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Si El Hachemi Assad, secrétaire général du HCA, à L'Expression

«On n'a pas de stratégie linguistique»

Le Haut Commissariat à l'amazighité, un quart de siècle depuis sa création le 27 mai 1995, continue à travailler malgré les difficultés afférentes à son statut juridique lié à la vacance flagrante du poste de président de l'institution, qui perdure depuis seize années avec le décès de Mohand Idir AIT AMRANE. La visibilité du travail mené, jusque-là, est souscrite grâce à la volonté exceptionnelle de ses fonctionnaires et surtout de son secrétaire général Si El Hachemi ASSAD, lequel assure la pérennité des actions de réhabilitation et de promotion de tamazight, principale fonction d'un Haut commissaire.À coeur ouvert, il répond à nos questions relatives à l'actualité de tamazight avec son habituelle assurance et sa sérénité.

L'Expression:Le prix du président de la République pour la langue et culture amazighes attribué le 12 janvier dernier, et lancé récemment, constitue sans doute l'une des plus importantes avancées dans le domaine de la promotion de la langue et de la culture amazighes, quel impact concret pourrait avoir ce Grand Prix à long terme?
Si El Hachemi ASSAD: Effectivement, l'année écoulée (2020) est couronnée par l'institutionnalisation du prix du président de la République de la langue et littérature amazighes, sans oublier les acquis précédents (tamazight langue nationale et officielle, scellée et consolidée en 2020 dans la Constitution; Yennayer journée chômée et payée, en 2017), cela impacte positivement l'imaginaire et les mentalités des populations, elles s'ouvrent de plus en plus sur leur amazighité qui les enracine dans l'histoire et elles en sont fières. S'agissant du prix du président de la République de la langue et littérature amazighes, il motive, à plus d'un titre, la recherche et la création dans le domaine amazigh et ce, par plusieurs aspects: le prestige d'être lauréat, une récompense matérielle substantielle et les bonnes conditions objectives de son déroulement du fait qu'il est placé sous la responsabilité morale d'un jury indépendant composé de spécialistes de la langue et du patrimoine national amazighs.
Aussi, il faut noter que ce Prix ne concerne pas un aspect littéraire en particulier, mais s'étend à tous les autres genres littéraires comme le roman, le théâtre, la poésie, la nouvelle; il concerne aussi la traduction et les travaux de recherche dans le domaine de la langue amazighe à travers des études linguistiques et les sciences connexes. L'objectif est de mettre en avant l'excellence et l'ériger en norme dans la promotion de la langue, en mettant en valeur la richesse et la diversité littéraires, et par la même, préserver et rentabiliser le potentiel de la richesse linguistique amazighe véhiculée dans toutes ses variantes.

En évoquant ce prix, pouvez-vous nous donner un aperçu sur la production livresque en langue amazighe et plus particulièrement sur le roman amazigh qui connaît un essor inédit dans les annales depuis environ cinq années?
En ce qui concerne la production éditoriale, le palmarès du HCA le place comme premier éditeur du livre amazigh à l'échelle nationale, voire même à l'échelle du Maghreb, notamment suite à l'adoption de la formule de la coédition,depuis 2014, avec des éditeurs étatiques et privés: des centaines d'ouvrages de qualité touchant à l'ensemble des genres littéraires (roman, nouvelle, conte, pièce de théâtre...), actes de colloques et divers séminaires, travaux de recherche d'universitaires de rang doctoral, ouvrages littéraires et historiques, sont mis sur les étalages. Sans oublier l'édition prioritaire des manuscrits retenus par le jury du Prix du président de la République de la langue et la littérature amazighe lors de sa première édition. En somme, depuis 2014, le HCA présente continuellement un programme éditorial annuel riche, varié et de qualité. Par ailleurs, il faut noter que les universitaires sont présents dans les programmes du HCA, notamment par l'édition de leurs travaux réalisés dans le cadre d'un dispositif spécifique intitulé «consultation» touchant à la lexicographie, didactique, histoire et autres domaines d'études.

Qu'en est-il de l'enseignement de la langue amazighe. Le processus de sa généralisation dans plusieurs wilayas du pays est enclenché depuis quelques années, qu'est-ce qui constitue le plus grand obstacle à ce grand chantier qui nécessite bien entendu énormément de temps et de moyens aussi bien humains que matériels?
Notre plaidoyer de toujours est de se conformer aux dispositions de la loi suprême, à savoir la Constitution, d'où la nécessité d'amender la loi de l'orientation de l'Education nationale qui est à nos yeux obsolète. Cette loi n°08-04 du 23 janvier 2008 soumet l'enseignement de tamazight à «la demande sociale» et lui confère donc un caractère facultatif, qui exacerbe sa dévalorisation et/ou son rejet, consciemment ou inconsciemment dans l'imaginaire et les représentations des populations (considérant le rôle des représentations dans la structuration des imaginaires langagiers des locuteurs et dans la structuration des réalités sociolinguistiques) et qui fait obstacle aux perspectives d'une généralisation effective. De cet état de fait, découlent des contraintes de tous ordres; administratives, pédagogiques et socioprofessionnelles qui entravent réellement l'enseignement de tamazight et par conséquent pénalisent les enseignants. Ces problèmes se posent avec acuité chaque jour, à chaque rentrée scolaire.
Les acquis sont pourtant indéniables depuis l'introduction de tamazight à l'école en 1995-1996: le nombre d'élèves qui s'y inscrivent augmente d'année en année, le taux de réussite dans les examens nationaux dans la matière est très satisfaisant,la généralisation est amorcée, la qualité de l'encadrement y est, puisqu'il s'agit de diplômés universitaires dans la filière, les manuels scolaires-inexistants au départ- sont disponibles de la 4AP à la 3AS (notons bien l'étrangeté du choix de son introduction à partir de la quatrième année primaire 4AP, la mettant en troisième position après le français langue étrangère faisant fi de toutes les études et expertises menées par l'Unesco sur l'apprentissage de la langue maternelle qui met en avant les dimensions psychologique, sociologique et pédagogique de cet apprentissage).
L'effort doit être encore poursuivi, car il est indispensable de s'inscrire dans une stratégie à court, moyen et long terme et de tracer une véritable politique linguistique et une stratégie linguistique énonçant clairement le projet de l'intégration de l'enseignement de tamazight dans la politique globale du système éducatif, les objectifs assignés à cet enseignement, les perspectives de sa généralisation, avec la consécration des moyens humains, et logistiques conséquents.
L'impact au plan scolaire est aussi subordonné, dans le volet pédagogique, à la recherche pour une meilleure prise en charge des questions de la didactisation des savoirs dans la langue amazighe, de la didactique de l'enseignement des langues maternelles et secondes et des approches pédagogiques afin d'arriver à un enseignement de qualité qui s'adressera dans la durée à tous les algériens, locuteurs et non locuteurs, en prenant en compte toutes les variétés, dans une perspective d'une convergence graduelle naturelle.
L'enseignement/apprentissage en langues maternelles peut aussi être une alternative au renforcement des compétences pour le développement durable. La diversité linguistique et culturelle est à même de créer la condition de la créativité collective et par conséquent la consolidation du socle commun par la citoyenneté et le vivre ensemble.

