C’est l’Anniversaire de sa naissance
Matoub n’a-t-il vraiment vécu que 42 ans ?
En vingt ans de carrière artistique, il a produit pas moins de 34 albums, tous d’égale qualité artistique et poétique. Il avait tellement soif de dire et de chanter qu’il lui est arrivé de produire quatre albums en une seule année.

Cette frénésie de s’exprimer avait-elle un lien avec sa prémonition continuelle sur sa mort qui devait l’emporter si jeune ? Peut-être. En tout cas, il a fait en vingt ans ce qu’aucun autre n’aurait fait en cent ans. Sa vie, son parcours militant et artistique ont été des plus denses. Matoub n’a-t-il vraiment vécu que 42 ans ?
Matoub Lounès a sacrifié sa vie pour « une Algérie meilleure et pour une démocratie majeure ». L’anniversaire de Matoub Lounès coïncide avec le 24 janvier. Matoub Lounès qui aurait eu 69 ans jeudi passé a été ravi aux siens alors qu’il n’avait que 42 ans. Mais il y a eu une vie pleine de militantisme pacifique en faveur de l’identité et de la culture amazighes ainsi que pour l’instauration de la démocratie en Algérie. En vingt ans de carrière artistique phénoménale et inédite dans les annales de la chanson kabyle, Matoub a pu ratisser large. Il a réussi à conquérir les cœurs et les âmes. Ses fans le vénéraient. Ses concerts, toujours donnés gratuitement, étaient des moments de magie. Une symbiose et une synchronicité étonnante caractérisaient toujours la rencontre entre Matoub et ses admirateurs lors des concerts. Toutes ses chansons étaient reprises par cœur et en cœur par les spectateurs lors de ses différents spectacles en Algérie jusqu’à son dernier qui a eu lieu au stade Oukil-Ramdane le 20 avril 1995. La voix de Matoub était rauque et belle. Elle avait quelque chose d’inexplicable et d’ensorcelant. Elle perçait les oreilles et traversait tout le corps jusqu’à percer l’âme de l’auditeur. C’est une voix unique en son genre. Inimitable et immortelle, Matoub l’est par sa voix, ses poèmes et ses musiques qu’il savait choisir, arranger et enregistrer à sa façon. Même quand il reprenait une chanson du patrimoine ou d’un autre grand artiste, il conférait à la nouvelle version de la chanson reprise un caractère personnel qui la parait d’une esthétique et d’une originalité hors du commun. C’est le cas entre des titres Yetsesegigh wul iw Izriw yeghlev lehmali , Daghrib dabarani , Atas aysebregh , Atsili lhadja rkhiseth , Tamedit n was , A yizriw yesridimen , etc. Dans son œuvre artistique, Matoub a ressuscité et réincarné à la perfection les sommités de la chanson algérienne comme El Anka, Slimane Azem, Cheik Arab Bouyezgaren, Dahmane El Harrachi, Guerouabi et même Fadhéla Dziria, qu’il vénérait, à son tour, faut-il le rappeler. Matoub, ayant compris que la musique n’avait pas de limite, a puisé dans le large et richissime répertoire de la chanson algérienne, plus particulièrement le chaâbi dont il était un mordu et un admirateur impénitent. En poésie, Matoub a chanté plus de 220 poèmes tous jugés comme des œuvres littéraires raffinées et élaborées. Il a beaucoup chanté sur lui-même. Sur sa vie, parsemée d’embuches et de souffrances interminables, sur ses amours brisées, sur son enfance traumatisée pendant la guerre d’indépendance, sur ses amis qui l’ont trahi après avoir sucé son sang et vidé ses poches, etc. Il a également chanté sur l’Algérie, son deuxième grand amour, sur sa mère, sur les orphelins et les veuves, sur les tabous dont certains n’ont été prisés que par lui, sur les grandes figures de la Révolution algérienne : Ben Mhidi, Krim, Abane, et. Il a chanté sur la vie et surtout sur la mort. Il a beaucoup chanté sur la mort. La sienne et celle des autres : ses amis décédés suite à des maladies ou ceux assassinés lors de la tragédie nationale, à l’instar de Mustapha Bacha, Tahar Djaout, Djilali Liabès, Mahfoud Boucebsi, Smail Yefsah, etc. En vingt ans, il a produit 34 albums, tous d’égale qualité artistique et poétique. Il avait tellement soif de dire et de chanter qu’il lui est arrivé de produire quatre albums en une seule année. Cette frénésie de s’exprimer avait-elle un lien avec son prémonition continuelle sur sa mort qui devait l’emporter si jeune ? Peut-être. En tout cas, il a fait en vingt ans, ce qu’aucun autre n’aurait fait en cent ans. Sa vie, son parcours militant et artistique ont été des plus denses. Matoub n’a-t-il vraiment vécu que 42 ans ?