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Festival de la francophonie à Paris

Madagascar et ce réel sal...

Délaissant sa langue maternelle pour le français, Jean-Luc Raharimanana refusait d’écrire dans la réalité de sa langue, pourvue de violence et de saleté.

La force de la littérature est sa capacité de transcender le réel et le rendre palpable dans l'imaginaire intime. «L'écriture c'est lorsque les mots deviennent évidents, en passant du tragique à la réalité.
Le rêve d'enracinement qui vous fait sortir des branches. Des pierres qui ne font pas mal..» dira le célèbre auteur malgache Jean-Luc Raharimanana dans le cadre d'une «discussion» qui s'inscrit, elle aussi, dans le cadre du fFestival de la francophonie qui se tient actuellement depuis le 02 au
06 octobre, notamment à la Gaité lyrique, à Paris, où de nombreux auteurs, éditeurs et libraires francophones sont présents pour débattre de leurs métiers respectifs autour d'une thématique précise à savoir « Refaire le monde». Mais est-ce vrai que les écrivains puissent refaire le monde? Né à Antananarivo, capitale de Madagascar, en 1967, Jean-Luc Raharimanana est un romancier et poète primé. Après avoir obtenu une licence en littérature dans sa ville natale, il rejoint une troupe de théâtre et achève sa première pièce, Le Prophète et le Président en 1989. Romancier, essayiste et poète, il est également auteur de pièces de théâtre, de contes musicaux et metteur en scène. À ' l'âge de 22 ans, il quitte son pays, pour la France où il Bénéficie d'une bourse d'études. Il vient en France en 1989 pour suivre des cours à la Sorbonne et à l'Inalco. Professeur et journaliste pigiste, il collabore à de nombreuses manifestations littéraires et pédagogiques. Raharimanana a grandi dans un pays traversé par la violence et la pauvreté. Il s'est exilé en France avant de retourner en 2002 à Madagascar pour défendre son père arrêté et torturé. Marqué à vif par l'histoire, la géographie magique/maléfique de son pays, il ressent la nécessité de se consacrer à la restitution de la mémoire malgache, trahie par des récits où se confondent mythe et réalité. Il est l'exemple vivant de cette mobilité des langues et des imaginaires, lui qui vient des îles du sud-ouest de l'océan Indien pour se retrouver tôt en France, sans se détacher complètement de son pays, malgré les blessures du passé. «J'ai décidé d'écrire pour les autres aussi, pas seulement pour moi. Au départ, j'ai commencé à écrire sur n'importe quoi. La frontière entre la poésie et le récit ça n'existait pas pour moi. Les romans dans la langue française, c'est venu à un moment donné, grâce à la poésie dans la langue française au Liban. On a trés vite reçu un enseignement du français très à l'ancienne avec les rimes, les alexandrins, ça m'a ennuyé comme pas possible! À partir du moment où je me suis éloigné de ça, j'ai quand même ramené la poésie dans mes récits. Dans mes textes...» Et de confier: «J'ai commencé à raconter en malgache à l'écrit. J'étais tres jeune et il y avait de la violence. Quand vous voyez vos parents se faire tabasser par des militaires; quand vous voyez vos aînés, les étudiants à l'université se faire tirer dessus, les cadavres entassés, on ne veut plus écrire en malgache, c'était trop violent pour moi». Et de renchérir: « Plus jeune, il y avait le cinéma déjà. Mon père avait rénové une ancienne église pour en faire une salle de cinéma. Les copains qui ne comprenaient pas le film, à la fin de la séance, c'est moi qui leur racontais le film en malgache, mais quand je n'aime pas le film, je changeai l'histoire... À partir de ce moment là, j'ai commencé à raconter beaucoup d'histoires en malgache, ce n'est qu'après que j'ai perdu un peu mon malgache avec la violence politique par ce que je trouvais que c'était trop fort, trop sal, et je n'avais pas assez de mots en malgache pour éviter de mettre de la saleté dans ma bouche. En français il y avait déjà plein d'auteurs qui m'inspiraient en disant de belles choses. À partir de là, j'ai décidé d'écrie en français. Maintenant, oui, on peut l'expliquer comme ça; le français m'a permis de mettre de la distance avec cette violence, mais à Madagascar, j'étais un enfant sous la dictature. Autour de nous c'était l'océan. On ne pouvait pas sortir, je ne pouvais imaginer un seul instant que mon nom allait être sur un livre. Les livres étaient interdits. Je ne supportais pas cette saleté de ma réalité dans ma langue maternelle...» conclut celui qui est traduit en allemand, anglais, italien et espagnol. Jean- -Luc Raharimanana a reçu ainsi de nombreux prix dont le prix Poésie du livre insulaire 2011 ou le premier prix Jacques Lacarrière «Chemins faisants» pour son roman Revenir, en 2018.

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