur. Quant aux bacheliers c'est selon les universités et les spécialités. On parle de chiffres effarants de redoublements en première année d'université: de 50 à 80% depuis au moins deux décennies. Ces fruits amers: dépenses faramineuses et redoublements alarmants, méritent - ils une telle militarisation de l'organisation? N'y - a- t- il pas une autre solution pour mettre fin au calvaire de nos enfants et à la saignée de nos finances?
Comment ne pas évoquer les scènes d'hystérie, d'évanouissement et de colère, y compris dans les salles d'examen, à la première lecture du sujet jugé difficile par les candidats?
Les sirènes des ambulances, les urgences médicales n'ont pas chômé comme de tradition depuis l'hypermédiatisation de ces examens. On se rappelle de la mort de cette candidate au brevet de juin 2013. Une fois finie la lecture du sujet de mathématiques, son coeur s'arrêta net. Des tentatives de suicide ont émaillé des éditions passées du bac suite à la proclamation des résultats. Ces deux derniers jours, la vidéo des réseaux sociaux aidant, la Corée du Sud est citée en exemple pour l'action bienfaitrice de sa police convoyant en scooter les candidats menacés de retard. Chose que les citoyens ignorent, c'est que ce pays a érigé en religion la compétition féroce et la sélection via les examens scolaires. Au point que c'est à «couteaux tirés» que les élèves sud-coréens, dès le primaire, se battent pour décrocher le sésame de la très bonne note. Au détriment de leur équilibre psychique et de leur santé physique. Cette lutte pour la survie dans la jungle des examens-tombola nous a été confirmée par un diplomate sud-coréen en visite en Algérie. Dans les statistiques internationales de 2012, ce pays enregistre pas moins de 800 suicides chaque année parmi les écoliers, collégiens, lycéens et étudiants. Et dire que des voix s'élèvent pour vanter les mérites, réels certes, de ce pays, ses performances scolaires et universitaires! Mais à quel prix!
Prions Dieu que notre pays ne s'engage pas sur cette même voie que la Corée du Sud. Ce serait la «cata». Alors que faire? Aussi simple que ça: revoir les modalités d'accès à l'enseignement supérieur. Et que le ministère en charge de ce secteur prenne ses responsabilités et engage des réformes profondes dans ce sens: organiser ses propres concours d'entrée selon des modalités à établir en fonction des spécialités. Nous ferons ainsi le deuil de ces plans Orsec annuels qui coupent le souffle à tout un Etat. Il nous faut signaler que cette forme d'accès à l'université est décriée par tous - y compris par les officiels de sa mère-patrie qui lui a donné naissance (la France). La solution existe: appliquer le double principe d'admissibilité (par le MEN) et d'admission (par le Mers). Dans cette optique, le modèle anglo-saxon est le meilleur. La Finlande en est l'exemple le plus éloquent. Mais les mentalités des Algériens sont elles prêtes à y adhérer? sûrement que oui. Il nous faut juste les sensibiliser et secouer le mandarinat de mauvais aloi qui sévit dans les hautes sphères du système éducatif algérien. Ce n'est pas chez le bon peuple que sont incrustés ces vieux réflexes ankylosés dans la routine et le confort intellectuel.
Des vieux réflexes qui pérennisent les tabous qui empêchent l'école et l'université algériennes de se moderniser. Et le bac version Napoléon 1er est un de ces tabous. Il y en a d'autres aussi.
TRIBUNE DES PARENTS
Au sujet de l'article «l'Examinite, critique du système d'évaluation français».
M. K. G (Alger): le système d'évaluation anglo-saxon est certainement plus efficace, mais chez eux. Chez nous, on a une autre conception des examens, des études, de l'effort et du mérite. Si jamais on appliquait ce système en Algérie, la 'ma3rifa'' et le 'ben3amisme'' (le piston en français) reprendront le dessus. Le problème est plus profond et plus compliqué.
Je vous donne, à titre d'exemple, le problème des retardataires du 1er jour du bac. Tous les commentaires sur Facebook et ceux des médias incriminent l'institution qui applique le règlement. Et ce, au lieu de dénoncer le retard comme étant un comportement qui entrave le progrès et le développement. Sous d'autres cieux, le retard est inacceptable, mais chez nous le temps est élastique par fatalisme. Ce n'est pas avec cette mentalité qu'on va bâtir un Etat moderne qui, paradoxalement, l'était autrefois. Je crois plutôt que c'est notre société qui doit s'adapter. L'efficacité de tout système dépend essentiellement de la prédisposition des différents acteurs. Il me semble que ces derniers ne sont pas suffisamment aptes à se débarrasser de la médiocrité dont beaucoup profitent. Les cours privés, que vous avez évoqués dans l'un de vos écrits, en est un exemple qui reflète la situation désastreuse que connaît l'enseignement ces dernières années.
A mon avis, il faut redéfinir la mission de l'école algérienne, proposer des contenus qui favorisent la culture source et véhiculent les vraies valeurs universelles telles que la liberté, les droits de l'homme, la démocratie, la valeur du travail, la citoyenneté,... Mais tout cela ne peut se réaliser qu'avec des responsables et des enseignants bien instruits et surtout bien cultivés, qui ne voient pas leur travail comme un châtiment, une corvée ou une honte comme l'a dit Émile Zola.
Réponse: L'urgence est signalée de mettre fin à cette forme d'examens de fin de cycle (sixième, brevet et bac). Si vous acceptez la supériorité du modèle anglo-saxon - et vous avez raison - alors ne perdons pas de temps pour nous en inspirer. Cela nous fera des économies en centaines de milliards de centimes annuellement, en plus de la suppression des ingrédients qui donnent naissance au climat anxiogène qui s'installe dans les familles et les salles de classe dès... la primaire. Espérons seulement que le ministère appliquera les recommandations de la Conférence nationale d'évaluation de la réforme de juillet 2015. La voie est tracée pour la modernisation de notre école. Seulement.......
Au sujet de l'article sur «l'EPS à l'école»
F. Z (Sétif): Mon garçon est en 4° année du primaire. Hier, il a préparé avec soin deux feuilles blanches - qu'il ne veut pas plier- les crayons, la règle. Le matin, en partant à l'école, il était hypermotivé, convaincu que son dessin qu'il fera en classe sera le meilleur. A son retour à 11h 30, il était triste. Par la suite, j'ai compris que la maîtresse leur avait imposé un dessin déjà fait: un arbre et un lapin. Elle leur a demandé tout simplement de colorier - et c'est tout! Et le plus étonnant c'est qu'on leur demande aussi de ne plus venir l'après-midi (consacré à l'éducation sportive). Elle leur a dit: «Allez courir et jouer chez vous!». La déception se voit clairement sur son visage, et à travers ses comportements. Cela m'attriste Monsieur Tessa.
Réponse: Je vous comprends madame et je comprends aussi la tristesse de votre enfant. Cette maîtresse n'a pas le tact d'une éducatrice bien formée. Elle devait laisser les enfants à leur spontanéité de créer leur propre oeuvre. Cela les aurait comblés de plaisir à se voir libérés pour donner libre cours à leur imagination. Quant au renvoi des élèves au motif que «c'est à la maison qu'ils peuvent jouer et courir», pour reprendre ses propos, rien ne peut le justifier - sauf si l'école et les enseignants sont réquisitionnés pour les examens. Ce qui est malheureusement une tare de notre système. Ce dont profitent les tire -au - flanc et les affairistes de tout poil qui y gravitent.