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France: la balle est au centre... gauche!

La tourmente dans laquelle est en train de sombrer Jordan Bardella, le jusqu'alors fringant chef du Rassemblement national, depuis la gifle électorale reçue dimanche dernier à l'issue du second tour des élections législatives en France, fait penser au héros de cet incunable roman de Robert Musil Les Désarrois de l'élève Törless.
Adapté à l'écran en 1966 par Volker Schlöndorff, Mathieu Carrière y incarnera ce jeune Thomas Törless, vecteur de ce cruel parcours scolaire, révélateur de ces racines du mal, de ce terreau favorable à l'avènement du national-socialisme allemand - le nazisme - ainsi que la vulgarisation de la violence.
Bardella, en chaussant les bottes qui ont déjà pataugé dans les bourbiers de l'Histoire contemporaine, croyait s'offrir une aura, à coups de discriminations, d'exclusions. Son mentor aussi s'est laissé entraîner dans cette fange. Mais Marine Le Pen ne pourra pas plaider l'inexpérience, elle l'héritière de la «Firme Le Pen», adoubée par le ban et l'arrière-ban du lepénisme. Elle ne pourra pas se réconforter avec cette bouée de sauvetage que constitueraient les 143 députés de son groupe. Elle est bien consciente qu'à part un socle, néanmoins réel, le reste de ces nouveaux élus sont souvent néophytes et surtout qu'ils ont, surtout, été élus par un électorat anti-macron, vivant mal ce sentiment d'abandon, par l'Exécutif, très présent à l'intérieur du pays profond.
Bien sûr, la leçon brechtienne reste plus que jamais de mise, la bête immonde bougera encore, et pour longtemps encore.
Un sursis plutôt qu'un quitus, alors?
Plus que certain, tant les attentes sont grandes et concernent, à des degrés divers, toutes les couches sociales. La France entière est impactée aussi bien par ce désert médical croissant que par la dégradation du tissu scolaire et, plus grave encore, par la paupérisation qui touche un monde agricole en détresse, qui enregistre un inquiétant taux de suicide.
La gauche, incarnée, depuis peu, essentiellement par le Nouveau Front populaire (182 députés), est attendue au tournant, elle qui avait fait d'énormes promesses de campagne qui, si elles venaient à être satisfaites, à plus de 60%, au moins, offriraient au pays une relative stabilité, l'éloignant du coup de ces velléités de jacqueries, dont les Gilets jaunes en avaient déjà rappelé la couleur. Ce mouvement de protestation contre la vie chère, apparue en octobre 2018 et que le pouvoir a réprimé brutalement.
Pour inaugurer une autre politique plus équitable, il faudra donc à la gauche une alliance avec le centre, qui reste dans la mémoire collective en partie responsable de ces calamiteux résultats enregistrés depuis le début de ce septennat d'Emmanuel Macron.
La majorité des Français qui n'ont pas cédé au populisme du Rassemblement national auront donc misé sur un mouvement politique qui a déjà fait montre d'un grand pragmatisme politique dans la gestion de la chose publique, avec des bonheurs divers, bien entendu. Le ton a été d'ailleurs donné par celui qui peut revendiquer la paternité de l'idée d'un Front populaire, François Ruffin (LFI) qui a dû s'y reprendre par deux fois pour garder sa circonscription électorale, dans la Somme: «Je parle avec gravité. Les électeurs nous laissent une dernière chance. (...) Nous devons unir la France des bourgs et la France des tours. Nous devons apaiser, nous devons gouverner avec respect, avec tendresse pour les Français...» Ruffin, qui a annoncé dans la foulée son départ de LFI, qui sera suivi incessamment par une grosse poignée d'autres élus. Ce qui rétablirait de fait une égale parité entre les Insoumis gravitant autour de Mélenchon et les socialistes. Ces derniers ne vont pas tarder à faire état, dans les prochains jours, d'une similarité de points de vue avec les Verts et «Place publique» de Raphaël Glucksman. Similarité possible, mais pour la similitude, il faudra attendre encore un peu. Car l'alliance en devenir entre la gauche et le centre doit d'abord passer, pour ce qui est du Nouveau Front populaire, par l'inévitable mise à l'épreuve des égos. C'est connu, depuis toujours, l'ennemi intime de la gauche ne vient de nulle part autre que de son sein. «Ça passe, ou ça... passe» glissera un ancien poids lourd de la gauche mitterrandienne, «... la cassure nous enverrait au purgatoire et pour bien longtemps», ajoutera-t-il avec un sourire de dépit.
