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Histoires de famille

La greffière appela un vieillard, un jeune homme et une femme. Nul ne savait à quoi l’assistance allait assister, sauf que trois «gentilles» personnes s’avançaient, vers la barre, la mine défaite.

Le débonnaire président de la section correctionnelle du tribunal, était en voie de liquider un rôle monumental, puisque ce samedi, pas moins d'une centaine d'affaires étaient sur le pupitre du juge, qui en a vu, cependant, d'autres. La greffière appela un papa, son fils et sa fille à la barre. Personne ne savait à quoi l'assistance allait assister. Il faut vite imaginer que le président a commencé les débats à neuf heures trente, et qu'à treize heures passées, il n'avait pas encore épuisé son rôle. Il passa sa petite quenotte sur son très beau visage clair, que mettait en valeur une belle chevelure blonde, tombant nette sur ses frêles épaules, et lança sur un ton monotone: «Alors, Si Hadj, dites-nous un peu pourquoi vous avez déposé une plainte à l'encontre de votre fille et de votre fils? Et vous deux, savez-vous ce que vous avez fait à votre papa? Puisque la plainte porte sur les menaces, vous devez aussi savoir que cet article de loi n'est pas si tolérant. Cependant, il faudra bientôt le prouver.» Un long silence noie toute la salle d'audience, où ne sont restés que les derniers détenus-arrivés, bons pour la comparution immédiate. Comme c'est la coutume dans toutes les juridictions, et depuis des années, le service d'ordre est attentif, gentil, courtois, disponible, vigilant, mais très ferme. Les deux inculpés sont frère et soeur. Cette dernière est avocate. Une avocate âgée de plus de cinquante ans, inculpée, ne peut pas être rencontrée à chaque coin de rue, ou à chaque audience. Ce jour était noir pour le conseil, car c'est peut-être la 1ère fois, qu'il défendait une consoeur contre son paternel: une avocate affable, gentille et serviable, qui se trouvait sous le coup d'une inculpation de menaces et pour clore le tout, poursuivie par son propre père, malade et âgé de quatre- vingt- cinq ans. A ses côtés, se tient son jeune frère, lui aussi coincé par les graves poursuites. À gauche des inculpés, la victime et de l'unique avocat, le représentant du ministère public, qui est carrément assis, tel un «pacha». D'ailleurs, il n'aura même pas à trop intervenir, le juge, en professionnel qu'il est, mènera la barque à bon port, car il a deviné au tout début du procès, que cette histoire tient à un fil à couper le beurre, et les faits seront donnés par la victime en personne, tant la haine «rouge» et une rancune»noire» la rongeaient.
En effet, tout ce drame familial qui a vu le patriarche mettre dehors ses deux enfants, mariés et parents d'enfants sur les sept que compte El Hadj, provient du fameux et millénaire malentendu marâtre-enfants! La victime l'a dit et répété sans trembler: «C'est ma femme. Je veux qu'elle soit respectée jusqu'à la fin. C'est clair, non? Je ne le répéterai plus, vous êtes chez moi, vousvous comporterez comme je l'entends, du moins, toi, (il désigne la fille de l'index en guise d'avertissement), tu as intérêt à ne plus rien dire tant que je suis vivant!». Puis il s'adresse au fils, confus, la tête basse, muet, ne trouvant aucune couverture afin de s'envelopper dedans, car un affreux setiment de honte l'habitait, et le recouvrait entièrement: Quant à toi, ne t'avise plus de remettre les pieds chez moi. Tu es un homme, non? Va chercher une bicoque où loger ta famille! Cela t'apprendra à me provoquer, moi, ton propre père âgé, malade, diminué, écrasé, mais toujours debout veillant sur sa femme, qui ne m'a jamais laissé tomber.»
Entre-temps, le jeune parquetier fraîchement débarqué du tribunal de la cour d'Oran, feuilletait le code pénal, probablement à la recherche de l'article reprenant «les menaces», le 284 (ordonnance n°75 -47 du 17 juin 1975). Mais ce qui est navrant, triste et frappant dans ce cas d.espèce, c'est le simple fait que les menaces ont été proférées par des enfants, à l'encontre du père.
Le drame, c'est aussi que cette histoire est arrivée à la suite du remariage du patriarche. On devine aisément que les histoires étaient quotidiennes.
Le bol et son ras sont venus au mauvais moment: le papa a parlé longtemps, reparlé, menacé, averti, tournoyé la canne sans pour autant l'utiliser. Il faut aussi et surtout préciser que la juge, a su écouter tout le monde, et compris ce qu'il fallait faire. La fille inculpée et avocate, était étouffée par l'émotion. Elle assura le magistrat que son père a surtout dit des trucs, qui dépassaient ses pensées.
Le fils a aussi pleuré. Pleuré d'avoir été mise à la porte par son père. Mais Me Med Djediat, le vieil avocat a affirmé bien connaître la famille et qu'il saura, avec le temps, réconcilié toute la famille. Ce qui est à signaler, c'est le fait de voir le patriarche parler en même temps que le conseil plaidait, agacé, mais non dérangé. Loin de là! Le juge est tout de même presqu'heureux que les débats aient pris fin sans accrocs. Rappelons que le papa - victime de menaces de la part de ses propres gamins, s'est tellement plaint, en faisant les cent pas à la barre, que les présents se sont sentis interpellés. Après que les enfants se soient excusés auprès du paternel, le président a décidé d'une courte mise en examen de cette affaire, à oublier au plus vite!

De Quoi j'me Mêle

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