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Mohammed Attaf, écrivain, à L'Expression

«La vie est un réservoir inépuisable de sujets»

Mohammed Attaf écrit depuis la fin des années 60. Il est l’auteur d’une quinzaine de livres dont des romans, des essais, recueils de nouvelles et de poèmes, un journal, une biographie, etc.

L'Expression: Que représente pour vous le fait d'être actuellement le doyen des écrivains de la wilaya de Tizi Ouzou?
Mohammed Attaf: J'ignore si je suis réellement le doyen des écrivains de notre wilaya sachant que chez nous, nombreux sont ceux qui écrivent, surtout parmi les personnes âgées, des histoires vécues, romanesques, poétiques, qui décrivent leur parcours qui peut toucher plusieurs domaines de la vie quotidienne, ou tout simplement fouiller dans l'imaginaire qui est un réservoir de thèmes et de sujets inépuisables. En tant que doyen, comme vous le dites, des écrivains de notre wilaya, je me ferai un honneur et un devoir de faire de mon mieux pour être à leur côtés pour partager nos expériences, échanger nos différentes manières d'aborder un manuscrit, des thèmes traités et évoquer les difficultés que nous vivons concernant l'édition

À Quand remontent vos premiers pas dans l'écriture
Mon premier poème a été publié dans la revue Promesses éditée par le Ministère de la Culture et dont le directeur était l'écrivain Malek Haddad. C'était dans le numéro de Mai/Juin 1970 et son titre était «L'Adieu», un poème où je fais les adieux à toutes les humiliations que nous avait imposées le colonialisme. Depuis, j'ai régulièrement publié des poèmes dans cette revue jusqu'à Janv/Février 1974. Quant à ma première nouvelle dont le titre est «Soleil mon symbole», Soleil symbole de la Liberté, elle a été publiée par l'hebdomadaire Algérie-Actualité en 1972. Plus tard, le journal Horizon, dans sa page spéciale «Horizons de l'édition» me publiait presque chaque semaine une nouvelle. Et depuis, je n'ai jamais cessé d'éditer dans les journaux et les revues notamment la revue mensuelle «Regard sur la Kabylie» où pendant cinq années, j'ai publié toutes sortes d'articles culturels.

Vous êtes un écrivain qui touche à plusieurs genres: poésie, nouvelle, roman, essai, journal, histoire. Pourquoi cette diversité dans les genres d'écriture?
Je ne voulais nullement me cantonner dans un seul genre d'écriture ni dans un seul thème. La diversité est partout et c'est elle qui fait notre richesse et qui nous permet également d'avancer tout en offrant, à chaque publication, un genre différent, un sujet différent, des personnages différents afin de dire que le monde où nous vivons ne se limite pas à notre environnement immédiat. C'est cette diversité qui m'a permis d'écrire et d'éditer onze livres, tous genres confondus. Mes premiers écrits étaient des poèmes. Ensuite, je suis passé à la nouvelle, puis au roman mais en parallèle, j'ai tenu un journal où j'écrivais régulièrement tout ce qui se passait chez nous, à Tizi Ouzou, en Kabylie et dans l'Algérie toute entière et ce depuis septembre 1971 à Mai 2001. J'ai cumulé trente années d'histoire contemporaine de l'Algérie dans lesquelles se figent les événements les plus marquants avec leurs joies et leurs angoisses, leurs réussites et leurs erreurs, leur mal-vie et leurs révoltes. À partir d'un simple journal, j'ai retracé et conservé un patrimoine historique des trois décennies les plus mémorables et les plus décisives de notre pays. Je me sentis comme interpellé comme par mon défunt ami, Samy El Djazaïri, afin qu'il ne tombe pas dans l'oubli ainsi que par notre histoire, surtout celle par la période historique de la Numidie à ce jour. Je ne pouvais occulter ma ville natale, Tizi- uzou, la ville qui m'a tout donné, la ville où je réside à ce jour, la ville que je ne quitterai jamais, d'ailleurs je lui ai consacré un beau-livre dont le titre est «Tizi-Ouzou à travers les âges». Parfois, vous vous réveillez le matin, et sans même réfléchir, un thème, une histoire, un événement vous sollicitent pour en faire un livre et parfois, ce livre ne se concrétise pas facilement, certes, pour l'offrir aux lecteurs.

Lorsque Amin Zaoui était directeur de la Bibliothèque nationale d'Alger, en 2008, vous avez reçu le prix littéraire Apulée pour votre roman «L'arbre de la Chance», pouvez-vous revenir sur cette récompense reçue à vos débuts dans l'édition?
Le livre venait de paraître aux Editions-Alfa, c'était en 2006. Et puis j'ai vu un communiqué de la Bibliothèque nationale d'Alger annonçant l'organisation du concours «Apulée» pour récompenser le meilleur roman. J'ai participé sans aucune prétention sachant que c'était mon premier roman, qu'il venait d'être édité, qu'il devait peut-être contenir des imperfections, des contradictions ou simplement des insuffisances dans le mode d'écriture et dans la suite des événements. J'ai tenté ma chance comme tant d'autres et puis un jour, j'ai été invité par les organisateurs à assister à la remise des prix des lauréats. Après tout le cérémonial officiel, présidé par Amin Zaoui, directeur de la Bibliothèque nationale et écrivain, on ouvrit l'enveloppe et on annonça que Mohammed Attaf avait obtenu le «prix Apulée». Pour moi, c'était une grande joie certes, mais aussi une gêne parce que je ne savais quoi faire, quoi dire mais j'ai pu me débrouiller même si je n'y étais préparé.

