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Omar Belkacemi, réalisateur, à L'Expression

«Mon hommage à toutes les femmes opprimées»

Samedi dernier s'est tenu l'avant-première de son premier long métrage, en tamazight. Un film rare, sensitif, contemplatif, qui fait écho au fameux film d'animation «Le vent se lève» de Hayao Miyazaki, non pas par sa technique, mais par sa façon de nous restituer la fragilité humaine à l'image. Un film intime. Emouvant. Tres personnel. Très pudique aussi. Un film sur les sentiments, sur le rapport des gens entre eux. Sur les déceptions, celles du réalisateur, ses souffrances, les aléas de la vie, la sienne, mais surtout, sur les rêves que poursuit inlassablement Omar Belkacemi jusqu'à l'épuisement...Nous étions là, à l'avant-première et nous avons tenté de sonder avec lui son film et de s'inviter ainsi à son univers cinématographique bien singulier, où le beau et le mystère se conjuguent avec grâce, les traditions s'inclinent devant la nature, avec simplicité et malgré ces longs silences interminables, cela reste un film qui parle beaucoup car s'adressant au coeur avant tout...

L'Expression: Vous venez de sortir votre premier long métrage intitulé «Argu». Pourriez-vous nous en parler?
Omar Belkacemi: C'est l'histoire de ma mère, de toutes ces femmes, de mon village. De tous les villages. De ces femmes opprimées du monde entier. C'est un hommage à la femme opprimée. Un hommage aux exclus. Aux marginaux. À travers ce film, j'essaye de montrer des choses que j'ai vécues. Qui m'ont traversé, qui m'ont bouleversé, je raconte ma vie...

Quelle est la part du rêve justement, de l'imaginaire dans votre film?
Si ce n'était pas les rêves, je ne serais pas là, je serai ailleurs. Faire un film, ce n'est pas facile, c'est grâce à ce rêve que je me maintiens que j'existe. Je fais des films encore grâce aux rêves.. Pour moi, rêver c'est le seul moyen de résister aujourd'hui.

Vous avez rendu hommage tout à l'heure à Chérif Aggoune...
Oui, c'était mon producteur. C'est quelqu'un qui m'a beaucoup aidé. Il était d'une disponibilité extraordinaire. Il s'est donné corps et âme pour ce film. Il était vraiment d'une générosité incroyable. Il est décédé quelques semaines après le tournage. Il m'est difficile de revoir le film, aujourd'hui, sans avoir une pensée profonde pour Cherif Aggoune. Si le film est tel qu'il est, comme je le souhaitais c'est grâce à des personnes comme Chérif Aggoune.

Une tournée de votre film est-elle envisageable?
Oui, à partir de juin 2022. D'après le Caacd, puisque c'est lui qui gère la sortie du film, ce sera probablement vers le 12 décembre ou le 24 décembre. Mais je n' ai pas encore une idée précise quant à la distribution du film en Algérie. Là, le film est en sélection dans pas mal de festivals. Apres les JCC, il a été beaucoup demandé. Je lui souhaite une carrière internationale. Il va maintenant partir dans quelques festivals dans le monde.

Pour revenir au contenu de votre film, c'est à ce point triste de vivre dans les villages en Kabylie aujourd'hui?
Il y a quand même beaucoup de joie. Malgré le tragique..

Il y a les femmes fortes...
Oui, les femmes chez nous en Kabylie ou en Algérie en général, elles existent par la bonté, leur courage, leur générosité. La femme est incontournable dans mon univers. Dans le film, il s'agit vraiment de ma mère qui est morte très jeune. J'ai toujours cette envie de rendre hommage à ces femmes via le cinéma, mes films. Les femmes, ce sont elles qui apportent la joie dans le film si vous l'avez remarqué. Elles apportent la vie dans un monde désert. Ce n'est pas propre à la Kabylie, c'est dans toute l'Algérie. Ce sont les femmes qui résistent, qui apportent de l'espoir. Là où la femme est absente, il ne faut pas espérer de l'espoir. Ni un avenir...La femme est moteur de l'épanouissement de la société, en effet.... Nous ne pouvons pas vivre sans la femme. Elle est comme vous dites, la béquille sur laquelle se repose l'homme, absolument, mais pas que l'homme, toute la société. Pas seulement en Algérie, mais aussi ailleurs. Quand on voit la Tunisie... si la Tunisie est encore debout c'est grâce aux femmes. La femme tunisienne est émancipée. Elle a plus de droits que les femmes algériennes.

