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Abdelmadjid Tebboune: dans action, il y a réflexion...

Dans une dizaine de jours, l'Algérie aura rendez-vous avec son destin à venir, dépendante cette fois d'une équation unique en son genre et qui ne se pose qu'à des moments bien précis dans l'Histoire d'une nation. L'on parlerait bien d'alignement des planètes, sauf que cela pourrait laisser entendre que la vie socio-politique n'obéirait qu'à des règles scientifiques bien établies.
Or, il n'en est rien, l'interaction dans laquelle se meut le monde actuel, qu'on appelait mondialisation dans un temps pas très lointain, est telle qu'aucun État ne peut se targuer de faire cavalier seul... À moins d'être aussi aventurier que Julio Popper, ce dangereux «utopiste» qui créa, le siècle dernier, en Terre de Feu, un éphémère «Royaume de l'or» qui dura en tout et pour tout une décennie, pour finir dans le sang et les larmes.
Foin donc de ces contrées lointaines, et de cet exotisme vénéneux et revenons à ce «Pays-Continent» qui, après des fortunes diverses et des infortunes multiples, semble enfin dégager un horizon, une visibilité qui autoriserait toutes les ambitions légitimes, somme toute.
«Soyons réalistes, demandons l'impossible!», un slogan qui a fait florès sur les murs de la Sorbonne et d'ailleurs. Plus précisément à Alger, d'où avait démarré un jour de juillet du tout début des années soixante-dix une imposante marche des étudiants, en direction de la salle Atlas, sise dans le frondeur quartier de Bab El-Oued. L'élite d'alors avait répondu à l'appel de Houari Boumediene, qui initiait à travers un ambitieux programme de développement le redressement d'un pays encore vulnérable, tant le séisme de la Guerre de ibération nationale avait laissé des séquelles et des traumatismes qui n'avaient, jusque-là, étaient traités qu'à coup d'incantations diverses. Et comme tenaient à le préciser les étudiants de l'époque, il n'y avait pas là «un phénomène de génération spontanée (...) La forme d'action choisie s'inscrit, elle aussi, dans une tradition universitaire déjà longue. Les étudiants qui sont montés au maquis pendant la guerre ne s'engageaient-ils pas dans une sorte de volontariat?» (Le Monde 4 novembre 1974). Ce volontariat estudiantin n'avait pas de corset théorique, à travers la question agraire, les étudiantes et les étudiants avaient toute latitude pour aborder la question cardinale, celle de la citoyenneté, que la puissante féodalité de l'époque avait entourée de herses coupantes. Dans certains endroits reculés (ou pas), l'anathème avait même été prononcé contre ceux qui tentaient d'aider ces «damnés de la terre» à prendre conscience de leur statut précaire. C'est d'ailleurs au cours de ces fameux face-à-face, qui donnaient le signal du début de la saison des migrations estudiantines, que Houari Boumediène fournissait aux étudiants des éléments de langage qui anticipaient déjà sur les questions de société à venir: «Commence un long débat, sérieux, approfondi. Le chef de l'État ne se dérobe pas, répondant à toutes les questions quel que soit le sujet soulevé.» «La religion ne risque-t-elle pas de constituer un frein? Non, réplique le Président: ‘'Il n'existe pas un seul texte dans l'islam allant à l'encontre de l'évolution ou soutenant le féodalisme et encourageant l'exploitation... Mais il convient d'opérer une distinction entre l'islam et les musulmans... Si la mosquée est utilisée pour défendre l'injustice, l'exploitation, l'esclavage et la féodalité, elle n'est plus la mosquée de l'islam mais la mosquée qui détruit l'islam.''» (Op. cit).
C'est ce qu'elle tentera de faire durant la décennie rouge. Mais le projet de société initié, torpillé alors avant d'être «classé» avec la fulgurante disparition de Houari Boumediène, avait résisté avec le peu de moyens existants. C'est ce qui aura, entre autres, permis à la République de ne pas s'effondrer malgré les paris des Cassandre de l'intérieur et de l'extérieur.
Mais à la Révolution agraire inachevée succédera, en 2025, l'autosuffisance agricole: «L'année prochaine, nous arriverons à l'autosuffisance en blé dur. L'orge aussi, je ne vais plus importer un kilo d'orge. Le maïs aussi. C'est ce qui va profiter à notre économie. Et l'argent des importations, nous allons le dépenser pour le bénéfice des citoyens et de leurs enfants», annoncera Tebboune lors de son premier meeting électoral.
Ce n'est que depuis 2019 que des perspectives avaient commencé à se dégager. Mais il fallait d'abord nettoyer les écuries d'Augias, squattées par les oligarques nés avec le nouveau millénaire. Vaste entreprise!
Le candidat au scrutin présidentiel, Abdelmadjid Tebboune, l'a d'ailleurs rappelé, le 18 août dernier, à Constantine (18 août), en évoquant son premier mandat (2019-2024), intervenu «dans un contexte empreint de pessimisme et de défaitisme (...)». «J'ai pris mes fonctions dans un contexte de corruption généralisée, aggravé par une dilapidation sans précédent de l'argent du peuple». En dépit de cet amer rappel, Abdelmadjid Tebboune révélera au même moment un véritable programme de gouvernance: «Si je suis réélu, mon mandat sera économique par excellence.» Dans action, il y a réflexion! Ce qui laisse croire, dur comme fer, qu'un projet de société va enfin pouvoir exister et permettre à tout un chacun d'espérer que le temps du développement durable est bel et bien possible. L'entreprise est ardue mais sans défi et donc sans objectifs, la perpétuation d'un État n'est pas forcément garantie. La banalisation du quotidien conduit à la stagnation et à la vulnérabilité. «La société n'est pas tant un phénomène qu'une idée située à l'horizon de l'histoire qu'il nous incombe de réaliser.» (Kant.) Et «faire société», de nos jours, en Algérie, c'est aussi «faire peuple dans sa diversité, sa richesse». Étant entendu que les sociétés se perpétuent, de préférence par héritage et non par hérédité.
En relançant, par exemple, le Barrage vert, en privilégiant l'économie à l'utopie, Abdelmadjid Tebboune énonce le cahier des charges du quinquennat à venir. Étant convenu que l'économique inclut aussi l'éducation et la culture. Deux axes de développement qui ont toujours été présents chez le citoyen Abdelmadjid Tebboune, avant même d'occuper les plus hautes charges du pays.

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