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Témoignage et hommage

Les derniers jours de Mohia

Le récit de Nadia Mohia s’ouvre sur la journée où le corps de Abdellah Mohia est expatrié en Algérie pour être enterré dans le village natal du poète…

C'est un livre extrêmement sincère et infiniment émouvant que l'on redécouvre quelques années après sa publication aux éditions «Achab». L'ouvrage est signé par la plume acerbe et talentueuse de Nadia, soeur du regretté dramaturge et poète Abdellah Mohia dit Mohand Ouyahia, Cet ouvrage qu'on lit d'une traite est à la fois un témoignage et un hommage, mais aussi et surtout une thérapie pour l'auteure car ce qu'elle y raconte est douloureux, extrêmement douloureux. Il s'agit d'une face de Abdellah Mohia que le grand public ne connaît pas.
En lisant ce livre, on est ému jusqu'aux larmes. On se rend compte que Mohia qui déborde d'humour dans son oeuvre, était en revanche un être extrêmement tourmenté, profondément blessé. C'est celui-là, en effet le vrai Mohia, celui que décrit Nadia Mohia qui fait preuve, dans cet ouvrage, d'un talent d'écrivaine incontestable. Sa façon de raconter les derniers jours de Mohia sur son lit d'hôpital puis son enterrement tout en faisant des allers-retours s'étalant sur un demi-siècle de vie marquée par une souffrance intense, est géniale.
À aucun moment, l'auteure ne perd le fil de son récit. Il y est également question d'une analyse sans concession de la société kabyle, mais aussi de sa propre famille (celle de Abdellah Mohia). Nadia Mohia, dans son livre intitulé «La fête des kabytchous», met en lumière des douleurs qu'on a du mal à croire qu'elles ont été vécues par Abdellah Mohia compte tenu de la face très gaie et joviale qui se dégage, aussi bien des pièces de théâtre qu'il a adaptées et dont il a campé les rôles que dans sa poésie, marquée également par un humour caustique et une dérision légendaire.
Pourtant, nous dit Nadia Mohia dans son ouvrage très fort en bouleversements, Mohia a été toujours un homme en colère, un homme extrêmement compliqué qui avait les nerfs à fleur de peau. Un homme solitaire, incompris, et qui n'a jamais accepté de prendre les choses à la légère. Très jaloux pour sa culture et son identité, Mohia, refusait toutefois une certaine tendance en vogue à l'époque qui voulait laisser passer l'aspect superficiel de l'identité avant celui, plus sérieux de la recherche et du travail de longue haleine, qui peut permettre à la culture et à la langue amazighes d'être à la hauteur des défis qu'imposent les temps modernes et la mondialisation.
Le récit de Nadia Mohia s'ouvre sur la journée où le corps de Abdellah Mohia est expatrié en Algérie pour être enterré dans le village natal du poète, Ait Eurbah, à Tassaft, dans la wilaya de Tizi Ouzou. Mais avant cela, sont décrits les scènes de l'accueil de la dépouille à l'aéroport d'Alger et la cérémonie de recueillement à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, où y affluaient des milliers de personnes pour jeter un dernier regard sur «Grand frère».
En effet, tout au long du livre, c'est par «Grand frère» que Nadia Mohia» désigne Mohand Ouyahia. L'auteure trouve à chaque fois les mots exacts pour décrire chaque scène, chaque émotion, chaque colère, chaque révolte, ressenties par Mohand Ouyahia et, par ricochets, par elle-même...
Parfois, le lecteur peut avoir les larmes aux yeux, tant l'affliction décrite semble au-dessus de la capacité humaine permettant de la supporter, d'autres fois, le lecteur est choqué face aux vérités crues assenées par l'auteure. Des vérités qui font mal tant le souci de Nadia n'est guère de caresser dans le sens du poil mais de dire plutôt les choses telles qu'elles sont vraiment.
La critique de la société kabyle, telle que pensée par son frère Abdellah Mohia, est rapportée longuement et fidèlement sur des dizaines de pages, très biens écrites et excellemment structurées. Ce livre très précieux, qui gagnerait à être réédité par les Éditions «Achab», car déjà épuisé, est à la fois une biographie détaillée de Abdellah Mohia, un témoignage de sa soeur, une critique de la société kabyle, et un regard très profond sur les turpitudes de la vie, sur la mort et son mystère et également, un condensé de proverbes, de poèmes et de citations kabyles, transcrites directement en tamazight avec des traductions en langue française. À lire et à relire.

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