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Mokrane Koulal , Écrivain, à l’expression

«Mon roman met en scène la tragédie coloniale»

Mokrane Koulal est originaire d'Azazga (Tizi Ouzou). Il est enseignant des sciences de l'ingénieur à Paris. Après des études de troisième cycle en mécanique des fluides, il a entamé des recherches pour une thèse de doctorat sur la violence du bilinguisme dans l'oeuvre de Kateb Yacine. Le serment de l'absence est son premier roman.

L'Expression: Votre parcours universitaire et professionnel n'a pas grand-chose à voir avec la littérature, comment êtes-vous passé à l'écriture de ce premier roman?
Mokrane Koulal:La science, en tant que savoir organisé, m'a inculqué une capacité d'analyse rigoureuse et une attention minutieuse aux détails. Elle m'a permis d'explorer chaque scène avec profondeur et de retranscrire les événements avec une précision, que je suppose, honore à la fois l'imaginaire et la réalité. Si j'ai choisi d'écrire ce roman, c'est avant tout par passion. Il s'agit d'un projet longtemps enfoui en moi, mû par un désir latent de donner vie à une histoire qui me tenait à coeur.

Vous dites que l'écriture de ce roman est en quelque sorte une aventure magnifique pour vous, pouvons-vous nous en dire plus?
Avant de me lancer dans l'écriture de ce roman, j'ai consacré beaucoup de temps à rédiger des articles sur des sujets variés et des événements marquants. Ces écrits, souvent partagés avec des amis, ont suscité des échanges riches et stimulants. Encouragé par leurs retours positifs, ils m'ont incité à envisager une aventure littéraire plus ambitieuse, comme celle d'écrire des nouvelles ou un roman.
C'est ainsi qu'un jour, sur un coup de tête, j'ai décidé de franchir le pas. L'écriture de ce roman a été une entreprise exigeante, qui s'est étalée sur près de quatre ans. Ce voyage créatif a été marqué par des périodes d'intense productivité, mais aussi par des moments de vide, lorsque l'inspiration me faisait défaut. Malgré ces passages à vide, la persévérance et le soutien de mes proches m'ont permis de mener ce projet à son terme. Cette expérience, à la fois éprouvante et gratifiante, a renforcé ma conviction que l'écriture est un processus vivant, mêlant réflexion, imagination et résilience.

Vous dites que votre petite famille est votre première source d'inspiration, comment?
En effet, les encouragements de mes amis lecteurs ont été déterminants dans mon aventure d'écriture, mais un événement a véritablement déclenché ce projet: la naissance de mon premier enfant. Ce moment unique et bouleversant a éveillé en moi un désir profond de raconter une histoire, de transmettre des émotions et de donner vie à des personnages qui incarnent des fragments de ma propre expérience.
Pour rendre les scènes aussi authentiques que possible, je m'efforce de me glisser dans la peau de chaque personnage. Cette approche me permet de décrire avec justesse des sentiments universels, tels que l'amour d'un parent pour son enfant. Ainsi, lorsque je dépeins Ali et l'affection qu'il porte à son fils, ou encore ses déclarations d'amour pour sa femme, je puise directement dans mes propres ressentis envers mes enfants et mon épouse.
Ce processus d'écriture, profondément introspectif, me permet non seulement de bâtir des personnages crédibles, mais aussi de mieux comprendre et exprimer les émotions qui m'animent. À travers cette oeuvre, j'ai tenté de tisser un lien entre ma réalité personnelle et l'imaginaire littéraire, pour offrir au lecteur une expérience à la fois sincère et universelle.

Vous dites également que vos parents ont contribué d'une certaine manière à l'écriture de ce roman, n'est-ce pas?
Mes parents ont également joué un rôle clé dans l'élaboration de ce roman. Ils ont été des sources d'inspiration précieuses, contribuant à poser les bases de cette oeuvre. Lors des moments où je me trouvais à court d'idées, je me tournais souvent vers eux. Engager une discussion avec mon père ou ma mère, même sur des sujets apparemment anodins, m'aidait à recentrer mon attention sur mes thématiques d'écriture. Leurs récits, leurs souvenirs et même leurs réflexions m'apportaient souvent, de manière indirecte, des réponses ou des pistes pour relancer mon processus créatif.
L'apport de mon père dans ce roman est indéniable. À travers ses anecdotes pleines de sagesse et les leçons de vie qu'il partageait, il m'a offert des matériaux riches pour nourrir mes personnages et leurs histoires. Ma mère, quant à elle, m'a profondément inspiré par son vécu, marqué à la fois par des défis et une force intérieure remarquable.
Ces échanges avec mes parents ont non seulement enrichi l'authenticité des scènes, mais ils ont également renforcé les liens entre mon histoire personnelle et celle que je voulais raconter dans ce roman. Leur influence s'est inscrite dans chaque ligne, chaque dialogue et chaque émotion que j'ai tenté de transmettre.
Revenons, si vous permettez, à la trame de votre roman, pouvez-vous nous en parler sans en dévoiler l'essentiel bien entendu?
Ce roman est avant tout un récit sans fin, un tableau vivant qui met en scène la tragédie coloniale. Il ne se contente pas de décrire la misère et la faim; il plonge bien plus profondément, dans les fractures intimes et collectives que cette époque a engendrées. À travers ses pages, il explore les déchirements des liens familiaux, l'érosion des valeurs humaines et sociales, et la manière dont la colonisation a brisé les fondements mêmes de l'existence.
Ali, le personnage principal, incarne pleinement cette Algérie colonisée et martyrisée. Il est un homme tiraillé entre ses obligations, ses convictions et son amour pour Malha, qu'il épouse dans une union empreinte de tendresse et de passion. Lorsque leur amour atteint son apogée, Ali fait un choix déchirant: il rejoint le maquis, laissant derrière lui une épouse enceinte. Leur fils naît en son absence, symbolisant à la fois l'espoir d'un avenir nouveau et le poids des sacrifices que l'Histoire impose.
À travers le destin d'Ali, le roman cherche à donner une voix à ceux qui ont vécu l'indicible, tout en témoignant des luttes intérieures et extérieures qui ont marqué cette période. Ali n'est pas seulement un personnage; il est une métaphore vivante de l'Algérie, une nation blessée, mais résiliente, traversant les ténèbres de la colonisation avec l'espoir d'un jour renaître.