Il en est de même concernant le choix des variantes à enseigner et à promouvoir. L'option de la standardisation de la langue amazighe semble de plus en plus très difficile à concrétiser. Quel est l'alternative qui s'impose donc pour parer à cette difficulté?
L'action du Haut Commissariat à l'amazighité vise à mettre en place une stratégie globale pour le développement et la valorisation de la langue amazighe en Algérie, adossée aux résultats de recherche issus des travaux des chercheurs et des structures de recherche. Pour ce faire, nous préconisons la collaboration et le travail de coopération avec les différentes universités, notamment où sont implantés les départements de langue et culture amazighes et les laboratoires de recherches qui travaillent sur les problématiques des langues, la didactiques, l'histoire, l'onomastique... Le HCA est propulseur d'une démarche fédératrice pour mettre en réseau ces différentes institutions scientifiques qui, malheureusement ne travaillent pas encore en synergie.
C'est seulement avec cette approche collaboratrice qu'il serait possible de prendre en charge les problématiques de tamazight en termes de convergences dialectales; sur un plan technique, sur les procédés de normalisation graphique dans la pluralité de tamazight et de ses «variétés linguistiques en usage sur le territoire national»; sur un plan éducatif, sur ses implications didactiques dans les dispositifs d'enseignement apprentissage de la langue; mais aussi dans la littérature et les différentes manifestations artistiques, ainsi que dans la dénomination des lieux, des peuplements et groupes familiaux, des personnes...
Pour revenir à votre interrogation, il faut noter que les variantes régionales sont les racines vivifiantes de «tamazight standard commune»; il est donc indispensable que chaque variante se développe et s'épanouisse dans son propre territoire. Ainsi, le HCA préconise de consacrer la 1ere année de l'enseignement de tamazight exclusivement à la variante locale, ensuite, introduire des textes et des éléments des autres variantes amazighes qui, du reste, sont toutes proches et ont de larges dénominateurs communs à tous les niveaux (syntaxique, lexicosémantique et phonétique phonologique). La standardisation des variantes en «langue amazighe commune» qui serait intelligible par tous les amazighophones doit se faire progressivement et de façon naturelle, sachant qu'une langue est une entité sociale vivante. À notre époque où les différentes régions du pays ne sont plus cloisonnées, la standardisation naturelle que favorisent les contacts entre les populations qui pratiquent les différentes variantes suit son cours. Mieux encore, les facteurs en mesure de la booster sont aussi mis à contribution: il s'agit de l'école, des médias et des différents supports artistiques.
L'enracinement historique qui confère un sentiment de fierté à toutes les couches sociales, dans leur diversité linguistique et culturelle, est aussi un facteur qui rapproche et incite à comprendre son prochain arabophone ou amazighophone.
En somme, tamazight standard commune est pour les générations futures, il n'y a donc pas urgence quant à sa concrétisation à des échéances que l'on fixerait artificiellement.

Quels sont les projets du HCA pour l'année 2021?
Durant l'année 2020 et comme vous le savez, nous avons opté pour le report de plusieurs activités et ce compte tenu des conséquences de la crise sanitaire mondiale liée à la pandémie du Covid-19. Je peux vous citer les plus importantes telles que le colloque scientifique sur la connaissance et la revalorisation de l'Histoire autour de la récente découverte du site Ain Hanech-Ain Boucherit prévu à Sétif et le congrès portant sur la thématique de «La carte linguistique de tamazight en Algérie» prévu à Adrar. De ce fait, le plan de charge de la nouvelle année 2021 doit faire «un certain rattrapage» en s'articulant sur la relance des actions phares non réalisées l'année dernière. Pour 2021 nous renforçons notre présence sur le terrain, notamment par des sorties de suivi vers les wilayas concernées par l'intégration de tamazight dans les systèmes de communication et de l'Education nationale. Cette présence du HCA a permis de régler beaucoup de situations administratives de nos enseignants qui affrontent des «résistances» et des réticences d'ordre bureaucratique que nous déplorons énergiquement. Très prochainement, je dévoilerai le détail de notre nouveau plan de charge ainsi que les grands chantiers du HCA qui attendent l'amazighité sur les plans aménagement linguistique, réhabilitation historique, collecte de la littérature orale et encouragement de la néolittérature écrite tel le roman, etc...

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