Pouvez-vous nous parler un peu plus de ce roman primé?
«L'arbre de la Chance» a été mon premier livre, un roman, qui a été édité en 2006, par les éditions Alpha. Dans ce livre, je raconte, tout simplement, les souvenirs de mon enfance, à Tizi-Ouzou qui datent des années 1940 et 1950, période de la Seconde Guerre mondiale, avec toutes ses séquelles. Je suis remonté vers les années 1920 et 1930 pour raconter également la misère vécue par nos parents. Je me suis appuyé sur les témoignages de mes parents mais aussi des personnes qui avaient encore en mémoire leur quotidien, avec ses affres et ses angoisses de ne pouvoir faire face pour nourrir leurs enfants, de les soigner quand ils sont malades ou encore parer à des situations dramatiques. Son contenu est chargé de vérités historiques de notre vie quotidienne. C'était une réalité qui a été bien accueillie et bien appréciée.

Votre roman «La Sainte» a connu un immense succès auprès des lecteurs. En tant qu'auteur, à quoi peut-on attribuer cet intérêt exprimé par les lecteurs de ce roman
La Sainte est un roman qui a eu un grand succès auprès des lecteurs et surtout des lectrices. Il a été publié aux Editions Achab en 2010. Dès sa parution et après ma vente-dédicace, presque tous ceux qui l'ont lu m'ont posé une seule question «Est-ce une histoire vraie?» Et quand je leur disais qu'il s'agit d'une histoire imaginaire, ils n'arrivaient pas à me croire. C'est une histoire basée sur la jalousie d'une femme au foyer vis-à-vis de sa belle-soeur, qui est enseignante, vivant dans la même maison, où toute une série d'événements aboutissent à un drame inimaginable. Nombreux sont les lecteurs qui ne croyaient pas à une fiction. Plusieurs femmes ont versé des larmes en arrivant à la dernière page du livre. Là où je passe, plusieurs m'ont avoué l'avoir lu deux fois, trois fois. Certaines femmes m'ont dit, également, qu'après l'avoir lu, elles l'ont passé à leurs soeurs, à leurs amies et même à leurs collègues de travail en leur demandant de le lire absolument. Au dernier salon du livre de Boudjima, en me présentant au comptoir des réceptions pour récupérer mon badge, la réceptionniste m'avait dit: «Monsieur Attaf!» Je répondis «Oui». Et elle répliqua «La Sainte!». Je répondis également par un «Oui». Et elle me répéta ce que j'avais entendu plusieurs fois: «Je vous assure, Monsieur Attaf que je l'ai lu deux fois puis je l'ai passé à mes cousines et à mes collègues de travail en leur demandant de le lire»

Quels sont les thèmes qu'on retrouve le plus dans votre poésie?
Le thème dominant dans toute poésie est l'amour, l'amour dans toute sa noblesse, dans toute sa diversité. Certes l'amour de celle qu'on aime est toujours le plus fort mais il y a aussi l'amour de la patrie, l'amour des siens, fait de celui qu'on donne et celui que l'on reçoit, l'amour du travail bien fait mais aussi l'amour de tout ce qui nous appartient. «Il faut aimer sans cesse après avoir aimé» avait écrit Alfred de Musset et ce vers est devenu une citation célèbre. Et c'est une vérité qui glorifie l'amour dans toutes ses dimensions.

Vous avez publié un livre historique «De la Numidie antique à l'Algérie», pouvez-vous nous en parler?
En Kabylie, les citoyens sont constamment à la recherche de leur histoire, celle qui vient des temps immémoriaux pour comprendre leur origine, leur culture, leur mode de vie sociale, leurs coutumes et traditions, etc. Enfin tout ce qui est lié aux ancêtres sachant que l'organisation sociale de leur époque a fait ressortir un mode de gestion exemplaire de chaque village et ce, dans le domaine de la vie sociale, des rituels liés aux travaux des champs, aux fêtes religieuses, à la célébration d'événements collectifs, à la consolidation des liens fraternels et surtout, à la solidarité des Kabyles tant l'entraide est partout présente. Tout ce qu'on peut écrire sur l'histoire de la Kabylie, depuis l'origine de la Numidie à ce jour, ne suffira pas tant les citoyens sont constamment à la recherche de références historiques pour actualiser leurs connaissances et surtout pour transmettre le message à la nouvelle génération. L'histoire est l'âme d'un peuple, d'une région, d'un pays. C'est tout cela qui m'a poussé et inspiré à écrire ce livre qui a été bien accueilli, qui a très bien marché si bien qu'il a été réédité une seconde fois. Et je peux dire encore que dans la majorité de mes livres, y compris ceux de la poésie, il y a toujours la présence de ma ville natale pour l'honorer pour m'avoir tout donné.