Votre roman est-il inspiré de faits réels?
L'histoire de ce roman puise ses racines dans des faits réels. Elle s'inspire d'événements survenus pendant la Guerre de Libération nationale, dans un village de la daïra d'Azazga. Ce cadre authentique confère à l'oeuvre une profondeur historique et émotionnelle, ancrant le récit dans une réalité qui a marqué des générations. Bien que le synopsis reste fidèle à l'essence de cette histoire vécue, j'ai choisi d'agrémenter certaines scènes avec des bribes de mon imagination. Ces ajouts personnels ont pour objectif d'intensifier les émotions et de donner plus de vie à certains moments clés du récit, sans jamais trahir l'âme originelle de l'histoire.
En mêlant réalité et imagination, j'ai cherché à créer une oeuvre qui résonne à la fois comme un hommage aux témoins de cette époque et comme une exploration universelle des luttes humaines. Chaque détail, qu'il soit inspiré ou inventé, a été pensé pour transmettre avec justesse l'intensité des événements et les émotions des personnages.

Quel est votre objectif en écrivant ce roman? Quels messages vouliez-vous transmettre à vos lecteurs?
à travers ce roman, j'ai un double objectif:d'une part, rendre hommage à toutes celles et ceux qui ont sacrifié leur vie et leur existence pour que l'Algérie puisse vivre libre aujourd'hui, et d'autre part, témoigner de la tragédie coloniale et de ses ravages humains et sociaux.
Bien que je n'aie pas vécu cette guerre, je m'efforce d'en saisir les répercussions à travers mes recherches, mes observations et les récits transmis par ceux qui l'ont vécue. Mon regard est également nourri par ma propre expérience de vie en France, où je suis confronté, de manière directe, à un discours qui cherche encore à justifier ou minimiser les violences de la colonisation. Étant «dans la gueule du loup», je constate de près ce travail néocolonial qui tente, subtilement ou ouvertement, de souligner les prétendus bienfaits de la colonisation.
Un exemple frappant de cette vision biaisée se trouve dans le dictionnaire Robert de 2012, qui définit la colonisation comme «la mise en valeur d'un territoire». Une définition qui occulte totalement les souffrances, l'exploitation et les traumatismes infligés aux peuples colonisés. Mon roman s'inscrit en opposition directe à cette narration. Il dévoile les vérités souvent étouffées et met en lumière les voix oubliées, celles qui ont subi les blessures irréparables de la colonisation.
À travers cette oeuvre, je veux contribuer à une mémoire collective plus juste et plus honnête, en mettant en évidence la brutalité et l'inhumanité d'un système qui a prétendu apporter civilisation et progrès, mais qui, en réalité, a semé la division, la douleur et la perte.

Peut-on avoir une idée de votre univers littéraire, vos écrivains préférés, les livres qui vous ont marqué?
Ma première référence reste Kateb Yacine, un écrivain qui, bien avant son époque, a su capter la réalité complexe de son époque. Il n'est pas seulement le porte-parole des opprimés et des sans-voix, mais un véritable visionnaire.
Son oeuvre a ouvert des horizons nouveaux pour la littérature francophone, et son engagement pour la justice sociale et la liberté continue de m'inspirer profondément.
En plus des classiques français, je me suis beaucoup nourri des écrits de grands écrivains francophones. Aimé Césaire, Mahmoud Darwich, Abou el Kacem Echabi, Léopold Sédar Senghor ont tous été des figures majeures dans mon parcours littéraire. Leurs oeuvres, empreintes de poésie et d'engagement, m'ont permis de mieux comprendre les réalités sociales et politiques qui façonnent le monde.
J'ai toujours cherché à diversifier mes lectures, m'intéressant autant à la littérature orientale qu'à la littérature russe, chaque culture offrant une perspective unique sur l'humanité. Cependant, un écrivain qui m'a particulièrement marqué est Stefan Zweig, notamment son oeuvre Lettre d'une inconnue. J'y ai trouvé tout ce qui me séduit dans cette oeuvre: la profondeur psychologique, la richesse émotionnelle et la puissance de la narration.

Comptez-vous continuer d'écrire, si c'est le cas, quels seront vos prochains sujets, en avez-vous déjà une idée?
Beaucoup de personnes qui ont lu ce roman m'ont avoué qu'elles étaient restées, a priori, sur leur faim, étant donné que la fin de l'oeuvre demeure ouverte et dramatique. De nombreux lecteurs m'ont demandé de donner une suite, et bien sûr, je l'envisage volontiers. Toutefois, cela ne se fera pas immédiatement. Actuellement, je me concentre sur un autre projet littéraire, un roman où la femme occupe une place centrale.
Je ne me considère pas comme un grand féministe, mais je suis très sensible à la question du rôle et de la condition féminine dans nos sociétés. Mon intérêt pour ce thème ne vient pas d'une idéologie militante, mais d'une volonté profonde de comprendre et de mettre en lumière les réalités vécues par les femmes.
À travers ce prochain roman, je souhaite explorer la complexité de l'identité féminine, les défis qu'elle affronte, ainsi que sa force et sa résilience face aux obstacles qui lui sont imposés.

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