Abdelmadjid Tebboune : l’africanité en héritage
Octobre 1965: «Les motivations de l'action de l'Algérie en faveur du ‘'tiers monde'' ne sont pas uniquement sentimentales. (...) Les pays d'Afrique et d'Asie ne sauraient continuer indéfiniment de servir d'enjeu aux rivalités des grandes puissances, notamment industrielles», écrivait Houari Boumediene, rédacteur en chef, pour la circonstance, d'un supplément de vingt pages du mensuel français, de référence, dirigé alors par Hubert-Beuve Méry qu'était alors Le Monde diplomatique (octobre 1965, n° 139). Signant ainsi une chronique qui allait traverser le cours de l'histoire algérienne, épousant les méandres de ces longs cours d'eau qui façonnent la géographie physique d'un pays. Son papier s'intitulait «La République algérienne face à ses responsabilités»...
Août 2024, Djanet: «Nous serons toujours solidaires avec tous ceux qui font face à l'injustice et à la tyrannie. Nous continuerons à apporter notre soutien aux pays du voisinage pour les mettre à l'abri de toutes menaces. Nos relations historiques avec le Niger, le Mali et la Libye sont fraternelles et le resteront», réitère Abdelmadjid Tebboune devant des milliers de citoyens venus des sept wilayas environnantes écouter le candidat à un deuxième mandat présidentiel. La jonction est réactualisée entre les grandes lignes tracées par Boumediene en 1965 et l'architecture réaffirmée de la vision politique africaine de Tebboune. «C'est loin d'être un voeu pieu, l'Algérie n'a jamais monnayé son soutien politique ou économique, contrairement aux autres États ‘'nantis'' dont l'arrière-pensée était à peine dissimulée, tant cette soif d'hégémonie apparaissait si clairement. Pour ne pas trop se perdre dans les supputations, il suffirait de tendre l'oreille pour connaître l'origine des balles qui sifflent au Sahel (Libye incluse) mais aussi les pressions opérées depuis quelques décennies, de manière de plus en plus flagrante, du côté de l'Afrique de l'Ouest. Histoire de recréer une piètre copie de la Françafrique dans la région.
Cette ligne rouge, tracée depuis soixante ans par l'Algérie, elle a été rappelée par Abdelmadjid Tebboune à tous ceux qui, à nos frontières, tentent de faire de ce Sahel «l'enjeu de ces rivalités internationales», et dont les populations locales et leurs économies payent au prix cher.
Et justement, et en matière d'économie, l'annonce aux compatriotes de ce Grand Sud de la mise en route prochaine de l'économie du troc transfrontalier, une revendication réitérée à chaque rendez-vous électoral, depuis 1998. Mais c'était comme prêcher dans le désert, l'oligarchie sévissant alors n'y trouvant pas son compte (en devises sonnantes et trébuchantes) avaient continué à faire la sourde oreille. Pourtant, c'est ce même Sud qui a tenu à bout de bras l'économie nationale pour lui éviter la mise sous perfusion!
«Je connais les revendications et les besoins des habitants de cette région», dira Abdelmadjid Tebboune aux populations sahariennes venues en masse l'écouter à Djanet. Il a été un commis de l'État dans ces wilayas et sait donc de quoi il parle. D'ailleurs, il n'a pas beaucoup parlé, à vrai dire, il a surtout agi, et le résultat est là: Gara Djebilet, relancé dernièrement, va changer la face économique de l'Algérie, voire d'une partie du monde, en plus de cette nouvelle Algérie agricole qui va de Timimoun à El Oued.
Longtemps, le Sud algérien a été confiné dans sa définition exotique, occultant sa dimension réelle. Et ce n'est pas forcément le regard du visiteur étranger qui en porte la seule responsabilité. Ne nous voilons pas la face, il y a même de hauts responsables, voire des ministres, qui faisaient des inspections de travail (sic) comme d'autres effectuent des visites guidées. Combien de hauts responsables se sont rendus en mission, en hiver ou en automne, quand le ciel n'est pas souvent bleu? Qu'ils demandent à M. Tebboune de quelle couleur était la boue lorsque les crues hivernales rendaient ce Sud invivable! Le candidat à un second mandat en connaissait même l'odeur, lui il y a vécu. C'est dire combien est importante l'annonce faite la semaine dernière par Abdelmadjid Tebboune de la tenue, en 2025, d'un Conseil des ministres à Djanet.
L'algérianité, l'amazighité est aussi saharienne, Abdelmadjid Tebboune l'a rappelé encore plus durant cette campagne électorale.
C'est ce qui rend encore plus évidente (pour les moins convaincus) de l'africanité de l'Algérie. Une aspiration aussi ancienne que les millénaires fresques du Tassili.
«Il y a au moins un élément de permanence dans l'histoire moderne de l'Asie et de l'Afrique, c'est le rôle majeur, déterminant, joué par quelques personnages-clés, quelques hommes qui incarnent leur peuple et se font tout naturellement les porte-parole de leurs aspirations - souvent hors des limites de leurs propres frontières. Qui dirait que Nkrumah, en parlant, ne parle que pour le Ghana? Que Sukarno, en discourant, ne discourt qu'au nom de l'Indonésie? Que Boumediene qu'au nom de l'Algérie?» écrivait Jean Lacouture en octobre 1965, dans Le Monde diplomatique.
En 2024, sans risque de se tromper et pour paraphraser cette grande plume journalistique qu'était Lacouture: «Qui dirait que Tebboune, en s'exprimant, ne pense qu'à l'Algérie?»
Anissa Boumediene, veuve du défunt président de la République Houari Boumediene, a tenu à rappeler, à Paris lors d'un meeting de soutien à la candidature d'Abdelmadjid Tebboune que «sur le plan de la politique étrangère, on sent nettement un engagement de la diplomatie algérienne, comme au temps de la présidence de Houari Boumediene. Sur ces questions également, Tebboune a compris la politique de Boumediene», rapporte Saïd Boucetta (in L'Expression du 31 août). Boumediene et Tebboune, en dignes descendants d'Amoud Ag El Mokhtar, illustrent de la plus belle manière cette africanité de l'Algérie...