Un amour emporté par l’orage
Le procès du jour aura été incontestablement celui de l’ex-épouse, Fatouma, qui a obstinément refusé de remettre les enfants au père lors d’une journée fériée…
L'affaire du jour est une histoire qui se passe, pratiquement, tous les jours, qu'Allah crée. Un couple désagrégé en des moments très durs, a laissé des traces indélébiles dans le quotidien des gosses, ces malheureux enfants ballotés entre deux «coeurs» qui battent pour eux. Ainsi, après le passage de l'orage qui a emporté avec lui des, amours, à jamais, mortes, c'est le temps d'une lutte acharnée pour avoir de son côté, les bambins! L'ex-Mme refuse de temps en temps, au divorcé par «khôl», cette tranchante lame du fameux code de la famille, le droit de visite. Sauf que cette fois-ci, Mme avait prétendu qu'ils étaient en période vacancière, et donc, ils étaient chez elle. Donc, il nr restait à M., qu'à faire la «chine» et attendre son tour. Pour le juge, le dossier est tout autre.
Les détenus n'arrivèrent qu'à 9h 30, et les deux magistrats, sous la houlette du vieux Hocine Hamdi, le greffier de l'audience, entrèrent pour l'appel des causes. La trentaine d'avocats faisaient les inévitables va-et-vient, afin justement, d'éviter l'agaçante, et surtout l'écrasante humidité, comme seul El Harrach peut en connaître. Le 1er détenu vit son procès être reporté à cause de l'absence de son conseil. Walid Kouici, le jeune juge du siège, était ce dimanche, malgré les grosses chaleurs, dabs une forme éblouissante et était décidée à aller à la fin du rôle, car il a toujours estimé que parmi le lot de détenus, il se pourrait qu'il y ait des inculpés innocents, donc, libérables. C'est ce bon côté du jeune magistrat qui a fait, depuis les tribunaux de Cherchell et Tipaza déjà, sa bonne réputation. Après quoi ce fut le défilé des détenus de la semaine écoulée, de prendre acte des décisions du tribunal. À 11h20, vint le tour de Fatouma. E. inculpée de non-représentation d'enfants, fait prévu et puni par l'article 327 du code qui punit en 31 mots, «quiconque, étant chargé de la garde,ne le représente point aux personnes qui ont le droit de le réclamer, est puni de l'emprisonnement de deux à cinq ans.» Accompagnée de son défenseur, l'inculpée s'avança vers Kouici, comme si elle allait vers un proche parent. Tout de suite, le président décela le motif du refus de la dame de remettre les gosses au paternel. «Je suis désolée, monsieur le président, mais pendant les vacances, on se partage les semaines. C'est bien noté sur le feuillet, que j'ai pris de la section»affaires familiales». Une fois chez lui, l'autre fois, c'est moi. Je n'ai fait qu'obéir à la loi, comme vous le dites si bien.»,articule, lentement, l'inculpée apparemment armée de termes juridiques qu'elle emble avoir appris par coeur. Mais le juge lui, n'a rien à apprendre, en termes juridiques lui qui applique assez souvent, la loi, sans crainte, ni pression de quiconque. Kouici a lui aussi bien écouté l'inculpée se défendre, et il ne lui restait plus qu'à lui répondre de la même manière, avec, cependant de nécessaires correctifs pour que justice se fasse, normalement.
-Non, non, inculpéee! Dans ce cas, il y avait une fête religieuse, et vous deviez remettre les gamins à leur papa. La différence est là car là aussi la loi est on ne peut mieux claire»,coupa Kouici, qui prit l'heureuse initiative de lire en entier le texte de loi. La femme ne dit mot. Elle cherchait la réplique, en vain. Elle venait de saisir enfin, que le juge était le plus fort car ses arguments étaient puisés des fins fonds des lois, les plus fraîches.
Mal lui en prit, car le magistrat, après lui avoir dit, au tout début du procès, signe de bonne volonté, «madame», au lieu d'»inculpée», ouvrit son lexique de mots acérés pour faire comprendre à l'ex-épouse divorcée, que le divorce, ailleurs dans d'autres continents était souvent, une nouvelle ère, faite d'entente, d'amitié» et de bon sens. «Chez nous, c'est tout à fait autre chose allant jusqu' à la déclaration de guerre, comme c'est le cas aujourd'hui. Et cette manière de faire va complètement à l'encontre de la loi. Il est formellement indiqué que l'expression du droit de garde, est une véritable institution! Je dirais même un acte de civilisation! C'est aussi un échange d'idées concernant l'avenir des enfants.
Oui, malheureusement, chez nous, on s'obstine à tout faire, oui, absolument tout, pour gâter, et pourrir l'atmosphère entre les familles. Donc, les enfants en premier lieu, en sont les victimes sacrifiés, avant de déborder sur les autres franges des familles.» récita le courageux juge qui était, comme le reste de l'assistance, complètement «noyé» dans une salle d'audience, «otage» de cette sacrée humidité. Il y avait même des avocats qui sont partis, après avoir laissé l'affaire à un confrère plus jeune, donc, plus apte à supporter le climat franchement insupportable de ce dimanche.
L'inculpée, elle, avait ouvert les yeux, et regarda, bien au fond des yeux son conseil qui avait dû lui dire exactement ce que, le jeune magistrat, Walid Kouici, venait de dicter à tous. La mise en examen du dossier, a été annoncée par le juge...