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Les leçons d’un scrutin

Décidément, les Algériens s'arrangent, le plus souvent, pour ne pas faire comme les autres. Un des trois candidats à la magistrature suprême est élu confortablement; malgré cela, il joint sa voix à celles des deux autres candidats pour dire sa désapprobation de la synthèse finale rédigée par l'Autorité chargée de veiller au bon déroulement, mais aussi au bon dépouillement du dernier scrutin présidentiel. Du jamais vu, en effet. Mais dépassons le factuel, en espérant que ce genre de manière de faire, de cette instance ou de celle à venir, ne se répète plus.
Ainsi, il aura donc fallu l'annonce du résultat du triple recours émis auprès du Conseil constitutionnel pour que la (bonne) radiographie électorale soit révélée. Fait important à relever, les deux autres candidats du MSP et du FFS n'ont à aucun moment contesté le verdict final des urnes. Reste qu'à quelque chose... problème est bon car les voix des électeurs ont été prises en considération. Celles portées sur chacun des trois candidats, mais aussi les votes «contre», «nul» et, bien sûr, le taux d'abstention. Les spécialistes de l'acte électoral s'accordent, et cela est digne d'intérêt, à dire que «la réponse électorale via l'abstention ne peut être seulement considérée de façon négative ou comme le signe d'un déficit démocratique (...). Dans ce modèle, contrairement à celui des pays où le vote est obligatoire, le vote doit rester un acte libre, engageant la responsabilité d'un citoyen éclairé. En conséquence, s'abstenir est donc aussi un droit. Et un droit dont les électeurs font un usage de plus en plus fréquent, quel que soit leur âge, leur position sociale ou leur camp politique». Le sociologue Pierre Rosanvallon, dont les travaux portent plus particulièrement sur l'histoire de la démocratie, relève, pour sa part, le passage avéré «d'une démocratie politique «polarisée» à des formes de «démocratie civile» plus «disséminées», d'autres formes de l'activité politique se sont, quant à elles, raffermies telles que la «démocratie d'expression», la «démocratie d'implication» ou encore la «démocratie d'intervention». «Le vote ne les contient plus, comme par le passé, à lui tout seul», conclut ce chercheur.
Nonobstant, cette grille de lecture bien étayée ne devra pas nous inciter à faire l'économie d'une lecture constructive et raisonnée de ce phénomène qui tend à s'étendre, comme on l'a vu ces dernières années dans l'ensemble des démocraties occidentales. D'autant plus que les facteurs censés faire reculer l'abstention, comme l'émergence prometteuse d'une classe moyenne, ou le déboulonnage des verrous afin de développer l'initiative citoyenne, sont de nouveau visibles malgré l'écran de fumée que la bureaucratie (encore) persistante et la léthargie de certains continuent à dresser, voire à imposer au quotidien de nombre de nos concitoyennes et concitoyens. Cette attente s'inscrit dans un large spectre énoncé déjà dans la plupart des engagements d'Abdelmadjid Tebboune. Reste à localiser de manière plus microscopique, encore plus précise, les différents goulots de ralentissement. Cette opération que les analystes recommandent obligerait «les candidats comme les forces politiques à considérer la part d'indifférence comme la part de mécontentement qu'elle exprime» car elle est au fondement même du pacte démocratique. Et dans le cas de l'Algérie, il serait plus judicieux de parler, dans ce cas de figure, d'attente que de rejet. En philosophie «attendre est croire en cet inconnaissable qui est de facto l'avenir. Comme la foi, l'attente est imagination de l'inconnaissable et consentement à ce que l'inconnaissable décide du devenir de nous-mêmes et de notre monde. L'attente peut ressembler à la prévision qui, elle aussi, donne une image de l'avenir. Mais la prévision fait de l'avenir une reproduction, l'attente en fait une création. La prévision manifeste la peur de l'inconnaissable, l'attente la foi en lui. L'inconnaissable au fond de l'attente est lumière et non obscurité parce qu'il porte en lui une promesse de révolution et de liberté». Plus prosaïquement, cet «inconnaissable» dans le quotidien de l'Algérien ne signifie pas un «mirage», mais plutôt ce qui a été déjà énoncé par Abdelmadjid Tebboune, donc qui est loin d'être une chimère et qui suscite des brassées d'espoirs à tous les niveaux. Chez ceux qui ont retroussé les manches pour reverdir le Sahara, reboiser la steppe. Chez ses enfants qui parcourent dans ces mêmes contrées sorties, enfin, de l'ombre des kilomètres pour rejoindre une école, un centre d'apprentissage. Ils croient en ces promesses (enfin) moralisées, qui ont depuis valeur d'engagement. Cet «inconnaissable» est donc bien là. Il ne demande qu'à apparaître, enfin, au grand jour. Pour devenir cette «lumière» qui dissipera ces ténèbres, lieux de prédilection des apprentis sorciers de tout poil. L'abstentionnisme est loin d'être homogène, c'est donc de son hétérogénéité qu'il faudra venir à bout. C'est à la portée d'une équipe soudée et, surtout, motivée. Les douze travaux de Tebboune ont besoin, dans leur action, d'une équipe de bâtisseurs pleins d'imagination et de volonté à toute épreuve. L'attente, qui est l'opposé de l'indifférence, de son existence, découle notre force d'action. On dit bien que l'attente, en philosophie, peut être définie comme le présent du futur. «Notre avenir advient dans notre conscience par le processus d'attente.» Nos mère disaient toujours, «mieux vaut attendre qu'espérer». Une sage recommandation.
Espérer le décollage irréversible de la fusée Algérie, durant ce second mandat, c'est à la portée la nation; le cahier des charges est clair et bien détaillé. C'est dire que les leçons de ce scrutin sont à examiner avec bienveillance et empathie même. L'équipe qui doit relever ce défi devra aussi être à la hauteur des ambitions, des engagements d'Abdelmadjid Tebboune. Il y va même de ce projet de société, enfin possible, et qui sera la meilleure boussole pour naviguer sur tous les océans. 6 septembre 1965, Houari Boumediene: «Il existe aujourd'hui une minorité de peuples de plus en plus pourvus à côté d'autres qui le sont comparativement de moins en moins. Ce processus de paupérisation ne saurait s'enrayer de lui-même parce qu'il procède de mécanismes élaborés, de plus en plus perfectionnés et affinés par ceux-là mêmes à qui ils profitent...» 12 septembre 2024, Abdelmadjid Tebboune: «Nous avons surmonté les difficultés (...) et beaucoup progressé dans notre démarche visant à remettre l'Algérie sur les rails du développement et à en faire une puissance économique, en réponse aux besoins des citoyens. Mais ce succès demeure ‘'partiel'' car le chemin est encore long.» Long et passionnant. We Cant do it!

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