Justement, vous êtes très attaché à la ville de Tizi Ouzou qui occupe une place importante dans vos textes et dans votre vie quotidienne. Pourquoi?
Tizi-Ouzou est ma ville natale, mon passé, mon présent et mon futur. J'ai vécu heureux dans son berceau qui est la Haute-Ville, au quartier de Lalla Saïda, mais que l'administration coloniale, tout comme les colons, appelaient cyniquement «Le Village indigène». J'ai vécu aussi dans ses quartiers, au centre-ville, à Chabet Essaghira, dans sa forêt de Harouza et dans toute sa périphérie, avant qu'elle n'explose pour suivre le monde moderne qui l'a dénaturée. Tizi Ouzou m'a tout donné, c'est pourquoi je le lui rends par mes écrits. Je lui ai consacré un livre, publié sous forme de beau-livre par les Editions Dalimen en 2014, avec pour titre «Tizi-Ouzou à travers les âges». Il était demandé de partout, y compris de l'étranger et il a été offert par les autorités locales à tous les visiteurs de marque, notamment pour le chef des délégations étrangères. Et je continue, je continuerai toujours à l'honorer car je la considère «comme une mère, comme ma mère» si bien que je ne l'ai et ne la quitterai jamais.

Vous êtes l'auteur d'un immense journal intitulé «Chant d'angoisse et de Colère» (éditions Dalimen), pouvez-vous nous parler de ce livre où vous racontez l'Algérie au jour le jour jusqu'à un passé très récent?
Ce journal, je le considère comme un livre de l'histoire contemporaine de l'Algérie. Pendant trente années, du 8 septembre 1971 au 31 mai 2001, j'ai relaté tous les événements et les faits de la vie courante qu'ils soient politiques, économiques, sociaux, culturels, sportifs et divers autres thèmes qui donnaient à réfléchir. J'ai voyagé avec le peuple dans la vie de tous les jours où la diversité était multiple, où les coeurs ne cessaient de s'ouvrir pour vivre la fraternité. J'ai touché à tous les domaines de la vie quotidienne qui font de l'homme un être heureux ou malheureux. Ce journal raconte la vie d'un peuple, d'une ville, d'une région, d'un pays dans un théâtre d'événements sains et naïfs mais qui a fini par se transformer en un «Chant d'angoisse et de colère» par la force des tourments, de la mal-vie, des ambitions sataniques et des convoitises boulimiques.

Pourquoi avoir choisi Samy El Djazaïri, quand vous avez décidé d'écrire la biographie d'un artiste? Avez-vous connu personnellement Samy El Djazaïri?
Un jour, j'ai été dans une grande librairie et, d'un rayon à un autre, je tombe sur celui réservé aux chanteurs, vivants ou décédés. Je consultais les titres, je regardais les photos des artistes sur les couvertures et ils étaient nombreux. C'était bien mais, pour moi, il manquait quelqu'un. C'était Samy El Djazaïri! Et c'est là où j'avais décidé d'écrire ce livre sur Samy El Djazaïri, que j'ai bien connu, le célèbre chanteur de notre Haute-Ville, de notre Tizi Ouzou. Il était grand, beau, élégant, courtois, souriant, aimable et surtout, il avait une voix des astres, que j'ai repris dans le titre du livre que je lui ai consacré. Il a été édité, sous forme de beau-livre, par les éditions Dar El Houda en 2018, sous le titre «Samy El Djazaïri - La voix des astres».

En écrivant autant de livres, pensez-vous que vous vous êtes amplement exprimé?
Mes livres sont très demandés, surtout par nos compatriotes vivant à l'étranger, que ce soit en France, au Canada et même aux Etats-Unis et tout cela m'encourage à faire toujours mieux afin de satisfaire leur soif de connaître, de découvrir. On a beau écrire, toucher à des sujets variés mais, comme la vie est un réservoir inépuisable de sujets, l'écrivain fait tout pour déceler le plus important, le plus marquant pour satisfaire ses lecteurs. Mais, on a beau fouiller dans la mémoire, on a beau écrire et même si on a réussi quelques livres, on a toujours cette impression d'avoir oublié quelque chose tant le domaine de l'écriture est vaste.

Vous avez un livre, actuellement chez un éditeur, en attente d'édition. Peut-on en avoir une idée?
J'ai pour habitude de ne rien dire tant que les manuscrits proposés aux éditeurs n'obtiennent une réponse, néanmoins, je peux dire que j'ai un recueil de nouvelles et un roman chez deux éditeurs différents. Un livre n'est jamais parfait et pour réussir un projet d'écriture, il ne faut pas uniquement l'aimer, il faut en faire une passion.

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