Dans votre film on remarque une citation de Nietzsche qui est en rapport avec l'interprétation des phénomènes et la morale...
C'est la thématique du film. C'est un clin d'oeil. Parce qu'il y a des interprétations morales des phénomènes et non l'inverse. Il n' y a pas de morale. Ce sont les interprétations qui font croire que c'est la morale. Mahmoud on le voit comme quelqu'un d'immoral dans sa façon de se comporter, avec sa générosité, sa disponibilité envers les femmes alors qu'il n'en est pas. Le titre orignal du film, d'ailleurs, devait être la morale. «Argu» c'est récent. Ça correspondait parfaitement à la thématique du film. Mahmoud est un artiste, enseignant de philosophie à Béjaïa, c'est un artiste dans sa façon de voir les choses. C'est un rêveur. Koukou est considéré comme un marginal.

Mahmoud rejette Samia qui finit par se marier avec quelqu'un d'autre et idéaliste qu'il est, poursuit sa quête inexorable d'amour...
Dans pas mal de répliques, on a compris que l'amour est une force magique extraordinaire. Dés que tu mets la main dessus, il fuit. C'est une expérience. Mahmoud c'est un idéaliste, tu l'as bien dit. C'est un rêveur qui porte une certaine vision philosophique sur le monde. C'est ce qui l'a poussé à comprendre le cas de Koukou, de sa soeur Djura, de toutes ces femmes, ces marginaux et exclus. Mahmoud est un prof de philo. On ne le dit pas, mais on le voit...

Mahmoud déclare: «J'ai le corps calciné», est-ce pour cette raison qu'il ne peut pas aimer et refuse de donner à Samia ce qu'elle cherche?
Il dit qu'il est prisonnier de ses rêves. C'est mon cas aujourd'hui. C'est de moi que je parle. Rester prisonnier de ses rêves, avec ce corps et ses douleurs sans fin... Doit-on encore faire des concessions dans la société? Peut -on résister en étant idéaliste et aller de l'avant? Cela est-il possible? On est déchiré. Je te connais femme libre et émancipée, mais d'un autre côté, la société t'attrape.
Parfois tu avances et parfois tu recules.. C'est un combat permanent. On est coupé en deux. il y a deux Omar, deux Hind qui se battent quotidiennement, en permanence. Qui va l'emporter sur l'autre?

La nature dans votre film est un personnage central qui fait écho aux différents états d'âme des personnages, de leur amertume, jusqu'à leur colère intérieure..D'ailleurs, Mahmoud lie la nature à l'amour de l'Autre...
Effectivement? il dit à Koukou: «Si ces hommes avaient de l'amour pour la nature, ils auraient de l'amour pour toi.» Parce que Koukou représente l'innocence. C'est la nature par excellence. C'est la beauté intérieure, pure. Koukou lui répond: «S'ils avaient de l'amour pour la nature, ils l'auraient pour eux -mêmes».

La nature de la Kabylie revient avec insistance...
C'est mon univers. Je ne peux pas dissocier ces paysages de toutes ces femmes, ces hommes, ces regards, ces visages et de toutes ces situations. C'est incontournable.
J ‘ y baigne dedans.
Les paysages s'imposent. C'est là ou je vis. Là où j'ai tourné, c'est vraiment chez moi...il m'est vraiment difficile de réfléchir, de voir autre chose en dehors de ces paysages. C'est un hommage à

l'humanité en tout cas..à la beauté et à l'amour..Mon film est un hymne à la vie. Je le résume comme ça.

Malgré les côtés tragiques de ces moments par lesquels nous traversons?
C'est dans les cendres de la tragédie que prenait l'espoir. On ne peut pas connaitre le bonheur sans avoir goûté au malheur. On ne peut pas savoir ce qu'est être debout si on n'a pas été par terre. C'est cela la vie. On est tantôt joyeux, tantôt malheureux. C'est ce qui fait la beauté de la vie, et quand on croit à la poésie bien sûr.

Votre film est très contemplatif. Il vient juste après votre moyen métrage «Lmuja». Il souligne votre engagement pour la défense de la langue amazighe.
Je suis amazigh. Je ne peux exprimer les douleurs et mes doutes, mes espoirs, mes illusions, mes désillusions que par la langue de mes ancêtres. Je pleure en tamazight.
Je ris en tamazight. Je rêve en tamazight. Je suis né au fin fond de ces montagnes. J ‘y continue dy vivre. Je ne peux pas être autre chose que ce que je suis...je suis moi-même. On parle le kabyle chez nous. Je ne peux pas mentir.

Un dernier mot sur le casting et, notamment le comédien qui incarne Koukou?
C'est un ami, amateur de guitare. C'est lui -même qui chante dans le film. Sa façon de marcher, de voir les choses, son comportement, m'ont beaucoup inspiré.
J'étais comme ça, quand j'étais jeune. C'est un ami très proche. Rayes Mustapha qui a joué dans le film, c'est son vrai père. Je ne fais des films qu'avec des amis.

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