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Nassim Dendane, Auteur-Compositeur et Interprète, à L’Expression

«Je raconte des histoires…»

Sur initiative de l’Institut français d’Algérie, Nassim Dendane alias Dendana vient de clôturer une tournée artistique qui l’a mené,notamment à Alger,Oran, Tlemcen, Constantine et Annaba. Nous avons rencontré l’artiste qui vient de sortir son 4eme album baptisé Chadi madi, avant sa montée sur scène à Alger.Serein, il nous confiait les raisons de son départ en France, mais son attachement pour l’Algérie aussi, ainsi que ses espérances, tout en évoquant sa musique qui puise ses influences,en particulier dans le blues, le rock et le patrimoine saharien. Enfin, il nous parle de sa vision sur le rôle de l’artiste dans la société…

L'Expression: Vous revenez en Algérie avec un nouvel album qui s'apelle Chadi madi. Pourquoi d'abord ce titre?
Nassim Dendane: Ça fait partie de notre patrimoine, ça rappelle notre enfance aussi, c'est le retour aux sources. C'est quelque chose qui appartient à tous les Algériens et que l'on retrouve aussi dans tous les pays. En France on dit Amstram Gram, en Angleterre on dit Eni Minimo..Les Brésiliens ils l'ont. C'est quelque chose d'international et ca renvoie surtout à l'enfance. Pour moi ça représente l'Algérie que j'ai aimée...

Le texte est beaucoup plus profond, on sent le doute, une chanson introspective et personnelle de l'artiste qui hésite entre rester ou partir...
Je l'ai récemment dit, dans un podcast, animé par des amis, Réda Sediki et Amine Benchekroun: j'aurai aimé être bien dans mon Algérie, sous le soleil, avec toute la beauté de ce pays et sa diversité et pouvoir pratiquer mon art, la musique, mais... je reviens à cette question du retour aux sources de Chadi madi. Rester dans son pays ou partir. Ecrire des histoires c'est très plaisant, faire voyager des gens sur place. Le choix de partir en France, s'est fait par rapport à ma formation, elle n'existait pas sur le territoire algérien à l'époque. Aujourd'hui, ça existe, il y a des formations en art du spectacle... Moi j'étais parti pour étudier l'administration et gestion de la musique et je suis resté sur place. Cette formation manque en Algérie car, clairement, il n'existe pas d'industrie musicale. C'est une industrie qui fonctionne de façon très commerciale certes, mais il n'y a pas tous les secteurs. On ne remplit pas tout l'organigramme d'une entrprise.Je voulais apprendre ça et ramener ce savoir- faire en Algérie. Apres, c'est plaisant quand on est jeune de rester et continuer d'apprendre et de pratiquer surtout la production. Car je fais de la musique et j'écris certes, mais je produis tous mes albums. En France, il y a vraiment des systèmes d'aide à la société civile, des producteurs phonographiques, il y a le CNM (le centre national des musiques) qui donne de l'argent, il suffit de monter des dossiers de subventions, on fait des budgets prévisionnels et on nous donne en fonction de ce que le projet vaut. C'est une commission d'écoute qui s'occupe de ça. J'ai décidé de rester en France, mais ce n'est pas définitif parce qu'aujourd'hui je suis en Algérie et c'est ma première tournée. Il a fallu que je fasse quatre albums pour que je vienne faire une tournée en Algérie. C'est très réjouissant et très émouvant car les gens me connaissent. J'ai pu mettre enfin un visage sur des noms que j'ai croisés seulement sur les réseaux sociaux. C'est quelque chose de très plaisant d'être entre deux rives. J'ai beaucoup appris avec le voyage, avec les rencontres, je pense que c'est ça qui m'a beaucoup appris, le fait que je sois parti... C'est la diversité. C'est être dans un bain comme Paris où ca foisonne de gens qui viennent du monde entier et de ça, tu apprends beaucoup.