C'est justement à un aggiornamento, une mise à jour pour le dire en bon français, qu'appellent aussi ces Maghrébins rencontrés Place de la République, parmi une foule en liesse, heureuse surtout d'avoir échappé à l'étau de l'extrême-droite de Marine Le Pen. «Nous n'avons cessé d'échanger entre nous durant toute cette semaine, d'abord pour décider le maximum des enfants d'émigrés à surmonter leur pessimisme viral pour prendre le chemin des urnes. Nous avons quadrillé la France. Et le résultat est là!» Ce à quoi un autre start-uppeur d'ajouter: «Maintenant, nous devons être gentiment fermes avec certains dirigeants de la gauche. Il faut qu'ils cessent de nous voir avec le tapis de prière sous le bras, comme naguère en caricaturait le Gaulois avec son béret et sa baguette sous le bras. Notre foi relève de la sphère privée. Dans l'espace public, notre bulletin de vote fait de nous des citoyens, point barre!»
Est-ce une forme d'hubris avérée?
La réponse ne tardera pas à fuser: «En s'adressant aux Maghrébins en citoyens, on n'omettra pas de nous signifier nos droits.» Le reste, c'est du paternalisme qui ne dit pas son nom. C'est un chantier qui ne va pas tarder à être ouvert. Las de servir pour certains d'alibis, pour d'autres de repoussoir, voire d'épouvantail du côté du RN. En s'attaquant aux binationaux, le tandem Le Pen-Bardella a crû réellement flatter jusqu'à la nausée l'instinct raciste de cette frange de Français qui s'est, en fait, trompée de colère. Et la note a été payée cash! «Nous ne sommes pas un pays raciste, mais un territoire où des racistes circulent, et en nombre. N'oubliez pas que nous vivons avec plus de 12 millions d'étrangers parmi nous. Et en bonne intelligence.» Mais la vigilance reste de mise, le discours électoraliste de certaines parties a encouragé la libération du langage raciste. Une désinhibition qui ne s'est pas contentée de la rue, mais s'est aventurée jusqu'à certains cercles politiques, où elle a trouvé une oreille plus qu'intéressée.
Et ce n'est pas Xavier de Driencourt, l'ex-ambassadeur de France en Algérie, qui contredirait cela. Se voyant sans doute dans la peau de futur ministre des Affaires étrangères, de la Lepénie, il chargea la mule au point de révéler ses limites. Ce diplomate agita «les Accord d'Évian» tel un hochet qui capta l'attention de nombre de politiques, et pas seulement du côté de Marine Le Pen.
Et c'est un vieux briscard de la presse, Jean-Pierre Séréni qui éventa la machination: «Tout commence le 25 mai 2023 avec la publication de Politique migratoire: que faut-il faire de l'accord franco-algérien de 1968? une étude de Xavier Driencourt, ancien ambassadeur français en Algérie. La réponse à la question du titre est claire: il faut abolir un texte largement oublié de tous, sinon de ses ‘'bénéficiaires'', parce qu'il favorise en France l'immigration algérienne, objet de peurs et de fantasmes dans une partie de la population.»
Driencourt, le seul ambassadeur à rempiler à Alger (2008-2012; 2017-2020) est en plus un adepte de l'amnésie politique, sinon il se serait rappelé le discours historique de Houari Boumediene, en septembre 1973 annonçant «la suspension immédiate de l'émigration en France en attendant que les conditions de sécurité et de dignité soient garanties par les autorités françaises aux ressortissants algérien». On se souvient de cet historique cri lancé à une assistance paysanne, dans une steppe battue par les vents: «Plutôt manger la poussière de cette terre que traverser la mer pour être tué!»
Un demi-siècle plus tard, et dans ce même état d'esprit, Abdelmadjid Tebboune, d'un ton sans appel, rappellera que «la mobilité des Algériens en France a été négociée et il convient de la respecter. Il y a une spécificité algérienne même par rapport aux autres pays Maghrébins» (Le Figaro, 29 décembre 2022).
Avant le second tour des législatives françaises, certains cercles au fait du secret des dieux glosaient à plus soif sur les mesures de rétorsion que le RN réservaient à l'encontre de l'Algérie.
Alors qu'une ou deux notes dites «blanches» avaient informé ces mêmes cellules de réflexion de l'absence totale de prise sur l'Algérie. «Aucune pression économique, financière ou autre ne pourra s'exercer sur l'Algérie. Le pays est bien bordé, encore plus depuis 2019.»
Conclusion, si sur le plan interne en France, la balle est au centre... gauche; entre l'Algérie et la France, la balle est aussi au centre... Égalité dans la parité!

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