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75e Festival de Cannes

De Serebrennikov à Gray : une âme russe en déshérence

Un puissant film aux accents baroques et au lyrisme appuyé.

Tout le monde a pris ses marques ou presque. Les choses sérieuses, ont bel et bien commencé. On s'apprête à enfiler les films, comme d'autres des perles, sauf que le calibre est, cette fois, souvent assez conséquent, la durée excède parfois plus de deux heures d'images, voire 150 minutes. Et à raison de trois projections par jour....
Des caps qui paraissent insurmontables, n'eût été la thématique intéressante à plus d'un égard. Ce fut le cas de «La femme de Tchaïkovski» de l'enfant terrible du cinéma russe, Kirill Serebrennikov qui, après avoir exploré avec succès le monde du rock underground «Leto» (2018 le voilà renouant, dans la forme, avec les grands classiques soviétiques, celle de l'époque de «Quand passent les cigognes» de Kalatazov (Palme d'or 1958), celle du noir et blanc et ses rais de lumières qui courent sur les boiseries de ses maisons de maîtres érigées parmi les bois de bouleaux de la clairière russe. Serebrennikov, avec une liberté de mouvement assez bridé et l'absence de financement public, aura réussi à donner à l'âme russe, une existentialité que peu de cinéastes (Andreï Tarkovski, mis à part) auront réussi à rendre bien réelle. Chez le cinéaste russe, Tchaîkovski, l'intouchable icône n'est plus hors d'atteinte, il peut être raconté via son histoire matrimoniale, ratée. Par le biais de cette épouse qui s'était imposée à lui et qu'il réussira à maintenir à distance, à coups de pensions alimentaires forts conséquentes. Espérant ainsi que sa désaffection pour la gent féminine et ses attirances masculines disparaîtraient derrière ce mur de roubles qu'il pensait ériger entre lui et son public. Empêché depuis des années par Moscou de se pencher sur le mythe qu'aura été, de son vivant même, Piotr Tchaïkovski, Serebrennikov contournera donc le problème en l'attaquant par sa face Nord, consacrant presque tout son propos au cas de Antonina Miloukova, l'épouse éprise, jusqu'à la démence du légendaire compositeur. On découvre que dans cette Russie tsariste, la femme n'existe que par son mari, le seul qui peut autoriser son divorce. Une soumission qui ne connaît pas la lutte des classes. Un grand moment de cinéma qui en dit long sur la servitude en place.
L'humanité entêtante dans le script de ce film trouverait tout son sens dans la présence de Arabov, le plus fidèle collaborateur d'Alexandre Soukorov et la boucle est bouclée! Un puissant film aux accents baroques et au lyrisme appuyé.
James Gray, de retour avec un film «Armaguedon Time», a offert aux festivaliers un film à hauteur d'enfant, avec cette innocence qui déroutera, un temps, les adultes autour, mais qui sera le plus souvent tel cet aimant qui guidera pour longtemps l'aiguille de la boussole de la vie. Et la vie du petit Paul, petit-fils d'immigrés ukrainiens, grandissant dans un giron familial strict mais aimant, va évoluer au gré de son humeur vagabonde qui lui fera franchir aisément les frontières tacitement tracées entre les riches et les pauvres et surtout entre les Blancs et les Noirs. Tout cela dans une Amérique qui s'apprête à
voter Ronald Reagan («Armageddon», s'écrira la grand-mère) au grand dam de la famille du petit Paul aux prises avec ses propres dilemmes comment être fidèle à l'amitié de Johnny, le garçon noir qu'il a connu à l'école publique avant d'en être séparé lorsqu'il a été contraint de migrer vers une école privée dans les beaux quartiers où l'on formait l'élite républicaine et où l'on retrouvait parmi les généreux mécènes, un «généreux» donateur, un certain... Franck Trump, géniteur de Donald.
Il y a comme un lien ténu, mais réel entre ces deux films du jour, le russe et l'américain... Une ode à l'âme russe, instillée à bas bruit comme une sonate d'automne qui rappelle les plus belles pages de Tolstoï.

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