En effet, votre album est aussi le reflet de cette richesse culturelle parisienne vu qu'il y a beaucoup d'influences musicales..Mais il y a ce premier morceau qui interpelle, lié au Hirak...
Ça peut être très mal interprété en Algérie parce que ça devient très dangereux de s'exprimer sur ce sujet-là. Mais en fait, moi je rappelle juste le rôle de l'artiste dans une société. Ce n'est pas de changer l'opinion publique. C'est arriver dans l'histoire peut- être, mais moi je me positionne comme le reflet de la société. L'artiste est un miroir de la société. Je raconte un fait, un moment dans l'histoire où à un certain moment, le peuple a voulu quelque chose. La musique c'est une évolution synchronique. On raconte l'instant et cet instant là s'écrit dans l'histoire. Dans une civilisation on ne se rappelle de son art qu'au final. En Égypte on se rappelle de l'hiérogliphe, de l'architecture, mais on ne sait pas quel système économique ou politique avaient à l'époque les Égyptiens. Pour moi c'est quelque chose d'essentiel à la construction d'une civilisation algérienne qui est très jeune. Nous sommes indépendants depuis 60 ans seulement. Notre histoire s'écrit au fil du temps. Je pense qu'il est important de raconter, non pas de prendre position. D'ailleurs, je n'ai pas fait un seul pas dans cette révolution..J'ai voulu être témoin de ce que le peuple a voulu à ce moment-là...je n'ai pas voulu participer car je ne savais pas comment cela allait finir. J'ai préféré laisser le temps pour raconter cette action-là. J'y suis allé une fois à la place de la République. C'était très émouvant. J'ai eu plein de propositions après pour chanter et prendre la vague, mais j'ai refusé. Moi je raconte l'instant et cet instant se raconte plus tard. Les gens regrettent que le morceau ne soit pas sorti pendant le Hirak, j'ai répondu, non! Ce n'est pas ma mission. Moi, je raconte une histoire. C'est ce que je fais dans mes autres chansons. On retrouve divers thèmes dont l'amour, la société, la diversité, un sujet qui me tenait aussi à coeur est le Noir et le Blanc algériens. Le Sud et le Nord. C'est quelque chose que j'avais vu de mes propres yeux. C'est un tabou dans les familles, on n'en parle pas. Va marier une blonde aux yeux bleus à un touareg de Tamanrasset! Je pense que la famille va s'opposer et c'est quelque chose de réel dans cette société. Voila ma mission, elle consiste à raconter simplement des histoires. ce n'est pas de changer l'opinion de qui que ce soit...

L'album se termine par une berceuse...
Oui, parce que cet album a été composé à une période où j'écrivais à la fois quelques vers et je remettais une tétine à ce moment- là Donc c'était normal que la berceuse s'impose au final dans cet album.

Hormis les textes, on sent que la composition musicale est très importante aussi à vos yeux. On sent également l'omniprésence de l'âme du désert, dans une palette musicale très métissée...
Je suis venu plusieurs fois l'année dernière, pour d'autres raisons. J'ai perdu mon père. Ça m'a rapproché de l'Algérie, le fait de venir souvent. J'ai voyagé, je suis allé dans le désert, à Adrar, suis revenu à Alger, je suis allé à Oran, qui est une ville incroyable, qui bouillonne d'art, de culture, de bonne humeur et de joie de vivre... Ca m'a rapproché de mon pays, j'ai voulu faire quelque chose qui était musicalement déjà normale parce que l'Algérien est international. On a beau lui fermer les frontières, lui refuser le visa, l'algérien reste très international. Ma musique est algérienne. Je la vois comme ça. Aujourd'hui, il y a des jeunes qui me parlent en anglais, c'est quelque chose de très nouveau pour moi. Il y a les francophones et les anglo-saxons dans une même Algérie. On retrouve plusieurs dialectes, plusieurs langues et plusieurs traditions et c'est ce qui est beau dans cette Algérie. Il faut la voir dans son plus beau profil, je pense. C'est ce que j'essaye de faire dans la musique. Donner le meilleur d'une Algérie et on verra après, parce qu'elle est encore en train de naître, elle est jeune...

Un mot sur votre rencontre avec Youcef Boukella qui a signé la musique du titre Chadi madi...
Sur cet album, tous les musiciens que j'ai pris avec moi sont tous des personnes que j'ai rencontrées et que j'ai aimées durant ces 13 années où je me suis installé en Franc. Parce que quand on arrive dans un pays on se reforme une famille et on les aime de la même manière. J'ai, du coup, rencontré Rodrigo Viana qui est un super guitariste brésilien, Jeff Ludovicus aussi, un batteur que j'admire et évidemment Youcef Boukella qui est mon voisin à Montreuil. Pendant la pandémie de Covid, on s'est échangé quelques mails et envoyé quelques mélodies. Ça a tout de suite accroché. J'ai écrit le texte de Chadi madi et lui, il a fait la musique et c'est comme ca que l'histoire de cet album a commencé...Ce fut un plaisir d'avoir Youcef Boukella sur cet album. Il a une telle créativité, il a participé avec son énergie, ses idées, sa direction artistique et son expérience. C'est un artiste très expérimenté et je crois que jusqu'ici, c'est le meilleur album que j'ai fait. À chaque album je dis ça. Mais celui-là, c'est vraiment le meilleur!

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