Participation électorale
Un engagement moral sur un chemin de confiance
La campagne électorale 2024 tire à sa fin. C'est l'occasion de rappeler les motifs qui conduisent à plaider pour une large participation au scrutin du 7 septembre et pour un choix de raison fondé sur la réalité des choses, à distance des humeurs, des émotions et des illusions. De fait, maints commentateurs et polémistes, d'ici et d'ailleurs, auscultent cette élection pour y découvrir des lacunes, y déceler des manquements et juger de sa qualité.
Les uns, impartiaux, s'en tiennent à la réalité objective, tandis que d'autres, regardant cette réalité à travers leurs propres certitudes ou opinions personnelles, le font à l'aune des normes en usage dans les États avancés où l'électorat se réfère à des idées, des valeurs et des projets portés par des organisations partisanes solides, s'appuyant sur des militants engagés et solidement formés.
Ce sont des États où existe aussi une opinion publique, c'est-à-dire «un ensemble de jugements sur les problèmes actuels auxquels adhère une grande partie des membres d'une société» (J. Stoetzel, 2006). Cette opinion est mesurée par des instituts spécialisés grâce à des méthodes de sondage. De plus, dans de tels États, une élection présidentielle se caractérise généralement par une forte mobilisation de l'électorat et par un taux de participation appréciable. Or, il est patent que cette configuration n'est pas transposable en l'état à un pays en développement comme le nôtre où les paramètres de nature sociale, politique, économique, sociologique, culturelle ou psychologique sont différents. Aussi, transgresser ces paramètres, est assurément illusoire, en raison des faits réels. Relativement à l'Algérie, force est de constater que l'État est à ses débuts, se cherchant et poursuivant laborieusement sa croissance comme l'ont fait avant lui ses «aînés» de vieille tradition étatique.
Les partis, les médias, le militantisme, la culture historique et autres déterminants du comportement politique et électoral y sont encore balbutiants, tandis que la raison peine à s'affirmer face à la passion qui est l'une des principales caractéristiques du tempérament algérien. Il est clair, en tout cas, que bon nombre de citoyens en sont bien conscients.
Ils savent que l'option devant laquelle ils se trouvent, aujourd'hui, est simple et qu'elle s'inscrit dans un contexte irréductible: soit bouder les urnes, soit au contraire s'impliquer dans un processus susceptible de faire évoluer leur pays. De ces deux attitudes contradictoires, celle qui est agissante et utile est naturellement la seconde parce que le choix de se rendre aux urnes consiste non seulement à exercer un droit et à accomplir un devoir, mais aussi à raffermir la légitimité des résultats du scrutin et, par ricochet, à consolider un jeune État qui a été à chacune des six décennies qu'il a traversées depuis sa naissance en 1962 fortement ébranlé par des crises plus ou moins sévères. Certes, en Algérie le vote n'est pas une obligation juridique contraignante, contrairement à quelques autres pays, mais c'est à coup sûr un engagement moral dicté par une aspiration séculaire des Algériens qui en ont été trop longtemps privés.
Il s'inscrit donc dans la logique d'une histoire qui les a associés au sein d'un seul et même projet émancipateur à la faveur duquel ils sont devenus à partir de 1962 des citoyens à part entière. Autant dire que dans notre pays, le vote est chargé d'une sorte de vertu intrinsèque qui incite à ne pas s'en détourner. Nonobstant l'évènement circonstancié du 7 septembre, une forte participation représenterait assurément un acte symbolique d'obligation envers les précurseurs du suffrage universel en Algérie.
Ce serait aussi une attitude confortant l'État dans son intention de tracer le chemin d'un avenir stimulant, partagé par chacun à l'échelle individuelle, ainsi qu'une posture offrant au monde l'image d'une Algérie qui s'emploie à retrouver sa vitalité coutumière après les déconvenues qu'elle a traversées. Quant à l'option de l'abstention électorale, elle est vaine parce qu'elle s'apparente à un positionnement subversif d'une stérilité avérée, étant donné qu'elle ne résout aucun des nombreux problèmes auxquels le pays fait face. L'abstention n'est certes pas un phénomène spécifique de l'Algérie, mais elle ne sied pas à ce pays qui a combattu durant des décennies l'ordre colonial qui avait fait de ses habitants des citoyens de seconde zone.
D'où l'intérêt, en ces ultimes jours de campagne, d'évoquer la portée symbolique, historique et politique du vote, tout en faisant état du double but de cette campagne:
1-expliquer les enjeux multiples du scrutin;
2-persuader les électeurs de l'utilité de se prononcer pour le plus expérimenté des candidats.
Pourquoi précisément le choix de l'expérience? Parce qu'il est dicté par un contexte où la cohésion morale de la société et son développement sont mis à rude épreuve, malgré le fait que les chocs des crises antérieures et celle de 2019 sont absorbés.
De plus, l'étape qui s'ouvre le 7 septembre 2024 est celle où les gouvernants seront à coup sûr attendus sur leur savoir-faire et leur sens de l'État, ainsi que sur leur capacité à accélérer le rythme pour passer des intentions généreuses aux actes concrets, tout en fédérant les volontés et les intelligences sur un nouveau chemin de confiance.
*Membre du Conseil de la nation