Le crépuscule de la Françafrique
Au Gabon, le feu couvait depuis longtemps sous la cendre. Un lundi 7 janvier 2019, une tentative de putsch avait déjà visé le clan des Bongo mais son échec a entraîné l'arrestation pure et simple des apprentis mutins, quelques heures plus tard. Ce fut alors «un avertissement sans frais pour Ali Bongo Ondimba qui était absent de Libreville à ce moment-là. Suite à un accident vasculo-cérébral en octobre 2020, il avait subi une intervention chirurgicale à Abou Dhabi puis une longue convalescence de plusieurs mois chez son ami Mohamed VI. Le «vrai ou faux putsch» dont on n'a jamais su les tenants et aboutissants a eu le mérite de révéler que le pays vivait un réel malaise. Héritier de son père Omar qui, lui-même, avait gouverné le pays pendant près d'un demi- siècle, Ali Bongo ne comptait pas que des supporters dans un Gabon largement mis en coupe réglée par l'ancienne puissance coloniale, capable de faire et défaire les régimes selon les exigences de ses seuls intérêts.?À l'époque, une opposition balbutiante avait donné de la voix pour réclamer l'ouverture de voies démocratiques permettant au peuple gabonais d'exprimer ses attentes et ses revendications. Là, ni Ali Bongo ni son entourage n'ont donné suite à ces signaux d'alarme, convaincus que la pérennité de leur pouvoir les situait au-dessus de la mêlée. Si le putsch avorté de 2021 fut «le plus bref du monde» parce que l'oeuvre de pieds nickelés apparemment inconscients du poids et du rôle de la France dans une partie essentielle de son pré carré africain, il a pourtant préfiguré l'inexorable fermentation d'une colère sous-jacente et porteuse du crépuscule de la Françafrique tant elle débordait le cadre étroit du Gabon pour enflammer l'ensemble de la région ouest-africaine. On se souvient qu'à ce moment-là, L'Humanité qui évoquait «le crépuscule d'une dictature françafricaine» et une «atmosphère de fin de règne à Libreville pour le clan Bongo» pointait, non sans raison, le mécontentement social et économique des Africains, lourdement tributaires de l'ancienne puissance coloniale. Colonisé de 1839 à 1960, le Gabon est un fief et un symbole de la Françafrique, avec comme partenaire principal la France, à hauteur de 30% du marché, et son premier fournisseur dans tous les domaines. 81 entreprises françaises y sont implantées, TotalEnergies étant le premier producteur de pétrole dans le pays. Quant à savoir si tout cela fait le bonheur du peuple gabonais, c'est une toute autre histoire.